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Natsuko no sake (6 volumes)

Date de publication : 30/08/2025
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Natsuko no Sake 1

 

Un manga qui raconte le saké, des champs aux comptoirs, une chronique littéraire et sociétale de François Guilbert

Publié en français de 2019 à 2021, ce manga seinen est à (re)lire en ces temps d’interrogations hexagonales sur le monde paysan, de crise des modèles de développement agricoles et de débats tendus sur la loi Duplomb. À bien des égards, dans l’archipel du Soleil-Levant depuis les années 80 les défis de la mécanisation des cultures, le recours ou non aux pesticides pour protéger les parcelles des nuisibles, les difficultés à commercialiser durablement les produits bio ou encore l’industrialisation des distillations sont bien similaires aux nôtres. Avec doigté, Akira Oze conte tout cela, et bien plus encore.

 

Une réflexion aboutie sur le monde rizicole et les brasseries d’aujourd’hui

 

À travers les tribulations d’une jeune gérante productrice de saké revenue de Tokyo pour servir la PME familiale, dirigée jusque-là par un frère aîné adulé mais prématurément disparu, le mangaka philosophe au fil des chapitres. Il le fait sans intellectualiser son propos. Les questions économiques, politiques et sociales sont amenées fort à propos et sans dénaturer en rien l’intelligibilité et la fluidité de son récit. Bien au contraire !

 

Pour tout dire : tout cela coule de source. C’est de l’eau claire, tout comme celle indispensable à la réalisation d’un saké de bonne facture. En l’occurrence, cela s’imposait car l’objectif de l’héroïne Natsuko est de produire avec méthode, ténacité voire autorité le meilleur saké du Japon. Pour atteindre cet objectif et tangenter la perfection, la quasi-trentenaire s’est mise en tête de remettre au goût du jour un riz passé de mode (Tatsu-Nishiki), fragile et difficile à conduire à la maturité sans dommages. En décrivant les tensions que fait naître ce dessein, l’occasion est saisie pour rappeler les dangers de l’épandage aérien des pesticides mais aussi ô combien le travail de plantation est de tous les instants. Mais se tourner vers des semences oubliées pour réaliser au final une cuvée sans pareil, c’en est pas moins innover si on veut produire ce que l’on recherche vraiment.

 

La production d’un saké d’exception commence dès les labours

 

Le « Dragon merveilleux » se mérite en termes d’organisation agricole et de process de brassage, à l’exemple de l’introduction de nouvelles levures ou des adaptations des chauffes. Beaucoup d’informations techniques sont apportées aux lecteurs mais jamais l’auteur n’oublie de s’interroger sur le sens des choix et le plaisir de produire. C’est pourquoi il ne cesse de vanter le paysan producteur, l’harmonie de la kura, la qualité et la franchise des échanges brasseurs (toji) – gestionnaires des maisons de production – cavistes.

 

Mais à quoi doit ressembler une cuvée d’exception ?

 

C’est l’une des quêtes entreprises par l’auteur. Jusqu’où aller pour faire un breuvage marquant au point d’être inoubliable par le public et les pairs ? Dans quelles quantités ? Après des années d’expériences, comment utiliser toute la mémoire et la palette de son palais ? Peut-on produire une bouteille satisfaisant les goûts de tous les consommateurs ? Les sensations de saveurs et d’arômes ne se font-elles pas aussi avec le cœur ? Pour répondre à toutes ces questions, le narrateur a pris le temps de rencontrer et d’interroger de nombreux acteurs du secteur, de se plonger dans une très abondante documentation. Il a su assimiler leur savoir-faire et le rendre intelligible dans le moindre détail.

 

Le récit vous fera ainsi plaisamment découvrir l’univers du saké, ou plutôt des sakés (hon, sanbai, junmai, ginjô), leur mode de production, la place qu’y jouent désormais les femmes et les rites de fonctionnement de la collectivité de brassage (kura). Dans des vignettes expressives, un scénario rythmé par la vie des saisons, c’est à une peinture de l’intersection des mondes ruraux et urbains à laquelle s’est attachée avec tendresse Akira Oze. Un monde en plein doute, ravagé par un sentiment d’abandon par les autorités, un patrimoine souvent délaissé et dont des pans entiers disparaissent sans que l’on y prête vraiment attention.

Akira Oze : Natsuko no sake, Vega – Dupuis, 11 € pour chacun des 6 volumes

 

François Guilbert

 

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