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François Bayrou a tapé juste : puisque leurs gouvernants successifs sont incapables de dépenser moins depuis des décennies, peut-être que les Français, eux, accepteront de se serrer la ceinture. Bien joué ! Le tour de passe-passe politique est habile. Puisque les élus ne sont pas capables de mettre l’État à la diète, allons chercher la France frugale dans les urnes. Rien de tel qu’un référendum amaigrissant pour faire perdre du poids à un secteur public obèse.
Le problème, chers lecteurs, est que personne n’y croit. Sitôt la nouvelle divulguée sur les réseaux sociaux, avant même la parution de l’entretien accordé par le Premier ministre au «Journal du dimanche», j’ai en effet cherché celui ou celle qui, comme moi, se félicite de cette tentative de mettre la démocratie directe au service d’une gestion raisonnable des dépenses publiques. J’ai donc joint, par WhatsApp depuis les États-Unis où je me trouve, le maire d’une commune rurale, un ancien parlementaire, un journaliste politique réputé, un diplomate habitué aux questions financières et un ex-ministre désabusé. Réponse unanime : ledit référendum n’aura jamais lieu. Pas question, pour la classe politique, de donner la clef du coffre à ceux qui paient : c’est-à-dire les Français.
La France frugale, si je les entends bien, est donc introuvable. Ce pays ne sait que dépenser. Vous vous souvenez de « Toujours plus », l’essai publié en 1982 par l’essayiste François de Closets ? Rien de nouveau. Bayrou, le centriste pyrénéen, catholique et éleveur de chevaux, est sans doute parfaitement conscient de ces difficultés. En Suisse, voter pour dépenser moins est habituel. Mais nous sommes en France…
Bonne lecture, avec ou sans vote!
(Pour débattre: richard.werly@ringier.ch)
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Le premier Ministre aurait-il été converti par quelques constitutionnalistes helvètes ? Eurêka !, mais bien sûr, le référendum, la nouvelle potion magique des alpages, le couteau mais suisse, la panacée, une nouvelle religion. Et deux pages du JDD pour accoucher d’un écran de fumée que le béarnais espère blanche…
L’idée de proposer un référendum pour affronter l’Everest du déficit et de la dette, la dernière lubie de F Bayrou dans un enfumage communicationnel ?
F. Bayrou n’en est pas à sa première tentative : Le référendum sur les retraites, un temps envisagé, s’est transformé en conclave dont le résultat, insuffisant voire inexistant, pour tous les participants qui restent encore, risque de hâter son départ à l’occasion d’une prochaine dissolution presque inévitable. L’introduction d’une proportionnelle intégrale est-elle de nature à bloquer les velléités de censure de LFI et du RN ? (le « bloc central » et les LR y sont farouchement opposés). Pas sûr !
Mais d’abord la proposition bayroutienne interroge sur deux points au moins :
1 – D’abord la décision de recourir au référendum est un pouvoir propre du président ( exercé sans contre-seing) que le premier Ministre peut proposer certes mais pas imposer. Ensuite, La proposition entre t-elle dans le champ de l’article 11 de la constitution ? Peut-être au regard des objets visés (« réformes relatives politique économique et sociale de la nation et aux services publics qui y concourent ») mais la loi budgétaire obéit à une procédure particulière visées à l’article 47 ; une procédure spéciale qui, figurant à un article spécial, ne rentre pas dans le cadre de l’article 11, une procédure qui garantit les prérogatives du parlement. Une procédure visée par un article spécifique excluant la loi de finance du référendum. L’hypothèse ne s’étant pas encore produite, l’incertitude légale est totale pour certains constitutionnalistes. Que dirait le Conseil constitutionnel sur la constitutionnalité d’un projet de loi référendaire à supposer que le Président l’engage ce qui est douteux vu le résultat négatif possible ? D’autres questions concernent la nature de la question (ou des questions pouvant être posées) sur des questions budgétaires. Entrerait-on dans les arcanes des recettes et des dépenses d’un document normalement soumis aux arbitrages ministériels, de Bercy et du premier Ministre et des débats parlementaires et qui fait des centaines de pages ?
2 – Sur le plan politique, on imagine mal le Président décider d’un référendum sur une ou des questions demandant aux électeurs s’ils ont l’intention de voir, personnellement, leurs dépenses sociales (santé, éducation, sécurité, justice, etc;) réduites voir leurs impôts augmentés. La Réponse est certaine. Un rejet aurait non seulement pour effet de fragiliser un peu plus la légitimité présidentielle et de provoquer une demande de démission qui serait réactivée. Dans ce cas il n’y aurait pas d’autre issue que passer par le vote d’une loi de finances dont le vote serait soumis aux mêmes aléas politiques et les menaces de censure que la précédente . Donc une reconduction de l’actuelle qui n’était que la reconduction de la précédente et sans doute jusqu’à à celle de l’année 2028, discutée en fin d’années 2026, dans des conditions nouvelles que l’élection présidentielle aurait été à même de renouveler.
Alors pourquoi F. Bayrou se lance t-il dans une opération impossible ? Sans doute pour gagner du temps ce qu’il a fait en « achetant » les voix du PS et du RN en proposant une réforme même cosmétique de la loi sur les retraites mais qui risque d’accoucher d’une fumée noire. La perspective d’un nouveau mode de scrutin, pouvant satisfaire les mêmes, pourrait-il être le pare-feu d’une dissolution qui se présente, en permanence, comme une « épée de Damoclès » ? Pas sûr !
F. Bayrou qui sait que le Président ne se hasardera pas sur le chemin du référendum pourra toujours dire qu’il avait essayé de s’atteler au problèmes budgétaires de la France et que la responsabilité de l’échec ne lui incombe pas. Peut-être espère t-il, crédité du courage de l’action ou du moins de sa tentative, peser d’un poids plus fort sur les discussions budgétaires à venir et éteindre plus facilement les appétits de censure et faciliter les compromis… Et pour reprendre la supplique de la comtesse du Barry au bourreau Samson : « encore un moment monsieur le bourreau »…
Cher lecteur, votre réponse est juste passionnante et nous la publions bien sur en commentaire. Une chose est sure : le référendum intéresse ! amitiés de la rédaction
La Constitution de la Ve République gagnerait a être mieux connue. Merci pour cette remarquable contribution. Bonaparte disait : « une bonne constitution doit être courte et obscure ». Les temps ayant changés, le constituant de 1958 a fait une constitution longue et obscure. Ce sont la les « poisons et delices » de la Ve République.
Une Constitution remarquable par sa longueur et surtout son obscurité, amplifiée et cultivée par le Conseil constitutionnel, la Pythie de la rue de Montpensier, accroupie sur son trépied, inoculant avec délice ses poisons mortels dans un texte originel des plus bancals. Pour Napoléon, une Constitution devait être courte et obscure. La IIIe République se contenta de trois courtes « lois », et qui plus est, sur des matières n’ayant pas de rapport avec le fonctionnement des pouvoirs publics, cœur battant des constitutions actuelles. Nous sommes loin des fameuses « lois fondamentales » des temps anciens que vous semblez chérir…