Premier grand bateau réalisé par le chantier naval de Lorient, son histoire aura été plus que courte. Dix ans après sa mise en eau, lors d’un voyage sensé le relier de Bantam à Lorient, les autorités siamoises et françaises perdent toutes traces du navire.
À son bord, un chargement de grande valeur destiné à éblouir ce « roi d’Occident ». Mais les précieuses marchandises ne sont jamais arrivées à Lorient. Les archives réunionnaises précisent que le Soleil d’Orient aurait jeté l’ancre dans le port de Bourbon, le 1er octobre 1681, pour faire le plein en eau douce et gibier.
Elles parlent aussi de cadeaux « les plus somptueux » et de « lettres de créances rédigées sur de fines feuilles d’or rangées dans une châsse en métal précieux et incrustée de pierres fines ». Coton, soie, épices : tout y est. Le bateau quitte ensuite l’Île de la Réunion pour faire route vers Madagascar où, pour une raison encore inconnue, il aurait coulé un mois plus tard.
Comme l’île survit alors de petits trafics organisés par les habitants avec les marins et le personnel des quelques vaisseaux étrangers de passage, on imagine à ce moment-là une attaque de Hollandais ou de pirates côtiers pouvant expliquer la disparition du navire.
D’autres évoquent une tempête tropicale de grande ampleur. Bref, personne n’en sait rien, ni à l’époque, ni aujourd’hui. De même pour le lieu précis du naufrage où serait enfoui le précieux trésor sous les eaux. autant de mystères qui font de cette épave l’un des sujets de conversation majeurs des spécialistes de l’exploration sous-marine.
« THE » mythe
« C’est l’un des trésors les plus mythiques au monde. Il suscite autant la curiosité des historiens que des passionnés de joyaux sous-marins », expliquait récemment Marc Fourny, journaliste du Point.
Bon nombre de chercheurs de trésors sont donc aujourd’hui sur le pont pour retrouver son épave. Parmi eux, l’explorateur et écrivain Erick Surcouf. À ce jour, l’homme a déjà trouvé une dizain d’épaves dans différentes mers du globe. S’il est fier de chacune de ses découvertes, il affiche clairement la couleur : « Je rêve de découvrir le Soleil d’Orient ». Il y a d’ailleurs consacré 29 pages dans son dernier livre faisant l’inventaire des cales du navire. « Son épave possède à la fois un intérêt financier, historique et culturel inestimable puisqu’elle contient 60 caisses bourrées d’or, d’argent et de porcelaines », explique-t-il.
Après 30 ans d’études, il dit aujourd’hui savoir à 99% où se trouve le navire, information à laquelle bon nombre d’historiens ne croient pas. « Il est profondément enfoui mais reste accessible », dit-il. D’après lui, le problème ne serait pas tant de connaître l’emplacement de l’épave mais d’obtenir les fonds financiers pour explorer le site supposé du naufrage. « Seule une douzaine de groupes internationaux a aujourd’hui les moyens de finaliser une expédition d’une telle envergure », raconte l’explorateur.
Entre le temps passé à étudier les archives, la logistique, le matériel technique et les équipes d’ingénieurs et de plongeurs, « une telle exploration sous-marine demande au minimum un an de préparation et trois millions d’euros », estime le plongeur. Mais les sponsors ne se bousculent pas, malgré l’intérêt que suscite cette épave, convoitée dans le monde entier par une foule d’historiens, de marins et d’aventuriers acharnés qui mènent aujourd’hui une véritable bataille navale pour mettre la main sur les antiquités du navire.
Magouilles et magots
« Parmi eux, il y a surtout beaucoup de petits pilleurs privés qui tentent le coup », raconte Eric Thiry, un Belge passionné par l’histoire navale du Siam. Depuis 15 ans, les cas d’escroquerie impliquant des missions d’exploration pour retrouver la précieuse cargaison se sont multipliés. Antonia Goodland-Clark, une sexagénaire cannoise en a fait les frais. Elle raconte avoir été contactée par deux hommes, en septembre 1998, pour investir dans une opération de recherche du Soleil d’Orient. Antonia se laisse gagner par l’enthousiasme, le dynamisme et les arguments scientifiques avancés par les deux chercheurs. « Ils m’ont montré une belle brochure bien faite rédigée en Français et en Anglais, ainsi qu’un dossier très complet de 105 pages sur le projet », se souvient-elle. Séduite, elle y investit 390 000 francs de l’époque (environ 60 000 euros). « Un mois plus tard, un des associés est revenu d’une mission de plongée en Indonésie en prétendant que les eaux du pays étaient bourrées d’épaves », raconte la jeune femme.