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BIRMANIE – PATRIMOINE : Chiquer le bétel, un art birman 

Journaliste : Guy Lubeigt Date de publication : 09/11/2022
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Betel Birmanie

 

Par Guy Lubeigt
Chercheur et géographe de terrain

 

Selon une étude du bureau régional de l’Organisation Mondiale de la Santé, basé à New Delhi, l’apparition des cancers de la bouche en Asie est liée à la consommation du bétel. Mais pas facile de se débarrasser d’une habitude chez les conservateurs birmans. La plus emblématique de ces habitudes est sans aucun doute la chique de bétel (kun-ya). Elle est aussi profondément ancrée dans l’histoire et les habitudes birmanes que la salive entre les mâchoires des consommateurs.

 

Traditionnellement, les rois birmans chiquaient le bétel. Le crachoir à bétel doré, décoré de figures traditionnelles était d’ailleurs un objet régalien que seuls les rois pouvaient posséder. Les rois ont disparu, mais les invités de la maison se voient toujours offrir une chique de bétel. Comme le fromage chez les Français ou le thé chez les britanniques, la chique de bétel est omniprésente chez les Birmans. Plus rare chez la gent féminine. Mais il y a une grande différence entre les deux mâchages : les Birmans, qui réduisent la chique en bouillie, recrachent allègrement le résultat de leur masticage. D’où, pour les non habitués, quelques hauts le cœur au passage…

 

Permanente pour certains, cette activité, conduit les utilisateurs à se débarrasser régulièrement du jus de chique rougeâtre qui encombre leurs bouches, quel que soit l’endroit où ils se trouvent. En milieu rural, pas de problème : routes, pistes, sentiers et buissons sont les déversoirs privilégiés. Le jus de chique disparaît dans le paysage.

 

Du jus de chique dans le paysage

 

Il n’en va pas de même en milieu urbain. Les crachats de jus de bétel rougeâtre décorent les routes (il suffit au conducteur d’un véhicule de baisser sa fenêtre ou ouvrir sa portière pour expulser les excédents), les trottoirs, les murs, les cages d’escaliers, les parapets des ponts, les troncs d’arbres qui bordent les rues, et même les allées des cinémas …Entre les étages des grands hôpitaux, certains utilisateurs, plus adroits que d’autres, lancent de longues giclées de jus de chique dans les bacs en bois aimablement disposés à leur intention. Un problème bactériologique se pose quand le contenu de ces récipients atteint le double de leur hauteur initiale… !

 

Les connaisseurs ont leur préférences, ainsi les feuilles de bétel les plus recherchées sont produites à Pantanaw (delta) car elles sont plus douces. La chique, complétée par une addition de tabac, est enveloppée dans une tendre la feuille de bétel. Tout est fait pour attirer les chiqueurs. A Rangoun les marques les plus connues sont «92» et «Queen» tandis que les variétés locales sont nommées en fonction de leurs apparences : «yellow» ou «black». Les chiques se vendent par paquets de cinq. Les prix sont modestes (200 kyats), mais les vendeurs gagnent aux environs de 50 000 kyats par jour. Voire plus. La clientèle la plus fidèle est celle des travailleurs journaliers et des chauffeurs de taxi. L’addition de tabac dans les chiques (à l’origine composées de noix d’arec et d’une pincée de poudre de chaux) a donné naissance à de solides préférences régionales. Les chiqueurs de Birmanie centrale (où poussent les plants de tabac) préfèrent le tabac jaune. Au contraire ceux de la région de Moulmein restent fidèles au tabac noir. Les birmanes de Rangoun se sont mises à chiquer mais elles refusent le tabac dans leurs chiques. Sans doute l’influence de l’écologie ou parce que c’est plus chic.

 

Quant aux birmans d’ascendance indienne, ils continuent à préférer un tabac rouge importé d’Inde… L’OMS vient de révéler que, depuis 2014, le nombre des consommateurs de bétel a augmenté en Birmanie: 62,2% chez les hommes et 24% chez les femmes. Ces chiffres n’étaient respectivement que 51.4% et 16%, en 2009… Selon le ministère de la Santé et des Sports, plus de 7,2 millions d’adultes et 152 000 enfants âgés entre 13 et 15 ans consomment par ailleurs chaque jour du tabac ou ses dérivés.

 

On ne sait pas grand-chose sur les liens entre la chique de bétel et le cancer. A Taunggyi (capitale de l’Etat Shan), une étude lancée en 2016 a montré que le cancer de la gorge était la troisième cause de mortalité chez les chiqueurs. Surtout quand ils boivent aussi de l’alcool. Le cancer de la cavité orale représente 34,4% des décès, suivi par le cancer du larynx, 25,4 %. Le résultat de cette étude générale a été présenté au congrès ESMO (OMS) Asie en 2017.

 

Les noix les plus appréciées viennent de la région de Taungou (Vallée du Sittang), mais les deux principales régions productrices sont Yé et Dawei (Tavoy) dans l’Etat du Tenasserim car elles sont accessibles par voie maritime. Les noix et les feuilles de bétel de Birmanie centrale (Pakkoku, Myingyan, Shwébo, Mandalay) mettent beaucoup plus longtemps à atteindre Rangoun, la capitale économique. Mais les noix du Tenasserim sont exportées en Inde et même en Chine.

 

Le bétel mène à tout ! A condition de savoir le mâcher. Les connaisseurs ont leur préférences, ainsi les feuilles de bétel les plus recherchées sont produites à Pantanaw (delta) car elles sont plus douces. La chique, complétée par une addition de tabac, est enveloppée dans une tendre la feuille de bétel. Tout est fait pour attirer les chiqueurs. A Rangoun les marques les plus connues sont « 92 » et « Queen » tandis que les variétés locales sont nommées en fonction de leur apparences : «yellow» ou «black». Les chiques se vendent par paquets de 5. Les prix sont modestes (200 kyats), mais les vendeurs gagnent aux environs de 50 000 kyats par jour. Voire plus. La clientèle la plus fidèle est celle des travailleurs journaliers et des chauffeurs de taxi.

 

L’addition de tabac dans les chiques (à l’origine composées de noix d’arec et d’une pincée de poudre de chaux) a donné naissance à de solides préférences régionales. Les chiqueurs de Birmanie centrale (où poussent les plants de tabac) préfèrent le tabac jaune. Au contraire ceux de la région de Moulmein restent fidèles au tabac noir. Les birmanes de Rangoun se sont mises à chiquer mais elles refusent le tabac dans leurs chiques. Sans doute l’influence de l’écologie ou parce que c’est plus chic. Quant aux birmans d’ascendance indienne, ils continuent à préférer un tabac rouge importé d’Inde.

2 Commentaires

  1. Autrefois en Thaïlande, l’usage du bétel à mâcher, fait à partir de la feuille de palmier à bétel (l’aréquier) et de son fruit, la noix d’arec, était aussi répandue qu’en Birmanie. J’en ai dans mon jardin tropical, à Sukhothaï.

  2. Apparemment selon les études faites en Micronésie, c’est l’ajout de tabac qui donne le cancer de la bouche. Ce que ne dit pas votre article, c’est que le bétel est la manière traditionnelle pour garder les dents en bonne santé. Dans toute l’Asie du sud-est, les plus belles filles étaient celles qui avaient les dents rouges, les plus riches se les laquaient même pour avoir la couleur en permanence.

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