Notre chronique «Vu du Cambodge» de Yann Moreels, exprime le point de vue cambodgien dans ce conflit frontalier. Indispensable pour Gavroche d’avoir les avis des deux côtés de la frontière.
La Thaïlande envahit à nouveau son voisin. Le Cambodge, habitué à plier un genou.
Les Thaïs, depuis des lustres, n’apprennent pas leur propre histoire.
Pas un chercheur n’oserait tirer un tableau exact de l’asservissement des Khmers par les rois thaïlandais. Sous peine de « lèse-majesté », il serait vite décapité.
Or, cela fait deux siècles que le discours officiel siamois tente, et réussit, de créer un narratif nationaliste expliquant la perception thaïe de l’histoire d’un pays qui se serait fait tout seul depuis toujours.
Pour raison de « thaïitude », les Khmers vaincus depuis cinq siècles doivent être ignorés, asservis, méprisés. Ce sont des empêcheurs de thaïitude, car ils voudraient dire aux Siamois que leurs temples sont khmers, de même que leur langue, leur processus d’administration religieuse et royale, leur art de la danse apsaresque, et même leur boxe thaïe sont des éléments tangibles de la civilisation khmère que les Siamois ne cessent de nier.
Les dirigeants thaïs font la même chose… Un peuple qui a asservi les Khmers-Issans jusqu’à bannir leur langue et leurs lignées. Comme si Buriram et Surin n’avaient jamais été khmers.
Un peuple (également servile ?) à qui ses dirigeants et ses professeurs complices ont enseigné le mensonge, qui méprise les Khmers et qui pense que ce sont les voisins qui attaquent leur pays pour leur voler des territoires.
C’est une erreur historique, actuellement dénoncée au Cambodge.
La culture thaïe vit dans le mensonge depuis des siècles pour créer sa propre histoire civilisationnelle. Mais cette culture erronée est entrée en politique et dans l’éducation de plusieurs générations avec ce changement de nom. La modernité des médias de ce siècle, les échanges, le tourisme ont contribué à cacher l’attitude siamoise et partant, la culture asservie du voisin.
Les Khmers avaient baissé un genou lorsque le seigneur thaï exigeait sa visite docile à Bangkok, les bras chargés de cadeaux. Un siècle durant. Jusqu’à ce que les Cambodgiens baissent le second genou devant les Français en les suppliant de les sortir du joug thaï !
Ce fut fait. Et Français et Siamois signèrent un traité en 1907 pour mettre fin à cette période de l’histoire. La frontière existe et est reconnue par les deux pays. Elle existait et elle existera.
Que chacun rentre chez soi et respecte son voisin. Au moins sur la frontière. Les rivalités de familles, les casinos, les arnaques en ligne… sont d’autres sujets.
Yann Moreels
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