Gavroche a sélectionné pour vous quelques nouvelles saillantes en Birmanie durant cette semaine écoulée. Un survol de l’actualité indispensable pour tous ceux qui s’intéressent à ce pays d’Asie du Sud-Est.
Politique, Diplomatie
Malgré plus de 6 000 civils tués depuis le coup d’État de 2021, Min Aung Hlaing, cherche à redorer son image en organisant des cérémonies de plantation d’arbres. Il affirme faire de la conservation de l’environnement une priorité nationale. Pourtant, les chiffres contredisent ce discours : près de deux millions d’acres de forêt ont disparu entre 2002 et 2024, dont 710 000 rien qu’en 2024. Derrière la façade écologique, les militaires et leurs alliés commerciaux continuent d’exploiter les ressources forestières du pays.
La Commission électorale de l’Union, contrôlée par la junte, a annoncé la tenue d’élections en décembre 2025 ou janvier 2026 dans 267 cantons, à condition que la sécurité soit assurée. Cette échéance reste toutefois sujette à modification en fonction de l’évolution de la situation. Selon le Gouvernement d’unité nationale (NUG), 144 des 330 cantons birmans sont sous contrôle de groupes anti-régime, tandis que 79 sont actuellement le théâtre de conflits actifs. L’UEC prévoit de recourir à un système mixte combinant vote majoritaire uninominal, représentation proportionnelle et vote électronique.
En vue des élections générales prévues en décembre ou janvier, le ministère de l’Immigration et de la Population birman, en coordination avec la Commission électorale de l’Union (UEC), renforce ses efforts pour finaliser les listes électorales nationales. Lors d’une réunion à Naypyidaw, le ministre Myint Kyaing a insisté sur l’importance de disposer de données démographiques précises pour tous les citoyens âgés de 18 ans et plus. Il a notamment souligné la nécessité de comparer les données du recensement d’octobre 2024 aux précédentes listes, afin de garantir l’exactitude du fichier électoral et de s’assurer que chaque électeur éligible dispose d’une pièce d’identité en règle.
À l’occasion du 75e anniversaire des relations diplomatiques sino-birmanes, Aung Hlaing a exprimé sa gratitude envers Pékin, dont le soutien constant lui a permis de résister aux sanctions internationales et aux conflits armés internes. Malgré la perte de près de 90 villes depuis l’offensive de la résistance « Opération 1027 », la Chine a réaffirmé publiquement son appui au régime, promettant son soutien à la « stabilité interne » et aux élections, tout en rejetant toute ingérence étrangère. Allié diplomatique et fournisseur d’armes clé, Pékin a également poussé certains groupes armés ethniques à entamer des pourparlers de paix. Le MNDAA a ainsi dû restituer Lashio au régime, et des pressions se poursuivent sur le TNLA. En mai, Xi Jinping a personnellement rencontré Min Aung Hlaing, illustrant l’alignement renforcé entre les deux pays. Ce dernier a promis d’accélérer les projets liés à l’Initiative « la Ceinture et la Route », notamment le Corridor économique Chine-Birmanie (CMEC), malgré les combats qui persistent dans le nord de l’État Shan et autour du port stratégique de Kyaukphyu.
La Commission nationale des droits de l’homme de la Birmanie (MNHRC) est restée silencieuse après l’inclusion d’une fillette de 6 ans sur une liste de suspects publiée dans les journaux du régime, concernant l’assassinat d’un officier militaire à la retraite à Rangoun. Le brigadier-général à la retraite Cho Tun Aung a été abattu le 22 mai, et le groupe de guérilla urbaine Golden Valley Warriors a revendiqué l’acte. Le régime a arrêté 16 individus, dont la fillette de 6 ans et deux femmes, et a publié leurs noms et photos, ce qui a suscité des critiques de la part d’experts juridiques et d’activistes des droits de l’homme. Ces derniers soulignent que l’arrestation et la publication de la photo de l’enfant violent les lois nationales et internationales sur les droits de l’enfant, y compris la loi birmane de 2019 sur les droits de l’enfant qui interdit la violence psychologique.
Lors d’une session informelle de l’Assemblée générale des Nations Unies, le 10 juin, Pékin a exprimé son opposition à la « politisation » des questions liées aux droits de l’homme en Birmanie. L’envoyé chinois Sun Lei, représentant permanent adjoint auprès de l’ONU, a désavoué la résolution abordant la situation des Rohingyas et d’autres minorités, qui appelle notamment à une conférence de haut niveau en 2025 et à la libération immédiate des prisonniers politiques. La Chine, se présentant comme un « voisin ami », affirme soutenir la Birmanie dans sa « voie de développement adaptée à ses conditions nationales », ainsi que dans la défense de sa souveraineté. Sun Lei a réitéré le soutien de Pékin au rôle de médiateur de l’ASEAN et a appelé à une convergence entre le Consensus en cinq points de l’organisation régionale et la Feuille de route en cinq points du régime birman.
Julie Bishop, envoyée spéciale de l’ONU pour la Birmanie, a alerté mardi à l’Assemblée générale sur le risque de « chemin vers l’autodestruction » du pays si la violence post-coup d’État de 2021 ne cesse pas. Lors d’une visite à Naypyidaw en avril, elle a réclamé un cessez-le-feu immédiat et un renforcement de l’aide humanitaire après le séisme du 28 mars. Malgré un cessez-le-feu temporaire annoncé par le régime, 778 attaques ont été recensées depuis le 2 avril, faisant au moins 591 morts, selon DVB. Bishop a averti que la poursuite des violences risque d’alimenter la résistance et l’instabilité avant les élections prévues en décembre.
Économie
Dans son rapport Myanmar Economic Monitor publié le 12 juin, la Banque mondiale annonce une contraction du PIB birman de -1,0 % sur l’exercice fiscal 2024-2025, et anticipe désormais une chute plus marquée de -2,5 % en 2025-2026, contre une croissance initialement estimée à +2,0 %. Cette dégradation s’explique en grande partie par les conséquences économiques du séisme du 28 mars 2025, dont le coût en capital détruit est évalué à 10,97 milliards de dollars, soit 14 % du PIB. Le PIB réel resterait ainsi inférieur de 13 % à son niveau d’avant la pandémie. Le choc économique devrait provoquer une baisse de la production équivalente à 4 % du PIB national, et à près d’un tiers dans les régions de Mandalay et Naypyidaw entre avril et septembre. Un rebond modeste de +3,0 % est attendu pour 2026, freiné par les contraintes d’investissement liées à la reconstruction, dont le lancement est prévu après la saison des pluies, en novembre. L’inflation, déjà élevée à 28,8 % en 2024-2025, pourrait atteindre 31,0 % en 2025-2026 en raison des perturbations logistiques, du séisme et des restrictions à l’importation.
Des ingénieurs russes sont actuellement mobilisés dans le sud de l’État Shan pour relancer l’aciérie de Pinpet. Aleksandr Senin, chef ingénieur de Tyazhpromexport (TPE), filiale du géant public russe Rostec — également fournisseur d’armes du régime — a rencontré le ministre de l’Industrie, Charlie Than, afin d’accélérer cette coopération industrielle avec la Myanmar Economic Corporation (MEC), entreprise contrôlée par l’armée. Le projet, lancé en 2004 mais interrompu en 2017 pour des raisons financières, vise à faire de la montagne de Pinpet la plus grande mine de fer du pays, avec une capacité initiale de 200 000 tonnes de fonte brute et 720 000 tonnes de minerai de fer par an. Le régime militaire, confrontée à une envolée des importations d’acier, entend réactiver ce site pour approvisionner ses opérations militaires. Ce redémarrage intervient dans un contexte de coopération militaire, technologique et diplomatique renforcée entre Naypyidaw et Moscou.
La Banque centrale de Birmanie (CBM) a vendu plus de 1,3 million de dollars américains aux importateurs de carburant le 12 juin 2025, issus d’achats réalisés auprès d’entreprises de découpe, confection et emballage (CMP). Dans le cadre de sa stratégie pour stabiliser le marché des changes et freiner la dévaluation de la monnaie, la CBM a également injecté des devises en yuan, bahts et dollars lors des jours précédents, tout en collaborant avec les forces de l’ordre pour lutter contre la manipulation du marché. Depuis décembre 2023, les banques privées sont autorisées à opérer librement sur le marché des changes en ligne selon l’offre et la demande.
En déplacement à Moscou, le ministre du Tourisme, Kyaw Soe Win, a vanté les attraits de la Birmanie pour les voyageurs russes, alors que des mesures incitatives comme l’exemption de visa (en vigueur depuis 2022) et des formations linguistiques pour les agents touristiques ont été mises en place. Officiellement, plus de 2 500 Russes auraient visité le pays entre janvier et août 2024, contre 1 700 en 2023. Mais ces chiffres sont contestés par les opérateurs locaux, qui estiment que l’essentiel de ces visiteurs relève de missions officielles ou commerciales, la Birmanie n’ayant jamais été une destination prisée des Russes, même avant le coup d’État de 2021. L’instabilité du pays freine toute dynamique touristique. Les accords signés pour le développement de la station balnéaire de Ngapali sont désormais compromis, la zone étant sous le contrôle de l’Armée d’Arakan. Des vols vers Chaungtha et Ngwesaung ont bien été lancés, mais ces sites sont aujourd’hui fermés aux étrangers. Seul l’archipel de Myeik, au sud du pays, reste accessible.
Société
Dans le canton de Wetlet, région de Sagaing, des habitants ont protesté contre les frais de péage imposés par l’Organisation d’administration populaire (PAO) civile. Rassemblés au poste de contrôle de Bo Yine, sur la route Sagaing-Shwebo, ils ont bloqué plusieurs axes routiers pour exiger une baisse significative des tarifs. Sans rejeter l’idée de contributions fiscales, les manifestants dénoncent des montants exorbitants : 15 000 kyats pour un bidon de carburant, jusqu’à 2 millions de kyats pour un camion de marchandises. La route de Wetlet est devenue stratégique pour le transport, alors que l’axe principal entre Mandalay et l’État de Kachin est bloqué. Les protestataires pointent aussi l’inaction de la PAO et la multiplication de postes de contrôle non officiels tenus par des milices diverses. Cette situation, exacerbée par les tensions entre groupes de résistance, alimente le mécontentement et ravive les appels à une gestion fiscale plus équitable et transparente.
Les habitants de Taunggyi, capitale de l’État de Shan, ont signalé des inondations atteignant la hauteur des genoux au marché communal mercredi, conséquence des fortes pluies récentes. Un résident a rapporté la mort de deux novices moines emportés par une crue soudaine dimanche dernier. Selon un autre habitant, la hausse des tarifs de collecte des déchets, passée de 1 000 à 5 000 kyats par mois, pousse certains résidents à jeter leurs ordures dans les caniveaux, obstruant ainsi les voies d’évacuation des eaux. Les riverains réclament l’intervention des autorités municipales pour déboucher les drains. Les quartiers U Gyi Khan, Pyidawtha, Mingalar-U, Lanmadaw et Yadanathiri souffrent régulièrement d’inondations lors des épisodes pluvieux, amplifiées par un système de drainage défaillant. Des inondations liées à un typhon avaient également touché plusieurs localités du sud de l’État de Shan en septembre dernier.
Des donateurs vietnamiens organiseront une série d’événements religieux dans la région de Yangon les 18 et 20 juin. Selon l’organisation philanthropique Rekhitta Swan-ah, cinq traités du Vinaya seront récités pendant 144 heures au Botahtaung Pagoda, où des offrandes seront faites à 227 moines passant l’examen du Tipitaka. Le 20 juin après-midi, 20 000 moines et nonnes de 220 monastères recevront des aumônes au centre de méditation ShweOoMin Dhammathukha. Le soir même, 10 000 lampes à huile seront offertes sur la terrasse de la pagode Shwedagon par les donateurs vietnamiens.
Répressions, conflits
L’Armée d’Arakan (AA) continue son avancée vers Kyaukphyu, l’un des derniers bastions encore contrôlés par la junte dans l’État d’Arakan et un pôle d’investissement majeur pour la Chine. Les forces rebelles ont déjà pris le contrôle de plusieurs positions clés le long des routes reliant Kyaukphyu à la base navale de Danyawaddy et à l’île de Made, où sont situés un port en eaux profondes et les terminaux des oléoducs stratégiques soutenus par Pékin. L’AA cible désormais les avant-postes militaires proches du bataillon de police n°32. Face à cette offensive, le régime a intensifié ses opérations, déployant avions de chasse, appareils Y-12 et drones pour mener des frappes aériennes contre les unités rebelles. Des navires de guerre bombardent également la zone depuis le début du mois de juin.
La junte birmane a déployé 2 000 soldats à la frontière des États Shan et Karenni pour sécuriser Loikaw avant les élections de décembre. Soutenue par l’Organisation nationale Pa-O, elle progresse vers l’est du lac Pekon, provoquant des déplacements de population. La Force de défense des nationalités Karenni (KNDF) et la Force de défense populaire (PDF) ripostent, mais souffrent de pénuries de munitions. L’armée utilise artillerie, drones et paramoteurs pour bombarder les zones contrôlées par la résistance, visant à contrôler la route stratégique Loikaw-Moebye.
Les groupes de résistance de Sagaing ont averti d’une possible intensification des frappes aériennes du régime, après qu’un avion de chasse s’est écrasé dans le village de Sapar Sae. L’accident a causé la mort immédiate de quatre villageois, et deux autres ont péri lors d’un bombardement survenu quelques heures plus tard. L’Armée de libération populaire (PLA) a revendiqué la destruction de l’appareil, un F-7 chinois en service dans l’armée birmane depuis les années 1990, marquant la première fois qu’un groupe armé majoritairement Bamar abat un jet depuis le coup d’État de 2021. La junte a attribué le crash à une panne moteur lors d’un entraînement, mais le leader de l’administration populaire locale a prévenu les habitants de représailles possibles, terrestres et aériennes. En réponse, plus de 20 villages, dont Kan Dauk et Zeephyugon, ont été évacués, alors que l’armée déploie des renforts dans la région. Depuis 2021, au moins dix aéronefs militaires, dont plusieurs hélicoptères, ont été abattus par les forces de résistance à travers le pays.
Dans le canton stratégique de Hpakant, l’armée birmane et ses milices alliées multiplient les incendies de mines dans le cadre d’une contre-offensive visant à reprendre le contrôle de cette région clé pour le jade. Assiégée depuis un an par les forces de résistance Kachin, la ville connaît une intensification des combats depuis plusieurs semaines. En juin, l’Armée de l’indépendance Kachin (KIA) et la Force de défense populaire Kachin ont encerclé Hpakant, prenant le contrôle des routes vers Kamaing et Mohnyin. La colonne de Mohnyin reste bloquée, tandis qu’environ 600 soldats de la colonne de Kamaing ont atteint Lone Khin, à 12 km de la ville, menaçant de bombarder Hpakant en cas d’attaque.
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