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Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais Sébastien Lecornu a plutôt bien réussi sa sortie. Politiquement, sa démission – avant même d’avoir tenu un premier Conseil des ministres – a évidemment tout d’une débâcle. A ce rythme d’épuisement des chefs de gouvernement, la Ve République ressemblera bientôt à une comédie du pouvoir au gré des clans et de leurs chefs. Une nomination, quelques semaines de consultation et une démission : finie, la fameuse stabilité institutionnelle héritée du Général de Gaulle. Pulvérisée, la légende d’une France capable de s’affranchir du « régime des partis ».
Je suis plus indulgent, en revanche, sur l’ancien ministre de la Défense de 39 ans, pris en étau entre ses deux pères politiques: Emmanuel Macron et Bruno Le Maire. Le premier voulait depuis des mois le nommer à Matignon, pour protéger sa chaotique fin de mandat présidentiel. Le second, après avoir juré qu’il ne voulait plus faire de politique et fréquenté le campus de l’Université de Lausanne, n’a pas su résister à ce nouveau trophée ministériel. Sébastien Lecornu, rappelons-le, doit tout à ses deux mentors. Le président l’a intégré dans son cercle de fidèles. L’ex-grand argentier, dont il fut le collaborateur, lui a tout appris en politique en Normandie. Lecornu, alias le Cornichon pour la presse internationale – son surnom en anglais – ne pouvait, dans ces conditions, que se mettre au garde-à-vous.
Ce « cornichon-là », en revanche, a eu le très bon goût de comprendre que sa salade gouvernementale ne serait pas acceptable par l’opinion. Le PS refuse de faire des concessions? Les Républicains se battent comme des chiffonniers ? Le centre macroniste est électoralement à l’agonie ? Et bien, tant pis. Basta! Autant démissionner de suite, droit dans ses bottes. Le gaullisme qui flotte toujours sur les armées a rattrapé l’ex-ministre de la Défense.
Bien joué ? Non. Car la France se retrouve en déroute politique. Mais partir ainsi montre que Sébastien Lecornu, l’homme au physique de passe-muraille, apparatchik politique pur jus, a vite compris que le naufrage était inévitable. Place à la partition gaulliste du renoncement au service de la patrie. Comme jadis Mac Mahon en 1879, le général Cornichon a claqué des talons.
Bonne lecture, et gare à la débâcle !
(Pour débattre : richard.werly@ringier.ch)
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