Une chronique siamoise de Patrick Chesneau
Est-ce le retour inévitable de la guerre ? Pour l’heure, un gros point d’interrogation s’impose. La plus grande prudence reste de mise dans l’évaluation des hypothèses bellicistes. Toutefois, la reprise des hostilités entre la Thaïlande et le Cambodge est un scénario qui a gagné en consistance ces derniers jours. En toile de fond demeure une réalité. L’envie d’en découdre par les armes est profondément ancrée dans les psychologies collectives.
Identique de part et d’autre
Les deux royaumes se regardent en chiens de faïence (objets pourtant rares dans cette péninsule orientale), mus par un désir difficilement répressible de se sauter une fois de plus à la gorge. Les deux parties s’accusent de violations répétées du cessez-le-feu. Chacun stigmatise l’autre pour avoir empiété sur le territoire du vis-à-vis. Dialogue de sourds émaillé çà et là de déflagrations. Bangkok pointe la responsabilité des Khmers dans un nouvel épandage de mines, lesquelles continuent d’exploser au prix de blessés graves dans les rangs siamois. Version démentie par les troupes cambodgiennes qui, à l’inverse, dénoncent l’inflation des incursions hostiles des militaires thaïlandais. Ils exigent aussi que l’adversaire mette un terme à ses confiscations de temples cambodgiens au moyen de barrières en barbelés.
Les bruits de pataugas s’intensifient depuis plusieurs semaines, ainsi que le cliquetis mécanique d’engins blindés convoyés sur place en renfort. Les affrontements entre civils cambodgiens exaspérés par le bouclage hermétique de tous les postes-frontières et soldats thaïlandais émaillent l’actualité à rythme quasi quotidien. En parallèle, très fort regain de tension et d’inquiétude dans trois provinces du sud Isaan : Buriram, Surin, Si Sa Ket.
La partie siamoise réitère sa condamnation des provocations incessantes des soldats khmers qui, notamment, jetteraient des grenades en direction de la Thaïlande. Là encore, des escarmouches ont éclaté ces dernières semaines avec des centaines de villageois cambodgiens. Massant troupes et matériel d’artillerie, dont quelques batteries de canons et un tank. On est encore loin d’un dispositif opérationnel de masse mais, côté thaïlandais, les autorités provinciales alertent déjà les populations civiles.
Un témoin rapporte : « À Ban Kruat, toute petite bourgade, les automobilistes font la queue dans les stations-service. Même les plus réfractaires se préparent à une évacuation rapide. »
Topo similaire dans la province adjacente de Surin, en particulier dans les secteurs névralgiques de Ta Miang et Phanom Dong Rak. Précisément là où les combats avaient fait rage lors de la guerre des cinq jours. Dans le vocabulaire des populations locales, un chapelet de mots effectue un retour en force : évacuation, centres d’accueil, fermeture d’écoles, refuges, abris…
D’autres expressions peuvent aider à décrire un scénario déjà éprouvé dans le passé récent. Au choix : rebelote, bis repetita ou branle-bas de combat.
Patrick Chesneau
Chaque semaine, recevez notre lettre d’informations Gavroche Hebdo. Inscrivez-vous en cliquant ici.
