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THAÏLANDE – CHRONIQUE : Loy Krathong, phénomène de la vie

Journaliste : François Dor Date de publication : 19/11/2023
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Loy Kratong

 

L’Asie du Sud-Est garde inconsciemment dans ses mythes la mémoire fœtale du cordon ombilical, naga, du nombril, nagara – centre capital de la vie embryonnaire que l’humain né reconstituera inconsciemment dans sa ville capitale, tel Angkor, de la naissance de l’enfant et de la disparition du cordon.

 

L’embryogenèse récapitule de façon brève et rapide l’évolution de la vie depuis l’origine : ainsi garde-t-elle la trace du passage de l’œuf (où l’embryon doit se suffire de sa dotation alimentaire initiale) à l’invention mammifère (où l’embryon se voit alimenté de façon permanente et renouvelée). La mémoire fœtale de ce passage inscrit dans l’embryogenèse constitue en Asie du Sud-Est le mythe du « barattage de la mer de lait ».

 

Dans les premiers mois de l’embryogenèse, la zone du nombril est très renflée. (1) Les mythes asiatiques en témoignent, en figurant, par exemple, une montagne légendaire (ainsi du mont Mandara), un linga, un genou, une trompe d’éléphant (comme celle du fameux Ganesha), ou, plus simplement encore, un ventre proéminent : ainsi du Moine Ventripotent, souvent présent dans les temples, réminiscence fœtale à peine inconsciente quand ce Moine est figuré avec un fil de yantra qui jaillit de ce ventre et qui ressemble à s’y méprendre à un cordon.

 

Le Moine Ventripotent est parfois représenté les yeux masqués ; or, en mythologie, tout ce qui est « masqué, voilé, caché, invisible, secret, mystères, obscurité, ténèbres, noir, nuit, aveugle ou non-né » manifeste inconsciemment la biologie utérine.

 

À l’obscurité utérine succède la lumière de la naissance ; ainsi cette grande et belle fête de Loy Krathong, célébrée avec tant d’entrain et d’éclat ces jours-ci en Thaïlande, serait-elle une répétition inconsciente de ce phénomène de la vie ? Lâcher dans le courant de la rivière une bougie allumée attachée à un petit radeau, dans le ciel nocturne, une même bougie allumée accrochée à un ballon, libère l’impétrant des souillures, de la malchance subies durant l’année passée. Ce rituel se tient une nuit de pleine lune, à la fin de la saison des pluies – à la fin du déluge, c’est-à-dire à la fin de la chute prénatale des eaux amniotiques, de cette réminiscence.

 

Très serré à terme dans l’utérus obscur, et contraint d’ingurgiter sans cesse l’urine qu’il rejette dans le liquide amniotique dont il se nourrit, le fœtus vit des derniers moments très difficiles : l’en sauve la naissance, cette lumière. Répéter inconsciemment la naissance libère du mal, s’adjure-t-on ainsi : c’est cela, Loy Krathong. La royauté thaïe a fini par l’emporter sur l’empire khmer d’Angkor, Loy Krathong sur nagara, la naissance sur le nombril de l’embryon : c’est donc que l’humain répète inconsciemment dans son processus historique le déroulement du processus de l’embryogenèse.

 

C’est par l’aéroport de Suvarnabhumi que la plupart des touristes vont affluer pour assister à Loy Krathong. Ce beau nom de Suvarna-bhumi, si agréable à prononcer, et en lui-même une porte ouverte à un monde délicieux, signifie « terre de l’or ». Plusieurs textes anciens bouddhistes, comme les Jataka, « vies antérieures », récits composés il y a près de vingt siècles, font mention de Suvarnabhumi. Mais l’emplacement de ce pays reste inconnu, à l’exemple des paradis perdus légendaires d’autres peuples. Cependant, parce que cet aéroport expose au premier chef dans son hall des départs une magnifique représentation du « barattage de la mer de lait », nous comprenons que cette « terre mythique de l’or », c’est-à-dire le paradis perdu, est l’époque regrettée d’une « vie antérieure », quand le fœtus bénéficiait d’une alimentation ad vitam aeternam par le cordon-placenta.

 

FRANÇOIS DOR

 

De formation juridique, François Dor a consacré plus de vingt années à la rédaction d’un livre sur cette découverte fondamentale des mythologies, mémoires de la vie fœtale.

 

(1) « L’insertion du cordon ombilical occupe une place d’abord très grande, qui se réduit relativement à mesure que l’embryon grandit. » A. Dollander, Éléments d’embryologie, Flammarion, 1970, p. 289.

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