Alors que Moody’s vient de dégrader la note de la dette américaine, pointant une trajectoire budgétaire jugée préoccupante, les derniers chiffres publiés en Chine dressent un tableau plus nuancé, entre résilience industrielle et faiblesse persistante de la demande intérieure. Si les deux premières puissances économiques mondiales évoluent dans des contextes très différents, un point commun s’impose : les déséquilibres structurels rendent nécessaire une action politique plus ciblée… qui tarde à venir.
Washington : un avertissement sans frais, pour l’instant
La décision de Moody’s de rétrograder la note de la dette américaine de Aaa à Aa1 n’a guère surpris les marchés. Elle marque cependant une nouvelle étape dans la détérioration des finances publiques américaines. Les déficits à répétition, conjugués à un projet de loi fiscale jugé trop expansionniste, inquiètent. L’agence envoie un message clair : les baisses d’impôts envisagées risquent d’aggraver encore une situation budgétaire déjà tendue, sans que les hausses de droits de douane en discussion ne suffisent à compenser.
Le Congrès pourrait profiter de ce signal pour infléchir sa politique fiscale vers plus de sobriété, en réduisant la taille ou le rythme des allègements d’impôts. Mais le plus probable reste, selon les analystes, la poursuite de l’expansion budgétaire, quitte à laisser les marchés obligataires exprimer à terme leur méfiance à travers une hausse plus marquée des taux longs.
Pékin : une industrie résiliente, une consommation sous perfusion
De l’autre côté du Pacifique, la Chine affiche une performance industrielle meilleure que prévu en avril. La production manufacturière a progressé de 6,6 % sur un an, soutenue notamment par les biens d’équipement comme les robots industriels et les générateurs électriques. Mais cette robustesse masque une réalité plus fragile : la croissance des ventes au détail et des investissements ralentit.
Les secteurs boostés par des mesures ciblées – électroménager, bijoux, télécoms – continuent de tirer la consommation, mais la demande globale reste molle. L’investissement dans l’immobilier reste profondément en contraction (-11 %), tandis que les incertitudes liées aux politiques commerciales freinent les décisions d’investissement dans l’industrie. Résultat : la demande agrégée peine à se redresser, et les analystes estiment qu’un soutien monétaire ou budgétaire plus fort serait justifié… à condition que la croissance ne chute pas davantage ou qu’un regain de tensions commerciales ne vienne précipiter l’action gouvernementale.
Deux puissances, deux dilemmes fiscaux
Les États-Unis comme la Chine font donc face à des dilemmes économiques majeurs. À Washington, l’enjeu est de freiner une dérive budgétaire alimentée par des choix politiques populaires mais risqués, dans un contexte d’endettement massif. À Pékin, le défi consiste à relancer la demande sans compromettre la stabilité financière, tout en s’adaptant à une croissance structurellement plus lente.
Dans les deux cas, les marges de manœuvre s’amenuisent. Et si la rivalité sino-américaine reste souvent analysée sous l’angle géopolitique, elle se joue aussi – et peut-être surtout – dans les choix économiques internes que chaque pays s’apprête à faire, ou à ne pas faire.
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