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BIRMANIE – CONFLIT : La junte façonne ses élections par la propagande

Date de publication : 29/09/2025
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commission élection Birmanie

 

Une chronique birmane de François Guilbert

 

Quand on suit l’actualité d’un pays autoritaire ou totalitaire, il ne faut pas se désintéresser des articles de la presse officielle, même celle qui s’adresse prioritairement à des lecteurs non-autochtones. Derrière leur logorrhée souvent rebutante se cache bien des informations sur les orientations et les inflexions du pouvoir central. Dans le cas birman, s’astreindre à la lecture du quotidien The Global New Light of Myanmar s’avère rébarbatif par la répétition des messages mais beaucoup plus instructif qu’on ne l’imagine de prime abord.

 

Depuis le début du mois d’août et la levée de l’état d’urgence, les médias écrits, radios et télévision au service de la Commission de la sécurité et de la paix de l’État (SSPP) martèlent l’objectif numéro 1 des militaires pour les quatre mois qui viennent : la tenue des élections générales dans 274 des 330 circonscriptions du pays.

 

L’organisation des scrutins se fait sous la supervision du Conseil national de défense et de sécurité et non du gouvernement

 

Cette réalité s’affiche quotidiennement à la une du Global New Light of Myanmar depuis le 1er août. Dans un encadré de couleur verte, celle de la teinte de l’armée et des symboles de son parti historique (USDP : Parti de l’Union pour la solidarité et le développement), le Conseil national de défense et de sécurité, où ne siège aujourd’hui que des militaires, affiche quatre objectifs dont deux sont explicitement dédiés aux votations qui s’annoncent.

 

Avec ses lourdeurs rédactionnelles, cela donne en point 1 l’affirmation d’une volonté de « favoriser l’émergence de forces politiques compétentes et de représentants du peuple dévoués à l’intérêt national, en mettant en place une démocratie multipartite véritable et rigoureuse » et en point 4 une détermination militaire à « assurer le succès des élections générales dans le cadre d’un système multipartite, grâce à la participation active de la population, afin de concrétiser le système démocratique multipartite auquel aspirent tous les citoyens ». Ce narratif et sa mise en page soulignent combien l’organisation des scrutins relèvent beaucoup plus de l’armée que des ministères qui en ont pourtant officiellement la charge matérielle avec la commission électorale de l’Union (UEC).

 

Pour montrer sa légitimité à recourir à la force pour s’opposer aux adversaires du scrutin, la junte se réfère à des propos du général Aung San du 13 mars 1947

 

Ironie de l’Histoire pour un régime qui a jeté dans ses geôles la cheffe du gouvernement civile, la junte en appelle à un discours radiophonique de son père, le général Aung San. Il s’agit de justifier par avance la manière forte pour organiser les votations 2025 – 2026 tout en cherchant délégitimer la prix Nobel de la Paix.

 

Depuis le 29 août, on peut lire en page intérieure du Global New Light of Myanmar ce propos du père de l’Indépendance tenu un peu plus de trois mois avant son assassinat : « Notre gouvernement ne tolérera aucune perturbation du processus électoral. Le scrutin devra se dérouler dans le respect des principes de liberté et d’équité, et aucune ingérence ne sera tolérée envers les participants. Nous tenons à souligner avec force que toute tentative de perturber ou de saboter les élections sera sévèrement réprimée ».

 

Exprimé dans le contexte du scrutin du 9 avril 1947 visant à donner à la Birmanie une assemblée constituante chargée de rédiger une constitution une fois l’indépendance du Royaume-Uni proclamée, la propagande contemporaine se garde bien de rappeler que le langage exprimé, il y a 78 ans, portait sur une consultation qui fut boycottée par deux courants politiques puissants, ultranationalistes et communistes radicaux, et se traduisit par un taux d’abstention des électeurs supérieur à 50%. Qu’à cela ne tienne, l’objectif présent est de mettre virtuellement Aung San Suu Kyi en porte-à-faux en sous-entendant qu’elle renie l’approche gouvernementale de son père en se faisant de fait un soutien au terrorisme issu des rangs de sa propre formation politique.

 

Le général Min Aung Hlaing ayant la rancune tenace contre celle qu’il perçoit comme sa rivale depuis une quinzaine d’années, portraits du général Aung San en par-dessus militaire et képi sur la tête vont continuer à illustrer les récits de propagande de la SSPC. Toutefois pour ce qui concerne le jugement énoncé le 13 mars 1947, depuis le 19 septembre il a glissé en page 5 pour laisser place en page 2 à une infographie égrenant un à un les 100 derniers jours qui précèderont la première étape des scrutins (28 décembre).

 

La propagande a mis en place une véritable éphéméride électorale

 

Toutes les 24 heures, des faits saillants sont énoncés ou rappelés. Désormais en bonne place des marottes des communicants pro-militaires figure un rappel des procédures d’enregistrements des observateurs électoraux. Individus et associations ont jusqu’au 5 décembre pour se faire connaître. Ils seront probablement moins nombreux qu’en 2015 et 2020, tant il peut être dangereux de s’affirmer scrutateurs des prochains passages aux urnes. Mais certaines organisations de la société civile vont devoir arbitrer entre s’opposer aux injonctions et pressions des relais de la SSPC et celles des groupes révolutionnaires, Dans l’un et l’autre cas, il ne sera pas simple d’échapper à des mesures punitives et de rétorsion.

 

Le défi est d’autant plus grand que la junte et ses sbires multiplient depuis une quinzaine de jours les messages faisant état des premières arrestations et condamnations de contrevenants à la nouvelle loi sur la protection des élections générales contre les perturbations et le sabotage. En vertu de son article 23 (a), placarder un autocollant dénonçant les scrutins ou les critiquer sur les réseaux sociaux fait encourir des peines d’emprisonnement jusqu’à 7 années. En parallèle de cette coercition mise en scène sans état d’âme, l’UEC poursuit ses opérations d’immixtion partisane.

 

La Commission électorale de l’Union adapte le processus électoral à la guise de la junte

 

Le 21 septembre, quelques jours à peine après avoir dissous quatre partis politiques pour ne pas avoir su répondre aux critères minima d’existence légale et la veille de la clôture des dépôts de candidature, l’UEC a modifié la loi sur l’enregistrement des partis politiques. Désormais, les formations nationales n’ont plus l’impératif d’être présent dans la moitié des circonscriptions mais seulement dans un quart d’entre elles. Cette innovation permet de ne pas avoir à réduire le nombre des « concurrents », déjà bien peu nombreux à l’échelle nationale (6) alors qu’il est probable que plusieurs d’entre eux sont dans l’incapacité de démontrer qu’ils ont les 50 000 encartés et bureaux de représentation obligatoires.

 

Toute évolution à la baisse du nombre des compétiteurs aurait ajouté au discrédit de scrutins qui voient déjà 40% de partis politiques en moins par rapport à 2020 et près d’un tiers de moins de compétiteurs. A ce jour, l’UEC a dénombré 4863 candidats dont 1,9% « d’indépendants ». Une cohorte qui reste toutefois à confirmer puisque la commission examinera la validité des dossiers des aspirants parlementaires du 23 septembre au 4 octobre.

 

A ce stade de la procédure électorale, l’USDP fait la course en tête avec 20% de tous les candidats. Plus prometteur pour lui, ses partisans seront présents dans 96,7% des circonscriptions de la chambre basse, 90% de celles des parlements provinciaux et pour 96,5% des sièges réservés aux représentants ethniques.

 

Le parti de l’armée présentera bien plus de candidats à la chambre des représentants que toute autre formation politique

 

Dès la ligne de départ, cela constituera un avantage. On ne sait pas quand se tiendront en janvier les votes de 172 des 274 circonscriptions mais l’USDP a l’échelle nationale présentera plus de candidats que ses adversaires. Le différentiel est substantiel avec le Parti pour le développement des agriculteurs de Birmanie (MFDP : -45,6%), le Parti de l’unité nationale (NUP : -30,3%), le Parti populaire (PP : -41,3%), le Parti des Pionniers du Peuple (PPP -26,3%) et le Parti national du développement shan (SNDP -38,7%). Ce chiffre laisse à penser qu’une lecture rigoureuse et légaliste des obligations faites aux partis aurait certainement dû entraîner la dissolution du MFDP.

 

La disqualification de la Ligue nationale pour la démocratie d’Aung San Suu Kyi n’a joué en rien sur la mobilisation de nouvelles ressources humaines pour certaines formations politiques, à commencer par le PP créé avec un ex-contestataire de 1988. A contrario, il est fort probable que la dissolution sans préavis et à la dernière minute de la Force démocratique nationale (NDF) ait eu beaucoup à voir avec les apports récents d’ex-NLD, à l’image de l’ex-députée Sandar Min portée en août à la vice-présidence de son nouveau parti. Quant au SNDP, il demeure fondamentalement un parti shan. Il a le 4ème potentiel de candidatures mais l’État Shan est le territoire de l’Union ayant le plus grand nombre de townships (55) avec Rangoun. En 2025, sa représentativité sera difficile à mesurer puisque 78,2% des circonscriptions de l’État Shan ne seront pas consultées au mieux avant janvier 2026.

 

François Guilbert

 

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