À l’approche de la parade du 2 septembre, la capitale vietnamienne s’est couverte de drapeaux rouges frappés d’une étoile jaune. Même les maisons coloniales héritées des Français sont drapées aux couleurs nationales, donnant à la ville un visage de fête et de ferveur patriotique. Des centaines de personnes campent déjà sur les trottoirs pour s’assurer une place de choix et assister aux répétitions de ce qui est annoncé comme le plus grand défilé militaire jamais organisé au Vietnam.
Ce 2 septembre marque une date historique : en 1945, devant des centaines de milliers d’habitants, Ho Chi Minh proclamait la République démocratique du Vietnam. L’indépendance était le fruit de l’affaiblissement de la puissance coloniale française et du retrait de l’occupant japonais. Mais cette déclaration ne marqua pas la fin des hostilités. Elle fut le prélude de la guerre d’Indochine, qui s’acheva avec la défaite française de Dien Bien Phu en 1954, puis de la guerre du Vietnam contre les États-Unis.
Une relation franco-vietnamienne ambivalente
Aujourd’hui, les relations entre Paris et Hanoï restent marquées par cette histoire complexe. Si les deux pays ont renoué le dialogue, portant leur partenariat au plus haut niveau en 2024, les ambitions françaises peinent à se concrétiser. En mai, le président Emmanuel Macron a vanté la France comme un « ami sûr et fiable » et a défendu l’idée d’une « troisième voie » entre Washington et Pékin, en accompagnant son discours de contrats de plusieurs milliards d’euros.
Mais dans les faits, la France reste un partenaire secondaire. Le commerce bilatéral a certes progressé de 60 % entre 2015 et 2024 pour atteindre 8,5 milliards d’euros, mais Paris n’était encore que le 24e partenaire commercial du Vietnam et le quatrième en Europe, loin derrière les Pays-Bas, l’Allemagne et l’Italie.
Cette ambivalence s’explique par la stratégie de Hanoï. Fort d’une croissance de 7 % en 2024, le pays applique une diplomatie dite du « bambou », souple mais ferme, destinée à entretenir de bonnes relations avec le plus grand nombre d’acteurs internationaux. Dans ce contexte, la France conserve quelques atouts, notamment dans les domaines de la transition énergétique ou des questions de sécurité en mer de Chine méridionale.
Toutefois, sur le plan culturel, son influence s’amenuise considérablement : moins de 1 % des 100 millions de Vietnamiens parlent encore la langue de Molière.
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Rien ne vous permet d’écrire qu’il y aurait eu un « affaiblissement » de la puissance coloniale française. La réalité est entièrement différente. Dans un message à trois adresses secrètement le 31 août 1944 au général de Gaulle, signé de l’amiral Decoux, gouverneur de l’Indochine, Cosme, ambassadeur au Japon, et de Margerie, ambassadeur en Chine, ceux-ci écrivent que « la souveraineté française a été sauvegardée ». Cependant le [général] de Gaulle est d’un avis différent : « connaissant la malveillance des Alliés, surtout des Américains, (…). « le sang français versé sur le sol de l’Indochine nous serait un titre imposant » (Mémoires de Guerre, T. III, p. 164). Ce sont les Japonais qui, en représailles, procédèrent à la liquidation de l’administration française.
La guerre d’Indochine a pour cause le bombardement de Haiphong le 28 novembre 1948, sur l’ordre du très catholique amiral d’Argenlieu, fidèle compagnon du général de Gaulle. Cette guerre fit 75 000 morts français, soit plus que la campagne de France de juin 1940. Elle prend fin le 18 mars 1954 avec la destruction de la piste de Dien Bien Phu, ce qui appelle ce commentaire laconique de la CIA : « We are witnessing the collapse of France as a great power… »
Quant à la place de la France au Vietnam, elle correspond sensiblement à la place que la France tient en Europe après un demi-siècle de Ve République.