Quelques mois avant sa nomination à la tête du ministère indonésien des Finances, Purbaya Yudhi Sadewa s’était fait remarquer en fustigeant le Fonds monétaire international (FMI), qu’il avait qualifié de « stupide » après la révision à la baisse des prévisions de croissance de l’Indonésie.

« Ne croyez pas le FMI. Si vous voulez des prévisions économiques, demandez-moi. Je suis mieux placé pour le savoir », avait-il lancé, alors même que l’institution fixait la croissance indonésienne de 2025 à 4,7 %, un chiffre jugé réaliste par la plupart des analystes.

Ce franc-parler illustre le style de gouvernance de Purbaya, 61 ans, qui a prêté serment le lundi 8 septembre devant le président Prabowo Subianto. Il succède à Sri Mulyani Indrawati, ministre emblématique et respectée des marchés, qui a dirigé les finances publiques pendant plusieurs mandats.

Un choix surprenant pour les marchés

La nomination de Purbaya a surpris les observateurs. Aligné sur l’ambition de Prabowo de porter la croissance au-delà du seuil actuel de 5 %, il incarne un virage vers une politique budgétaire plus expansionniste. L’objectif présidentiel d’atteindre 8 % de croissance, inédit depuis 1995 et jugé ambitieux par les économistes, n’effraie pas le nouveau ministre : « Ce n’est pas impossible », assure-t-il.

« Nous allons mettre en place une politique budgétaire qui aura un effet optimal sur l’économie. Si vous ne dépensez pas, l’économie ne bouge pas », a-t-il affirmé.

Un contexte social tendu

Ce changement intervient dans un climat politique et social fragile. Le départ de Sri Mulyani survient après deux semaines de manifestations violentes, déclenchées par la polémique sur les indemnités des parlementaires et élargies ensuite aux choix de dépenses de l’État. Purbaya a minimisé ces protestations, qu’il décrit comme « la voix d’une petite partie de la population », promettant d’y répondre par une relance économique et la création d’emplois.

L’héritage de Sri Mulyani

Ancienne directrice exécutive du FMI, Sri Mulyani laisse derrière elle une réputation d’intégrité budgétaire. Elle est créditée d’avoir modernisé le système fiscal et préservé la discipline des comptes publics, même au cœur des crises mondiales. « Son départ marque la fin d’une ère de crédibilité budgétaire », estime Mohit Mirpuri, gestionnaire de fonds chez SGMC Capital.

Une ligne budgétaire plus souple ?

Prabowo, qui a largement remporté l’élection présidentielle de 2024 grâce à un programme social ambitieux – incluant la distribution de repas gratuits à 83 millions d’enfants et de femmes enceintes –, pourrait assouplir les règles de discipline budgétaire. Des spéculations circulent sur une possible suppression du plafond légal fixant le déficit annuel à 3 % du PIB, une règle instaurée après la crise asiatique de 1997-1998 pour contenir la dette publique.

Interrogé sur le sujet, Purbaya se veut rassurant : « Je suis un expert en fiscalité. Je comprends parfaitement ce qu’est une politique budgétaire prudente. »

Un parcours atypique

La nomination a surpris le principal intéressé, qui a confié avoir d’abord cru à une arnaque lorsqu’il en a été informé par téléphone. Ingénieur de formation, diplômé de l’Institut de technologie de Bandung puis de l’université Purdue aux États-Unis, Purbaya a débuté chez Schlumberger avant de bifurquer vers la finance. Après un passage chez Danareksa et à la tête de Danareksa Securities, il a rejoint l’administration publique en 2010, puis dirigé la Société indonésienne d’assurance-dépôts à partir de 2020.

Ses proches le décrivent comme rigoureux et attentif aux détails. « Il a une vision claire, est très favorable à la croissance et examine toujours minutieusement les chiffres », souligne Herman Saheruddin, son ancien collègue.

Avec ce profil mêlant technicité, pragmatisme et ambition, Purbaya devra convaincre les marchés qu’il peut concilier la vision expansive de Prabowo avec la stabilité budgétaire qui a fait la force de l’Indonésie au cours des dernières décennies.

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