Gavroche a sélectionné pour vous quelques nouvelles saillantes en Birmanie durant cette semaine écoulée. Un survol de l’actualité indispensable pour tous ceux qui s’intéressent à ce pays d’Asie du Sud-Est.
Politique, Diplomatie
Le régime militaire birman a annoncé que la première phase des élections se tiendrait le 28 décembre dans seulement 102 communes, révélant ses difficultés à organiser un scrutin national. Le scrutin national pourrait concerner 267 communes. À Rangoun, considérée comme relativement stable, le vote n’aura lieu que dans 12 des 45 communes, et dans l’État Shan, dans 12 sur 55. Les scrutins concerneront aussi Lashio et Nawnghkio, récemment repris aux rebelles. Plusieurs groupes armés, dont l’Union nationale karen, l’Armée d’Arakan et la TNLA, rejettent ces élections et promettent de les empêcher sur leurs territoires. Les zones rebelles sont exclues de la liste officielle. Pour sécuriser le processus, le régime a instauré une loi prévoyant des peines allant de trois ans de prison à la peine de mort pour toute entrave au vote.
Min Aung Hlaing, a exhorté militaires et civils à se rendre aux urnes « sans faute » lors des élections prévues par étapes à partir du 28 décembre. En déplacement à Magwe, il a insisté sur le « devoir d’un bon citoyen » et appelé à choisir des candidats dotés « de la capacité et de l’engagement de servir les intérêts nationaux ». Le général a par ailleurs critiqué l’ancien gouvernement de la Ligue nationale pour la démocratie (NLD), renversé en 2021, l’accusant d’avoir recruté des conseillers étrangers et d’avoir alimenté les critiques contre l’armée.
Sous l’influence de Pékin, le Parti de l’État Wa uni (UWSP), branche politique de l’Armée de l’État Wa unie (UWSA), a annoncé qu’il cessait tout appui aux groupes rebelles. Cette décision concerne notamment l’Armée de libération nationale Ta’ang (TNLA), l’Armée de l’alliance démocratique nationale du Myanmar (MNDAA) et le Parti pour le progrès de l’État Shan (SSPP). La Chine reproche à l’UWSP d’avoir favorisé l’escalade des combats près de sa frontière en fournissant une assistance militaire et économique à ces forces, en contradiction avec sa politique de « non-guerre et pas d’agitation » dans le nord de la Birmanie.
Le gouvernement intérimaire du Bangladesh organise, du 25 au 27 août à Cox’s Bazar, une conférence internationale consacrée à la crise des réfugiés rohingyas. L’événement, qui coïncide avec le huitième anniversaire de la répression militaire de 2017 en Birmanie ayant poussé quelque 750 000 Rohingyas à fuir, vise à attirer l’attention sur le manque de financements : seulement 400 millions de dollars ont été promis, contre 934 millions nécessaires. Présentée comme une préparation à une réunion de haut niveau de l’ONU prévue le 30 septembre à New York, la conférence est critiquée par certains experts, qui y voient davantage une opération de communication, en l’absence de représentants politiques clés et de délégués rohingyas.
Le Conseil consultatif d’unité nationale (NUCC) et le Conseil du Pays Ta’ang (TLC) ont qualifié l’élection prévue à partir du 28 décembre de « totalement illégitime et frauduleuse ». Le NUCC, représentant de groupes anti-junte, estime que le régime au pouvoir, qu’il qualifie de groupe terroriste, n’a aucune autorité pour organiser un scrutin après avoir violé sa propre Constitution de 2008. Selon lui, cette élection vise uniquement à maintenir le régime au pouvoir et échapper à ses crimes, incluant massacres et actes de génocide contre le peuple birman. Le TLC, autorité politique de l’État Ta’ang, a également exprimé son opposition à ce processus électoral.
Une délégation de l’ASEAN, composée de quatre ministres des Affaires étrangères et dirigée par le Malaisien Mohamad Hasan, se rendra à Naypyidaw le 19 septembre pour rencontrer la Commission d’État pour la sécurité et la paix (SSPC), dirigée par le général Min Aung Hlaing. L’objectif de cette visite est de discuter de l’élection prévue à partir du 28 décembre dans au moins 267 des 330 communes du pays, ainsi que de la mise en œuvre du processus de paix de l’ASEAN, conformément au Consensus en cinq points du bloc. Cette rencontre intervient dans le cadre de la transition politique birmane, la SSPC ayant récemment remplacé le Conseil d’administration d’État (SAC).
Économie
Le régime birman a ordonné à la Fédération des chambres de commerce et d’industrie de l’Union de Birmanie (UMFCCI), la plus grande fédération d’entreprises du pays, de lui fournir des données personnelles et professionnelles sur ses dirigeants. Cette demande, émise par le ministère du Commerce, concerne également 83 associations affiliées. Cette requête suscite l’inquiétude quant à une possible tentative du régime de renforcer son emprise sur les sphères civiles et économiques du pays en y plaçant d’anciens militaires. L’UMFCCI, qui existe depuis plus de 100 ans et se présente comme l’organe représentatif du secteur privé, a fonctionné sous la supervision du régime militaire depuis le coup d’État de février 2021.
Le ministre de l’Énergie birman, Ko Ko Lwin, a reconnu que la production nationale de pétrole et de gaz reste faible et peu rentable, malgré les efforts du régime pour attirer des investissements étrangers. Lors d’un atelier à Naypyidaw, le ministère a présenté des opportunités pour relancer les gisements vieillissants et contrer le déclin de la production. Depuis le coup d’État de 2021, plusieurs multinationales, dont TotalEnergies, Chevron et Woodside, se sont retirées du pays. Le régime a toutefois récemment approuvé le projet Min Ye Thu, un accord d’exploration gazière offshore avec la co-entreprise thaïlandaise Gulf Petroleum Myanmar, premier projet de ce type depuis le coup d’État.
La Banque centrale de Myanmar (CBM) a poursuivi ses interventions sur le marché des changes, vendant plus de 602 000 $ aux importateurs de carburant et 150 000 $ aux importateurs d’huile comestible le 21 août, en plus d’injections en baht et yuan. Depuis la mi-août, le CBM a régulièrement vendu des devises aux entreprises travaillant dans le secteur du fuel oil, de l’huile comestible et du Cut, Make and Pack (CMP), tout en injectant des devises locales et étrangères dans le marché financier pour soutenir les importations et stabiliser le marché.
Société, répression, conflit
La junte birmane a fermé soudainement le pont de l’amitié thaïlando-birmane n°2 entre Myawaddy et Mae Sot, principal lien terrestre avec la Thaïlande. Cette mesure vise à contrôler le commerce illégal qui financerait des groupes armés près de la frontière. La fermeture, ordonnée par le chef de la junte Min Aung Hlaing, entraîne des répercussions économiques majeures : le commerce bilatéral mensuel dépasse 120 millions de dollars, et en Thaïlande, le commerce frontalier annuel pourrait être affecté à hauteur de 3,9 milliards de dollars. En Birmanie, les prix de l’essence ont presque doublé, tandis que commerçants et consommateurs s’inquiètent de la hausse générale des prix. Les autorités thaïlandaises et birmanes discutent d’une réouverture du pont.
Depuis le 19 août, l’armée birmane a lancé une offensive contre la ville de Kyaukme, dans le nord de l’État Shan, contrôlée par l’Armée de libération nationale Ta’ang (TNLA). Cette attaque fait suite à la reprise de la ville voisine de Nawnghkio. Kyaukme est un carrefour stratégique qui relie Nawnghkio à Lashio, la capitale de l’État Shan du nord. Des affrontements ont lieu près du célèbre viaduc de Goteik et la junte, qui s’appuie sur sa supériorité aérienne, utilise des frappes aériennes, des mortiers et des drones contre les villages. Le régime militaire a bombardé le village de Pinti, touchant un monastère qui abritait des personnes déplacées. L’attaque a tué 10 civils, dont des enfants, et en a blessé 12 autres. Des organisations civiles rapportent que des milliers de personnes de la région ont été déplacées et ont un besoin urgent de protection, de nourriture, d’abris et de soins médicaux. Alors que de nombreux habitants de Kyaukme ont fui vers Lashio et Namlan pour échapper aux combats, environ 25 % de la population est restée sur place.
Le régime militaire birman a affirmé avoir repris le contrôle de la ville de Demoso, dans l’État de Karenni, après 16 jours de combats lors de l’opération Yan Naing Min. Le régime déclare avoir repoussé les forces de résistance composées de l’Armée karennie, de la Force de défense des nationalités karennies et de la Force de défense du peuple. Bien que le régime prétende contrôler Demoso, des sources de la résistance affirment qu’elles détiennent toujours des positions stratégiques dans la région. L’armée birmane avance également vers le sud en direction de Hpruso, provoquant de violents affrontements. L’opération Yan Naing Min, lancée en mai 2024, vise à reprendre les villes et les routes clés du sud de l’État Shan et de l’État de Karenni. Cette opération a déjà permis au régime de recapturer plusieurs villes, y compris Mobye, qui avait été prise par les forces de résistance en janvier 2024. Le sous-commandant de la KNDF, Maui, a expliqué que ses troupes s’étaient retirées de Mobye pour éviter de lourdes pertes après plusieurs mois de bombardements intenses de la part du régime.
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