On le savait : le cinéma thaïlandais a le vent en poupe. La preuve avec l’un des derniers longs métrages siamois Fantôme utile salué par la critique française.
Nous reproduisons ici la critique de la revue AOC
L’esprit dans la machine – sur Fantôme Utile de Ratchapoom Boonbunchachoke
Par Joachim Lepastier
La rentrée cinéma nous offre un surprenant premier long-métrage, venu de Thaïlande, où l’âme des exploités et réprouvés (ouvriers martyrs, femme asservie, manifestants exécutés, homosexuels ostracisés) vient hanter une (haute) société fonctionnant en pilotage automatique. Le film explore avec joie des ressorts à la fois burlesques et passionnels – le dérèglement des machines couplé à la subversion du désir – pour donner naissance à un hybride de mélodrame animiste et de mini-manifeste politique.
Le film le plus politique de la rentrée nous apprend comment stimuler la zone érogène des tétons avec un aspirateur. Pardon ? Reprenons. Dans Fantôme Utile de Ratchapoom Boonbunchachoke (premier long-métrage d’un jeune cinéaste thaïlandais, judicieusement primé à la Semaine de la Critique 2025), les disparus viennent hanter les vivants, mais sous forme de spectres inattendus : en habitant machines et appareils électro-ménagers. Puisque les disparus sont retournés à la poussière, rien de plus logique que leurs esprits viennent donc trouver refuge dans un sac d’aspirateur. Pirater l’aspirateur pour en faire un as-pirate, ne serait-ce pas déjà le premier pas vers la révolution ?
Ainsi donc, cette scène stupéfiante : March, un jeune homme, héritier d’une famille d’industriels, qui a sombré dans la dépression après la mort de sa femme, voit un aspirateur s’agiter et lui parler. C’est bien, elle, Nat, son aimée, sa défunte, celle dont la disparition l’a rendu inconsolable. Elle est morte d’une maladie liée à la pollution, mais sans doute aussi – on l’apprendra rapidement – d’avoir été réprouvée par sa belle-famille. Mais voilà que son âme mécanique se montre plus forte et plus entreprenante que tous les chagrins du monde. Et l’appareil d’étreindre l’homme, de lui caresser le torse avec son manchon, de lui faire retrouver le goût de la jouissance avec force aspirations. Moment à la fois érotique et comique, et même subversif quand la belle-famille en deviendra par inadvertance la voyeuse.
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