Alors que les États-Unis ont temporairement suspendu l’application de droits de douane « réciproques » de 46 % sur les importations vietnamiennes, Washington et Hanoï ont entamé des discussions pour rééquilibrer une relation commerciale marquée par un fort déséquilibre.
En 2024, l’excédent commercial du Vietnam vis-à-vis des États-Unis a atteint un niveau record, propulsant le pays au quatrième rang mondial derrière la Chine, l’Union européenne et le Mexique. Selon les données officielles, cet excédent a bondi de près de 20 %, franchissant la barre des 123 milliards de dollars.
Mais la trêve tarifaire a rapidement été suivie de nouvelles mesures coercitives. Le 21 avril, quelques jours après le gel des droits de douane, le Département américain du commerce a annoncé des sanctions sur les panneaux solaires importés de quatre pays d’Asie du Sud-Est, dont le Vietnam. Les fabricants vietnamiens se retrouvent désormais confrontés à des droits antidumping moyens de 395,9 %, certains pouvant atteindre jusqu’à 800 %.
Dans ce contexte tendu, le représentant américain au commerce, Jamieson L. Greer, et le ministre vietnamien de l’Industrie et du Commerce, Nguyen Hong Dien, se sont entretenus en visioconférence le 24 avril. Cette rencontre fait suite à un appel entre Donald Trump et le secrétaire général du Parti communiste vietnamien, To Lam. Elle a permis de tracer les prochaines étapes de la coopération bilatérale, avec pour objectif partagé l’instauration d’une relation commerciale plus équilibrée.
Le Premier ministre vietnamien, Pham Minh Chinh, s’emploie de son côté à rallier les entreprises américaines à la cause vietnamienne. Le 18 mars, lors d’une réunion organisée par le Conseil d’affaires États-Unis–ASEAN, il a invité 64 grandes entreprises américaines à formuler des propositions concrètes pour améliorer les politiques économiques du pays. Il les a également appelées à faire entendre leur voix auprès de l’administration Trump en faveur d’un partenariat solide, à soutenir l’élaboration d’un nouveau cadre bilatéral, et à plaider pour la reconnaissance du Vietnam comme économie de marché.
En appui à cette stratégie, le gouvernement vietnamien a publié le 31 mars un décret abaissant les droits de douane de la nation la plus favorisée (NPF) sur plusieurs produits stratégiques. Objectif : stimuler la croissance, rendre les échanges plus compétitifs, notamment pour les exportations américaines, et préparer le terrain à une normalisation commerciale. Des ajustements sur la TVA, les taxes environnementales et les accises sont également à l’étude.
Dans un geste fort de rapprochement, les deux pays ont signé, le 14 mars à Hanoï, des contrats commerciaux d’un montant cumulé de 54,3 milliards de dollars, incluant des achats de biens, services, équipements, avions et produits pétrochimiques. D’autres accords, estimés à 36 milliards, sont actuellement en cours de finalisation.
Selon le ministère vietnamien de l’Industrie et du Commerce, ces partenariats devraient générer plusieurs centaines de milliers d’emplois dans les deux pays. Le représentant américain au commerce a salué la volonté de Hanoï de répondre aux préoccupations de Washington.
Parmi les projets phares figurent un contrat de fourniture de gaz naturel liquéfié (GNL) entre PV GAS et les entreprises américaines ConocoPhillips et Excelerate, une étude sur les carburants durables, des achats d’équipements auprès de GE, ou encore des livraisons d’éthanol et de bioéthanol via des consortiums spécialisés américains.
Parallèlement, le Vietnam a autorisé SpaceX à déployer en phase expérimentale son service Internet par satellite Starlink, sans restriction de propriété étrangère. Ce projet pilote, prévu jusqu’en 2030, pourrait connecter jusqu’à 600 000 abonnés vietnamiens.
Les entreprises américaines montrent un intérêt croissant pour le marché vietnamien. Du 18 au 20 mars, une délégation de 64 groupes — dont Apple, Boeing, Coca-Cola, Intel, JPMorgan et Meta — a effectué une visite à Hanoï, prélude à une mission sectorielle consacrée à la santé et aux sciences de la vie. Cette initiative s’inscrit dans le prolongement du partenariat stratégique global lancé en 2023.
Plusieurs secteurs apparaissent particulièrement prometteurs. Dans l’énergie, Pacifico Energy prévoit des investissements dans l’éolien offshore, tandis que les premières centrales alimentées en GNL américain doivent entrer en service dès juin. Dans la tech, Meta envisage de renforcer la formation numérique, de développer ses services et d’implanter un pôle d’intelligence artificielle.
L’éducation et l’hôtellerie ne sont pas en reste. L’AACSB entend améliorer la qualité des formations en gestion, tandis que Marriott étend son réseau, déjà fort de 26 établissements, avec 50 projets en développement. Enfin, Bayer s’est engagé à renforcer la sécurité alimentaire du pays.
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