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BIRMANIE – CONFLIT : L’Eurasie en vedette au Forum pour la paix de Nay Pyi Taw

Date de publication : 08/07/2025
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Min Aun Hlaing en Bielorussie

 

Une chronique du conflit birman par François Guilbert

 

L’Eurasie est actuellement très en vogue à Nay Pyi Taw. Sur le plan intellectuel, lors de son Forum pour la paix, organisé dans la capitale du 25 au 27 juin, la junte a invité son principal idéologue et propagandiste controversé : Alexandre Douguine. Pas sûr toutefois que cet admirateur russe de Joseph Staline ait apporté depuis la Fédération de Russie une contribution majeure aux débats de trois jours, birmano-centrés et essentiellement tournés vers l’échéance électorale de décembre et janvier prochains. Néanmoins, sa participation traduit ô combien la Birmanie des généraux s’installe dans le paysage anti-occidental et non libéral russe véhiculé par l’eurasianisme, mais aussi s’apprête à s’associer aux institutions transnationales post-soviétiques promues par Vladimir Poutine. La participation du général Min Aung Hlaing au 4ème Forum d’affaires eurasiatiques de Minsk (EEF 2025) le 26 juin en a été l’une des manifestations concomitantes les plus visibles.

 

L’eurasianisme au secours de la propagande électorale des militaires birmans ?

 

L’invitation lancée à Douguine a de quoi surprendre les observateurs de la scène birmane. Son œuvre n’est pas distribuée sous le manteau, ni même traduite en birman. Les autres participants étrangers appelés à prendre part au Forum pour la paix étaient en outre, eux, non pas des essayistes généralistes comme A. Douguine, mais des diplomates bon connaisseurs de la région et directement impliqués dans le dossier birman, à l’image de l’Envoyé spécial pour les affaires asiatiques chinois Deng Xijun, de l’ex-secrétaire d’État aux affaires étrangères indien Jaideep Mazumdar ou encore de l’ex vice-ministre thaïlandais des affaires étrangères Sihasak Phuangketkeow.

 

La conférence intitulée elle-même « Vers une nouvelle nation de paix et de prospérité grâce à l’intégration de la paix, des élections et du développement » était elle aussi birmano-centrée, bien loin des thèmes développés par A. Douguine depuis une trentaine d’années. Elle n’était ni plus ni moins qu’une opération de communication, pour ne pas dire de propagande. Elle mettait en effet en scène de pseudo-soutiens populaires aux démarches politiques de la junte (ex. compagnons de route des régimes militaires successifs, leaders de partis politiques (ré)enregistrés depuis le putsch, responsables de groupes ethniques armés sans confrontations combattantes avec la Tatmadaw).

 

Dans ce contexte, A. Douguine aura été une tête d’affiche de renom pour donner un peu de lustre à un événement aux objectifs bien ternes. Néanmoins, sa lecture eurasiatique des rapports de force internationaux entre en résonance avec les analyses géopolitiques tripolaires du général Min Aung Hlaing. L’essayiste d’extrême droite offre, en effet, l’avantage de souligner combien la Birmanie contemporaine évolue dans un monde en pleine recomposition stratégique : une planète où l’ordre international s’articule plus que jamais autour de trois grandes puissances (Chine, États-Unis, Russie) et dans lequel seules des civilisations fortes et véritablement souveraines peuvent s’affirmer. Autant de thèmes chers à A. Douguine, qu’il vient de développer dans son dernier ouvrage paru en avril 2025, The Trump Revolution : A New Order of Great Powers (Arktos Media Ltd).

 

Les appels aux habitants de l’Eurasie à s’attaquer sans relâche, sur tous les fronts théoriques et pratiques, aux élites mondialisées occidentales, qui tentent d’imposer « leurs idéaux pervers et anti-humains en éradiquant impitoyablement les cultures et traditions de longue date de tous les peuples du monde », ne sont pas sans échos dans les milieux conservateurs et refermés sur eux-mêmes de la Tatmadaw. Reste à savoir si la Birmanie peut être considérée comme relevant géographiquement et intellectuellement de l’Eurasie ! En attendant d’être fixé sur ces points, le président du Bélarus a invité le chef du Conseil de l’administration de l’État (SAC) à se rendre une deuxième fois cette année à Minsk pour participer au 4ème Forum économique eurasiatique.

L’Union économique eurasiatique lorgne vers l’Est

 

Le 27 juin, le dictateur biélorusse Loukachenko a reçu le général Min Aung Hlaing en marge du sommet des chefs d’État et de gouvernement de l’Union économique eurasiatique (EAEU). Voilà donc la Birmanie embarquée dans un rapprochement diplomatique avec un forum interétatique sous influence russe mais avec lequel Nay Pyi Taw n’a jusqu’ici pas d’ambassade dans la plupart de ses États membres (Arménie, Biélorussie, Kazakhstan, Kirghizistan). Les relations sont d’ailleurs historiquement et économiquement ténues avec ces républiques ex-soviétiques. Leurs capacités de coopération sont aussi limitées, si ce n’est sur des actions très ponctuelles ou commerciales circonscrites.

 

Le numéro 1 de la Tatmadaw a ainsi profité de son séjour biélorusse pour s’entretenir avec l’Association d’optique et de mécanique (BelOMO) et son autorité de tutelle pour évoquer des échanges technologiques qui pourraient améliorer les capacités des fusils de précision, de l’artillerie et des véhicules blindés birmans. Une perspective d’armement qui sera suivie avec d’autant plus d’attention en Amérique du Nord et en Europe que la BelOMO a été placée sous sanctions occidentales du fait de son implication dans la guerre d’agression russe en Ukraine.

 

À vrai dire, la Birmanie n’est pas le seul pays d’Asie du Sud-Est à faire l’objet d’attentions de l’EAEU. Depuis 2017, le Cambodge est en discussion sur la mise en œuvre d’un accord de libre-échange. Avec le Vietnam, un accord bilatéral est en vigueur depuis le 5 octobre 2016, facilitant les exportations de produits agricoles et de la pêche, mais aussi celles du secteur de la confection.

 

En juillet 2024, ce fut au tour du ministre thaïlandais du commerce de faire savoir que son pays est disposé à entamer des négociations sur un accord de libre-échange. Si avec Singapour les relations ont été suspendues par la guerre en Ukraine, Moscou espère bien que sera signé avant la fin de cette année un accord de libre-échange avec l’Indonésie, Jakarta y étant d’autant plus attachée que les pays de l’EAEU sont parmi ses plus gros acheteurs d’huile de palme. Plus généralement, depuis le 14 décembre 2018, l’ASEAN et l’EAEU peuvent eux-mêmes s’appuyer sur un arrangement administratif de coopération et un programme de coopération qui court jusqu’à la fin de cette année.

 

À la manœuvre de tout cet écheveau : Moscou. D’ailleurs, c’est en marge de la seconde réunion des ministres économiques Russie–ASEAN en août 2013 que les relations avec l’EAEU ont démarré, suivies en cela avec la Commission économique eurasiatique et la Banque eurasiatique de développement. Preuve que la Birmanie entre progressivement dans ce vaste écosystème, le général Min Aung Hlaing a reçu lui-même à Nay Pyi Taw les envoyés de ces institutions. Il a ainsi rencontré à Minsk Bakytzhan Sagintayev, le président du board de l’EEC, et a appelé à ce que son pays devienne « rapidement » un membre observateur de l’EAEU, cependant sans en préciser la moindre échéance attendue.

 

La Birmanie se lance sur la route de l’adhésion à l’EAEU

 

Cette évolution statutaire s’inscrit dans une démarche qui a été initiée il y a trois ans, avec une invitation de visite lancée par Nay Pyi Taw aux instances de l’EAEU et de l’EEC, voyage qui sera suivi d’un second deux ans plus tard, en 2024. En juin 2023 à Saint-Pétersbourg, la Birmanie a en effet signé un arrangement de coopération avec l’EAEU et l’EEC. Sur le papier, ce geste vise à dynamiser les secteurs de l’agriculture, du commerce, des énergies, des transports, des technologies minières et les investissements directs. À voir le très lent développement des relations russo-birmanes hors armements, on peut être sceptique quant à une matérialisation rapide de ces annonces. Il ne faut pas croire pour autant que les effets commerciaux soient nuls, puisque les échanges avec les États membres de l’EAEU ont triplé entre 2019 et 2024, dépassant 1,5 milliard de dollars : riz, café, huile de palme et fèves de cacao contre engrais minéraux, biens de consommation, machines et équipements, métaux, huiles alimentaires, ciment et médicaments. Mais au-delà de cette donne matérielle, les insertions institutionnelles sous-régionales de Nay Pyi Taw ont d’abord une fonction narrative bien plus qu’économiquement opératoire.

 

François Guilbert

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