Gavroche a sélectionné pour vous quelques nouvelles saillantes en Birmanie durant cette semaine écoulée. Un survol de l’actualité indispensable pour tous ceux qui s’intéressent à ce pays d’Asie du Sud-Est.
Séisme
Le chef de la junte, Min Aung Hlaing, a présidé à Naypyitaw une seconde cérémonie de collecte de fonds destinée aux victimes du séisme du 28 mars. Près de 132 milliards de kyats (32 millions de dollars) et 2 millions de dollars supplémentaires ont été récoltés, avec la participation de grandes figures économiques comme Maung Weik et Zaw Win Shein. Ces fonds serviront à construire 51 immeubles de quatre étages. Une première levée, en avril, avait déjà permis de réunir 125 milliards de kyats. Min Aung Hlaing a fait état de 3 740 morts et de 3,8 billions de kyats de dégâts. Il s’est félicité du rôle de son cessez-le-feu dans la reconstruction, tout en saluant l’aide de « bons amis » étrangers. Mais les critiques fusent : selon le Gouvernement d’unité nationale, plus de 400 civils auraient été tués par des frappes aériennes de la junte depuis le séisme, alors même que des groupes de résistance avaient suspendu les combats.
Le régime militaire a placé sous scellés la mosquée Gattan, fondée en 1902 et située dans l’enceinte du commissariat central de Sagaing, après qu’elle a été endommagée par le séisme du 28 mars. La propriété du terrain fait l’objet d’un litige entre les administrateurs religieux et la police locale. Tandis que le conseil de la mosquée affirme que le terrain avait été acquis puis partiellement cédé par un officier musulman, la police qualifie désormais l’édifice d’occupation illégale. Ce différend, sur fond de tensions confessionnelles, intervient alors que les autorités n’ont autorisé la restauration que d’une seule mosquée parmi les 130 détruites dans la région par le tremblement de terre.
Politique, Diplomatie
La Birmanie et la Russie ont récemment signé un accord destiné à se protéger mutuellement contre les poursuites judiciaires à l’échelle internationale. Intitulé « Accord sur la protection mutuelle des citoyens contre l’abus des procédures juridiques internationales », ce texte a été paraphé lors du 13e Forum juridique international de Saint-Pétersbourg. La signature survient à un moment sensible, alors que les deux pays sont sous le feu des critiques internationales. Min Aung Hlaing, est visé par un mandat d’arrêt émis par un tribunal argentin pour génocide à l’encontre des Rohingyas, tandis que le président russe, Vladimir Poutine, fait l’objet d’un mandat de la Cour pénale internationale pour crimes de guerre liés à l’invasion de l’Ukraine. L’accord pourrait inclure des programmes de coopération juridique, avec pour objectif implicite de délégitimer ou de neutraliser les mécanismes internationaux de poursuite des crimes de guerre et des atteintes aux droits humains.
Min Aung Hlaing s’est récemment rendu à Kengtung, dans l’État Shan oriental, pour accomplir des rituels de yadaya, une pratique mystique birmane censée conjurer le malheur et attirer la bonne fortune. Lors de cette visite, il a fait enchâsser une couronne ornée de bijoux — réplique d’un des cinq insignes de la monarchie birmane — au sommet de la pagode Lawkatharaphu. Il était accompagné du moine Vasipake Sayadaw, considéré comme son conseiller astrologique. Ce rituel, largement perçu comme une manœuvre de yadaya par la population, est interprété comme une tentative de renforcer ses chances d’accéder à la présidence, alors qu’il pousse à la tenue d’élections d’ici décembre.
Quatre ans après le coup d’État, Min Aung Hlaing a appelé ses forces armées à soutenir les candidats « capables de véritablement œuvrer pour le bien du pays » lors des élections prévues en décembre. Cette déclaration intervient alors qu’il vient de réaffirmer sa promesse de transférer le pouvoir au vainqueur du scrutin. Le principal bénéficiaire attendu de ce processus est le Parti de la solidarité et du développement de l’Union (USDP), formation pro-militaire largement perçue comme l’instrument politique de la junte. Ce parti domine désormais la scène électorale, après la dissolution des principales forces pro-démocratie telles que la Ligue nationale pour la démocratie (NLD) et la Ligue nationale Shan pour la démocratie (SNLD). Pour de nombreux observateurs, Min Aung Hlaing a d’ores et déjà amorcé une campagne de soutien à l’USDP, dont la direction est composée majoritairement d’anciens hauts gradés de l’armée.
À l’issue de la réunion des ministres des Affaires étrangères de l’ASEAN, tenue le 26 mai dernier, les États membres ont approuvé la création d’un poste d’envoyé spécial permanent, destiné à remplacer le système actuel de rotation annuelle. Selon le ministre malaisien des Affaires étrangères, Mohamad Hasan, « tout le monde a accepté d’examiner cette proposition — il n’y a eu aucune opposition ». Le mandat envisagé serait d’une durée de trois ans, afin d’assurer une plus grande continuité dans le dialogue avec les différentes parties impliquées dans la crise birmane, conformément au consensus en cinq points adopté par l’organisation en 2021. Le chef de la diplomatie malaisienne a également indiqué qu’il se rendrait à Naypyidaw en juin, dans le cadre de ses fonctions de président en exercice de l’ASEAN, pour poursuivre les discussions avec la junte militaire.
Le régime de Naypyidaw a annoncé la prolongation de son cessez-le-feu temporaire jusqu’au 30 juin. Il précise qu’il ripostera uniquement en cas d’attaques contre les routes de communication, les postes militaires, ou si des actions compromettent la sécurité des civils, le recrutement d’armes, ou l’expansion territoriale. Depuis le séisme du 28 mars, le régime affirme poursuivre sans relâche la reconstruction des infrastructures gouvernementales et publiques, avec le soutien de la communauté internationale. Ce cessez-le-feu avait initialement été instauré du 2 au 30 avril, puis renouvelé en mai.
Khin Yi, président de l’Union Solidarité et Développement (USDP), parti pro-régime, a affirmé vendredi à Naypyidaw que son parti disposait de « plus qu’assez » de candidats pour les prochaines élections générales prévues en décembre. Malgré l’absence d’annonce officielle de la Commission électorale (UEC) concernant le nombre de circonscriptions, les critères de candidature et le calendrier précis, l’USDP se dit prêt. Khin Yi a indiqué que l’USDP compte au moins quatre candidats potentiels par circonscription, et que la sélection finale se fera en fonction de l’acceptation populaire. Lors des élections de 2020, 330 circonscriptions étaient attribuées à la Chambre basse, 168 à la Chambre haute, 644 aux parlements régionaux et étatiques, et 29 réservées aux minorités ethniques. Sur les 54 partis enregistrés pour ce scrutin, seuls 10, dont l’USDP, prévoient de se présenter à l’échelle nationale. L’USDP a accusé la Ligue Nationale pour la Démocratie (NLD), dissoute en 2023 avec 39 autres partis, de fraude électorale après sa défaite en 2020.
Économie
Confronté à une crise budgétaire croissante, le régime militaire birman prévoit de vendre des biens saisis afin de générer des recettes et réduire son déficit. Soe Win, a exhorté les responsables à préserver ces biens — qualifiés d’illégaux — pour limiter les pertes liées au stockage, et à accélérer les procédures légales en vue de leur mise en vente. À la tête du Comité pour l’éradication du commerce illégal, Soe Win a enjoint les ministères et les gouvernements régionaux à renforcer la lutte contre la contrebande, qu’il accuse d’alimenter l’instabilité, de favoriser les activités criminelles et de financer des organisations « terroristes », désignant ainsi les groupes de résistance armée. Depuis sa création en 2022, le comité a procédé à plus de 22 000 saisies, essentiellement des véhicules et des motos non immatriculés, pour une valeur totale estimée à plus de 575 milliards de kyats. Soe Win a également ordonné un durcissement des contrôles et une intensification des confiscations, soulignant que l’essor de la contrebande était lié à l’arrêt du commerce frontalier officiel, perturbé par les conflits.
Le régime birman a signé le 29 mai un contrat de partage de production avec Gulf Petroleum Myanmar (GPM), marquant le premier projet gazier offshore depuis le coup d’État de 2021. L’accord, conclu à Naypyitaw, porte sur le bloc Min Ye Thu, situé dans le golfe de Mottama. GPM est une filiale de Northern Gulf Petroleum (Thaïlande), partenaire du conglomérat birman SMART Group. Principal pourvoyeur de devises étrangères du régime, la Myanmar Oil and Natural Gas Enterprise (MOGE) – sous sanctions européennes et américaines – espère que ce nouveau projet compensera le déclin des anciens blocs et soutiendra de futures explorations. Chevron et TotalEnergies ont quitté le pays après le putsch, invoquant les violations des droits humains.
Face à une forte volatilité du marché des changes, la Banque centrale de Birmanie (CBM) a injecté régulièrement des devises ces dernières semaines pour stabiliser la monnaie locale. Le 30 mai, la CBM a injecté plus de 610 000 yuans et 2,4 millions de bahts, après avoir vendu 4,3 millions de bahts le 28 mai. Depuis début mai, la banque a également vendu plusieurs millions de dollars américains, de yuans et de bahts, ciblant notamment les importateurs de carburant avec des ventes totales dépassant 50 millions de dollars en mai. Cette politique vise à freiner la dévaluation du kyat et à contrer la manipulation du marché des changes, en coordination avec les forces de l’ordre. Depuis décembre 2023, la CBM autorise également les banques privées à pratiquer librement le trading en ligne de devises selon les taux du marché, pour renforcer la transparence et l’équilibre de l’offre et de la demande.
Le ministère birman de l’Agriculture, de l’Élevage et de l’Irrigation a lancé un appel à manifestation d’intérêt (EOI) pour les entreprises souhaitant obtenir l’enregistrement à l’exportation de riz et de riz brisé vers la Chine. Conformément au protocole sanitaire et phytosanitaire (SPS) bilatéral, des inspections annuelles garantissent la sécurité biologique des exportations. Les nouvelles sociétés intéressées doivent soumettre leur dossier au ministère ainsi qu’au groupe de travail technique du Myanmar Rice Federation (MRF) avant le 30 juin 2025.
Répression/Conflit
Les combats s’intensifient autour de Kyaukphyu, ville portuaire clé de l’État d’Arakan, où l’Armée d’Arakan (AA) progresse vers un centre névralgique des investissements chinois. Des affrontements ont été signalés à seulement 5 km au sud de la ville, à proximité du terminal pétrolier et gazier utilisé par la Chine. Le brigadier-général Kyaw Myo Aung a été tué, tandis que le régime mobilise forces terrestres, aériennes et navales pour défendre la zone. Des rapports non confirmés indiquent l’implication de sociétés de sécurité privées chinoises, qui mèneraient des attaques de drones contre l’AA. Ces informations interviennent après l’adoption par la junte, en février, d’une loi autorisant la présence de gardes armés étrangers. Les autorités militaires locales commenceraient à fuir Kyaukphyu à mesure que les combats se rapprochent. Depuis novembre, l’AA contrôle 14 des 17 cantons de l’Arakan et poursuit sa poussée vers Sittwe.
Plus d’un mois après avoir contraint l’armée de l’Alliance démocratique nationale du Myanmar (MNDAA) à restituer la ville de Lashio au régime militaire, la Chine n’a toujours pas mis en place le bureau de surveillance du cessez-le-feu qu’elle avait annoncé dans cette capitale stratégique du nord de l’État Shan. En avril, l’envoyé spécial chinois en Birmanie, Deng Xijun, avait personnellement supervisé la transition du contrôle de la ville. Cependant, le projet de création de l’agence de surveillance de la trêve reste au point mort. Une source proche de la MNDAA indique que, malgré l’absence de présence physique à Lashio, la Chine continue de jouer un rôle actif en transmettant à distance des instructions aux deux parties afin d’éviter une reprise des hostilités.
Les forces armées de l’Union Nationale Karen (KNU) et leurs alliés ont mené une offensive coordonnée le long de la frontière thaïlandaise, s’emparant d’une douzaine de bases du régime à travers les États Karen, Karenni (Kayah), Mon, ainsi que dans la région de Tanintharyi. Le 30 mai, l’Armée de Libération Nationale Karen (KNLA) et la Force de Défense Populaire (PDF) alliée ont pris le contrôle du poste avancé stratégique du mont Bayint Naung, le plus haut sommet dominant le centre commercial frontalier de Myawaddy, dans l’État Karen, après que les troupes du régime se soient repliées en Thaïlande. Le même jour, le poste avancé de Waw Lay, situé plus au sud, est également tombé malgré le recours intensif du régime à l’appui aérien et à l’artillerie. La semaine précédente, les combattants de la résistance avaient déjà capturé la base voisine de Bledo, consolidant ainsi leurs gains dans la région.
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