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GAVROCHE – HISTOIRE : Sur les pas d’Alexandre Yersin, ce franco-suisse de Nha Trang qui vainquit la peste….

Journaliste : Bernard Festy
La source : Gavroche
Date de publication : 20/05/2023
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Gavroche garde toujours un œil sur l’histoire. Après la pandémie de Covid, n’oublions pas que d’autres générations avant la notre subirent de plein fouet les foudres de très méchants virus ou bactéries. La peste, causée par le bacille Yersinia Pesti, fut redoutable. Elle dévasta des régions entières, tua des millions de personnes. Or la peste fut vaincue en partie en Indochine. Durant l’épidémie qui déferla sur Hong Kong en 1894, le médecin suisse Alexandre Yersin qui travaillait pour l’Institut Pasteur isola le bacille de la peste. Celui-ci fut baptisé du nom savant de Pasteurella Pestis puis celui de Yersina Pestis, donné en l’honneur du savant qui s’établit ensuite à Nha Trang, dans l’actuel Vietnam.

 

Une chronique historique de Bernard Festy

 

Le nombre de victimes des pandémies n’est bien entendu pas comparable. Et loin de nous le souhait d’apeurer nos lecteurs. Mais l’inquiétude est là, les rapprochements sont aisés et le confinement est propice aux rêveries et aux recherches…

 

La soudaineté de l’éclosion de l’épidémie de coronavirus qui nous attaque actuellement, son aspect aujourd’hui universel, son mode de transmission notamment dans le cadre des échanges internationaux, les tâtonnements dans la recherche d’une solution – remède, vaccin ou autre -, ne peuvent que nous inciter à nous pencher sur ce que furent les grandes épidémies de peste au cours des temps et ce qu’elles ont représenté pour nos ancêtres.

 

Quelques rappels historiques

 

Depuis l’origine des temps, la parole céleste n’a pas manqué d’évoquer la menace de la peste pour manifester le courroux divin face aux péchés des hommes (le Livre de l’Apocalypse).

 

L’origine des récits liés aux épidémies de peste remonte à ce qu’on appelle la nuit des temps : en clair, très loin en arrière… Les toutes premières mentions de son existence semblent apparaître dans le livre de Samuel (La Bible, Ancien Testament, les Philistins, environ 3.000 avant JC ).

 

Un repère historique plus concret daterait du règne de l’empire byzantin et de l’empereur Justinien Ier au VI siècle. Les prémisses apparurent en Égypte et se répandirent le long des côtes où fleurissait le commerce maritime : Constantinople (Istanbul aujourd’hui) en fut atteinte en 542. Les victimes s’y comptaient par dizaines de milliers et les autorités étaient submergées de cadavres dont elles ne savaient que faire.

 

D’une manière générale, on relève dès le VI ème siècle des pandémies de peste tout autour des ports de la Méditerranée et jusqu’en Perse (l’Iran aujourd’hui). Les chercheurs modernes incriminent alors les rats comme vecteurs potentiels de la transmission de la maladie dans les bateaux surpeuplés et les villes à l’hygiène douteuse.

 

Un grand bond jusqu’au XIV ème siècle : l’Europe connaît alors et pendant plusieurs siècles des vagues successives d’épidémies de peste : au XIV ème, l’une d’entre elle coûta la vie à plusieurs millions de personnes, soit les deux tiers de la population.

 

En 1576 Venise est décimée. Le doge de l’époque fait le vœu d’ériger une église à la gloire du rédempteur (Il Redentore) sur l’île de la Giudecca où chaque année le peuple se rendra en procession solennelle si la ville est libérée du fléau. Encore de nos jours, la tradition perdure le troisième week-end de juillet : un pont de bateaux traverse le canal de la Giudecca afin de permettre la procession promise à Dieu; la soirée de samedi est couronnée par un magnifique feu d’artifice.

 

La basilique Santa Maria de la Salute fut construite en 1630 également suite à un vœu formulé par la population une fois le fléau vaincu.

 

Parmi les nombreux masques portés durant le carnaval de février, on notera celui des médecins de la Sérénissime qui étaient invités à traiter les patients atteints de la peste (voir photos).

 

Puis la peste de Londres en 1664-1666 fit près de 100.000 morts dans une population totale de 460.000 personnes environ. On relève encore au XVII ème siècle des traces de peste à Cologne et le long du Rhin puis aux Pays-Bas, en Afrique du Nord, Turquie, Pologne, Hongrie et en Autriche, à Malte et à Prague. A Marseille, la peste tua environ 40.000 personnes en 1720.

 

L’épidémie semble alors marquer un arrêt sauf dans la région du Caucase. A la fin du XVIII ème siècle, la première édition de l’Encyclopédie Britannique relève que l’épidémie est « une fièvre pestilentielle provenant de miasmes toxiques, importée de pays de l’est et absorbés avec l’air ».

 

Au XVIII ème et XIX ème siècles, des traces apparaissent en Turquie, en Afrique du Nord, en Égypte, en Syrie, en Grèce et en Inde.

 

La troisième grande pandémie de peste qui trouva semble t’il son origine dans la province du Yunnan, en Chine du sud-ouest s’abat sur la région de Canton et de Hong Kong. Entre 1894 et 1922, la pandémie devient mondiale et est responsable de plus de 10 millions de morts. Le pays qui en souffrit le plus fut l’Inde mais on releva également des traces au Cap et à San Francisco en 1900, à Bangkok en 1904, à Guayaquil en Équateur en 1908, à Colombo au Sri Lanka en 1914 et en Floride en 1922 ainsi qu’en Europe.

 

Les scientifiques se mettent alors au travail.

 

La recherche : Alexandre Yersin

 

Durant l’épidémie qu’a connue Hong Kong en 1894, le suisse Alexandre Yersin qui travaillait pour l’Institut Pasteur isole le bacille de la peste qui prit le nom savant d’abord de Pasteurella Pestis puis celui de Yersina Pestis qui fut donné en l’honneur du savant.

 

Arrêtons-nous quelque temps sur Yersin. Né à Aubonne, dans le canton de Vaud en Suisse, il s’intéresse vite à la nature et aux insectes. Il grandit à Morges (canton de Vaud), effectue ses études secondaires à Lausanne puis celles de médecine à l’Université de Marburg (Hesse, Allemagne) et de Paris en 1880. Il travaille en étroite collaboration avec le professeur Victor Cornil à l’Hôtel Dieu de Paris en bactériologie, histologie et en anatomie microscopique.

 

Il découvre la bactériologie par accident grâce au docteur Pierre Roux ; alors qu’il se coupe lui-même lors de l’autopsie d’un patient décédé de la rage, Roux le sauve en lui administrant une dose d’un nouveau sérum thérapeutique, le sérum antirabique.

 

Il entre à l’Institut Pasteur, acquiert la nationalité française peu après.

 

En 1894, il se rend à Hong Kong pour effectuer des recherches sur une épidémie de peste de Mandchourie. C’est alors qu’il découvre l’agent pathogène à l’origine de la peste. De manière totalement indépendante et à quelques jours d’intervalle, le chercheur japonais Kitasato Shibasaburo arrive aux mêmes conclusions. Les deux chercheurs isolent la bactérie provenant de miasmes de malades, l’injectent dans des animaux qui décèdent rapidement de la peste.

 

Reste à découvrir les chemins de la transmission de la maladie. Très vite, les morsures de rats sont déclarées responsables des épidémies. Les navires et les facilités portuaires s’équipent alors en conséquence pour lutter contre les envahisseurs. Dans les années 1950-1960, la peste est officiellement éradiquée dans les ports même si ici ou là (Andes, Brésil, Asie et Afrique de l’est) quelque 1.000 à 3.000 personnes sont encore atteintes chaque année et 200 en décèdent principalement par transmission par des écureuils, des campagnols ou des mulots..

 

Yersin de son côté poursuit son existence en Indochine et y participe au développement de la science médicale.

 

L’Université médicale de Hanoï voit le jour grâce à lui en 1902. Il décède à Nha Trang au Vietnam en 1943 ; sur sa tombe on lira « bienfaiteur et humaniste », le peuple vietnamien le vénéra et lui attribua le titre de « Ong Nam »

 

Restons confinés et couverts !

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