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L’art meurtrier du Halo-Halo

Date de publication : 15/05/2025
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L’art meurtrier du Halo-Halo

 

La cuisine de Tita Rosie est décidément mortelle ! Une chronique littéraire et culinaire asiatique de François Guilbert

 

Après le succès de son premier roman cosy-mystery dont nous avons rendu compte l’année dernière, Mia Manansala poursuit avec les mêmes ingrédients son exploration du vécu de la diaspora philippine des États-Unis et de ses pratiques alimentaires.

 

Mystère, romance et bons petits plats au menu

 

Ce deuxième volume de la série policière intitulée « La cuisine mortelle de Tita Rosie » qui en comptera six en anglais à l’automne 2025 a conservé son architecture. Il s’articule donc autour des péripéties et du relationnel affectif de la même héroïne : Lila Macapagal, une jeune célibataire ayant quitté Chicago pour revenir travailler dans la petite ville de son enfance dans l’Illinois. Quant à l’intrigue criminelle, elle tourne avec classicisme autour des quatre mobiles en C : chair, cœur, colère et cupidité. La tragédie n’en est pas moins parsemée de multiples gestes de bienveillance et de solidarité. Un épisode d’esthétique capillaire est ainsi l’occasion de vanter l’association Locks of Love qui aide les enfants souffrant de perte de cheveux à retrouver confiance en eux et autonomie grâce aux crinières offertes de généreux donateurs.

 

Au centre de la matrice narrative, la cellule familiale, ses restaurants, lieux de retrouvailles et de rayonnement communautaire

 

Dans cet univers resserré, essentiellement féminin, l’alimentation constitue un lien indéfectible entre les générations et, narratif oblige, entre les protagonistes ; à commencer cette fois-ci par le rafraîchissant halo-halo. Un dessert emblématique de l’archipel sud-est asiatique consistant en un fond de glace pilée recouvert de haricots rouges sucrés, de fruits, le tout surmonté de lait concentré voire d’une cuillerée de crème caramel, de confiture ou d’une glace à l’igname pourpre (ube). Pour les petits curieux, la recette de l’autrice se trouve avec trois autres (ailes de poulet adobo grillées, nems sucrés à la banane, café pandan au lait de coco) à la fin du manuscrit.

 

Une histoire construite autour du temps festif et prisé par les Philippins d’un concours de beauté

 

Néanmoins, ce nouveau récit se révèle plus sombre que le précédent. Il aborde au fil des péripéties de nombreux sujets dramatiques : la rémanence des prédateurs sexuels, les poids pesant de la famille, la diffusion des médisances, les difficultés des entrepreneuses racisées, les traumas des décès parentaux prématurés et plus encore les difficultés à admettre ses besoins de soins en matière de sa santé mentale. Pour adoucir ces atmosphères parfois pesantes, quoi de mieux que des nourritures « doudous » ou des croquembouches fusion !

 

L’autrice a tout un répertoire culinaire philippin à partager

 

Au petit-déjeuner, elle vous proposera de l’itlog (œuf au plat), du sinangag (riz frit à l’ail), une bonne assiette avec des longganisa (saucisse) voire à la période de Noël un bibingka (génoise à base de riz).

 

Au déjeuner pourquoi ne pas se délecter du porc sisig, du tokwa’t baboy (porc bouilli et tofu frit) ou encore d’une tortang talong (omelette aux aubergines) ?

 

Quant aux en-cas, ce sera du champodoro (riz au lait chocolaté), des kwek-kwek (œufs de caille bouillis enrobés d’une pâte à l’orange) dans le sawsawan épicé et des kakanin (confiseries à base de riz gluant et de lait de coco), des lumpia (nems) voire des desserts hybrides philippino-américains (ex. cookies à l’ube et aux pépites de chocolat blanc, donuts façon halo-halo, muffins au calamansi) en buvant une calamansinade (limonade), une bière à la noix de coco, ou une tasse de salabat (thé au gingembre).

 

Au dîner, vous prendrez bien un plateau de pancit (nouilles poêlées avec des nems fourrées à la viande). La liste des suggestions gustatives est plus longue encore, nous allons donc arrêter ici le divulgâchage.

 

Un regret toutefois. Au fil des pages, les plats défilent avec peu de détails et dans leur dénomination en tagalog. Heureusement, en ouverture du livre se trouve un glossaire pour les non-locuteurs mais pour plus de fluidité et l’aisance du lecteur lambda peut- être aurait-il été préférable d’exposer les expressions vernaculaires à chaque mention. Bien plus que le public nord-américain qui peut acheter des plats préparés philippins en grande surface, les francophones sont très peu familiers des terminologies culinaires philippines. À n’en pas douter, au travers de cette profusion de références culinaires, Mia Manansala est convaincue qu’un effort d’apprentissage est nécessaire mais aussi que la nourriture raconte toujours une histoire personnelle et le délicieux rend heureux. Alors, comme elle, proclamons : Kain Tayo ! Allons manger, et partons par voie romancée à la découverte de la gastronomie des Philippines.

 

Mia P. Manansala : L’art meurtrier du Halo-Halo, Le Cherche Midi, 2024, 358 p, 15,90 €

 

François Guilbert

 

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