
Cette chronique signée Yann Moreels a pour but de donner le point de vue cambodgien sur le conflit en cours.
Alors que la guerre a repris le 18 décembre 2025, la Thaïlande peut-elle rester en marge de la légalité sans choquer la communauté internationale ?
Les chasseurs thaïlandais F-16 continuent à casser des ponts sur le territoire cambodgien. L’ambassade de France à Phnom Penh ne cesse d’accroître la zone de danger que les ressortissants français doivent éviter. Un premier bombardement a touché la province de Siem Reap.
L’idée est dans l’air que ces incursions se rapprochent des temples d’Angkor
Alors, le survol du territoire cambodgien et le bombardement répété de certaines infrastructures (ponts, hôtels, casinos, villages…) ces derniers jours par la Royal Thai Air Force permettent aux dirigeants cambodgiens de crier à l’invasion et au non-respect, d’une part, des accords récents et, d’autre part, de la souveraineté du royaume khmer.
Ce qui choque le plus, tant au Cambodge que dans la communauté internationale, qui commence à ouvrir les yeux sur les responsables, c’est le refus de régler de petits problèmes de frontière et d’accès aux temples khmers par des voies juridiques reconnues et par des négociations pacifiques.
Le droit international existe quand même. La Cour internationale de justice également. Pourquoi les Thaïlandais s’obstinent-ils à ne pas vouloir reconnaître les décisions de ces instances et même à défier le président américain ?
La réponse est dans le nombre de non-dits qui se cachent à peine derrière ce conflit, telles les questions de personnes et de scandales politico-financiers, mais aussi dans le fait qu’accepter une frontière, c’est… renoncer à agrandir son territoire.
Invasion ?
En pleine Seconde Guerre mondiale, l’armée thaïe avait de nouveau envahi une partie du Cambodge et du Laos, alors sous protectorat français. Il a fallu la défaite du Japon impérial et le retour de la France colonisatrice (1946-1953) pour que l’armée thaïlandaise se retire derrière sa frontière reconnue depuis le traité de 1907. Voilà d’où renaît encore aujourd’hui le mythe des « terres perdues » !
Politiquement, les deux pays ne se ressemblent pas. L’un, où l’armée domine sous l’égide du monarque, est puissant économiquement et militairement. L’autre, victime de la guerre du Vietnam et du maoïsme des Khmers rouges, est fortement uni derrière un chef charismatique dans une monarchie constitutionnelle, contrariée seulement par la corruption des puissants. Sans doute aussi par des mafias étrangères aux ramifications multiples. Enfin, disons que des choix géopolitiques les éloignent tous deux au lieu de les rapprocher.
Seul point commun de ces pays qui limite la démocratie : ils ont tous deux supprimé, dans la dernière décennie, l’existence d’un parti politique montant qui contrariait fortement les dirigeants au pouvoir.
Acceptons nos frontières !
Cette situation dichotomique apparente n’a rien à voir avec une frontière claire et délimitée, reconnue depuis 1907 par les deux pays, ainsi que par la France, la Cour internationale de justice (CIJ) de l’ONU – arrêts de 1962 et 2012 concernant le temple de Preah Vihear – et maintenant par l’ASEAN.
L’ASEAN se réunit le lundi 22 décembre et il y a fort à parier que tous les membres vont pointer du doigt ces bombardements aériens violant la souveraineté du voisin.
Le Cambodge attend beaucoup de ses partenaires observateurs.
Semaine de Noël décisive pour le retour au calme ?
La fin de cette guerre est peut-être proche. La prise de conscience avance que la frontière existe – clairement – et doit être respectée par les deux États.
D’un côté comme de l’autre, l’opinion publique souffre de trop de morts inutiles et de populations déplacées, et elle appelle à l’apaisement.
La guerre ne peut pas se poursuivre jusqu’en février 2026.
Yann Moreels
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