Washington envisage d’étendre à la Thaïlande et à la Malaisie les restrictions imposées depuis 2022 sur les exportations de technologies sensibles liées à l’intelligence artificielle. Cette interdiction viserait les semi-conducteurs de pointe, les équipements de fabrication de puces et les logiciels de conception.
Cette initiative s’inscrit dans une stratégie américaine plus large de contrôle des transferts technologiques vers la Chine. Les autorités américaines craignent que Bangkok et Kuala Lumpur servent de plateformes de réexportation pour contourner les sanctions existantes.
Un impact macroéconomique limité pour la Thaïlande
À l’échelle macroéconomique, la Thaïlande semble relativement peu exposée. En 2023, elle n’a importé que 3,6 millions de dollars de technologies concernées, contre 3,4 milliards pour la Malaisie. Les semi-conducteurs ne représentent par ailleurs que 2,9 % des exportations thaïlandaises, contre près de 23 % pour son voisin malaisien. Résultat : l’effet immédiat d’un durcissement américain resterait marginal pour l’économie thaïlandaise.
Mais les chiffres ne disent pas tout. Le secteur numérique prend une importance croissante. Au premier trimestre 2025, les projets liés aux technologies numériques — en grande partie des centres de données — ont représenté 53 % des investissements validés par le Board of Investment (BOI). Hors numérique, ces approbations reculent de 9 % sur un an. Une baisse des investissements chinois dans les data centers, conséquence potentielle des restrictions, pourrait donc freiner la dynamique des investissements directs étrangers.
Des effets plus marqués sur certains secteurs
À l’échelle sectorielle, les conséquences pourraient se faire sentir plus concrètement.
Dans les centres de données, seuls les projets conçus pour des applications d’intelligence artificielle seraient concernés. La majorité des installations actuelles en Thaïlande restent de simples espaces de stockage, peu affectés pour l’instant. Mais Washington a déjà évoqué des exemptions pour les infrastructures opérées par des entreprises américaines, permettant à des groupes comme AWS, Google, Microsoft ou Oracle de continuer à importer des puces de pointe. De quoi renforcer leur avance technologique et leur position dominante sur le marché, grâce à des coûts de changement élevés qui fidélisent leur clientèle.
Les développeurs de zones industrielles, comme WHA Corporation, pourraient en revanche voir leur activité directement impactée. Les centres de données financés par des capitaux chinois génèrent chaque année 10 à 20 ventes foncières, chacune portant sur 50 à 100 rai. Rien qu’au deuxième trimestre 2024, WHA a cédé près de 90 rai, soit 20 % de ses ventes. Un coup de frein sur la demande non-américaine pourrait donc affecter leur croissance.
Chez les exportateurs d’électronique comme Delta Electronics, l’inquiétude est moindre. Spécialisée dans les modules de gestion d’énergie, l’entreprise n’est pas directement concernée par les restrictions, et réalise l’essentiel de ses exportations vers les États-Unis.
Enfin, dans les télécommunications, certains acteurs pourraient tirer leur épingle du jeu. Advanced Info Service, partenaire stratégique d’Oracle Cloud, bénéficierait d’un net avantage si les autorités américaines autorisent les exportations de puces IA vers leurs infrastructures. Une opportunité précieuse pour se renforcer dans l’écosystème numérique thaïlandais.
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