
Une chronique cambodgienne de Yann Morels
Le conflit entre les deux royaumes, Thaïlande et Cambodge, ne s’est pas endormi avec le cessez-le-feu, bien au contraire. Il ne se passe pas un jour sans que des nouvelles nous parviennent de la frontière. Ou plutôt des frontières ! Tant il reste de difficultés de rapprochement des lignes et des bornes depuis que les militaires les plus puissants ont amené des rouleaux de barbelés qui atteignent, vu d’ici, la souveraineté du territoire khmer en isolant certaines familles dont les maisons sont maintenant en territoire… ennemi !
La détention de soldats khmers « enlevés » sans armes dans la province essentielle de Preah Vehear ne cesse, de part et d’autre, d’alimenter les « fake news » dans un contexte de guerre de la presse qui ne retombe pas. En bonne santé, dit la Croix-Rouge…
Il est vrai que, vu du Cambodge, personne ne peut comprendre ce marchandage humain dans un conflit qui concerne certes quelques centaines de mètres carrés de terre et de vieux sites archéologiques, mais surtout des millions de dollars et divers intérêts de pouvoirs, financiers et politiques, de part et d’autre, de casinos et probablement de diverses nébuleuses holdings aux passeports douteux !
Un quelconque traité de paix dans le contexte actuel pourrait survenir et régler durablement le conflit entre les deux pays ?
Certainement pas. Sauf pour satisfaire le président américain. Impossible au regard de la dimension profonde et large prise par le conflit, tant dans les relations diplomatiques, commerciales et humaines.
Sur le plan humain, les choses se sont un peu décantées depuis trois mois. Il faudrait sans doute ajouter, hélas… En effet, les Thaïs sont considérés dans toute la région comme racistes et belliqueux, les Khmers sont primaires, statiques et hypocrites. Cette guerre ne fait qu’exacerber l’esprit national siamois qui méprise tous les étrangers et particulièrement le peuple khmer. Chacun sait désormais – y compris apparemment aux USA – que le conflit frontalier a été manipulé par les militaires thaïs pour des raisons de politique intérieure. N’est-ce pas d’ailleurs le clan des Premiers et Premières ministres ?
Quant à la possible brutalité khmère du premier jour de conflit armé, elle s’explique par le fait que le pays, sorti de la guerre civile et revenu à un développement économique de bon aloi et séduisant, n’avait pas prévu :
D’une part, les débordements de divers résidents mafieux et d’entreprises mafieuses plus ou moins khmères ;
D’autre part, que se développait « au vu et non su ! » probablement de certaines autorités, les « games » actuellement dénoncées sur le plan international. Un laxisme pour le moins coupable.
La seule chose certaine aujourd’hui, c’est que la haine du Siamois, enfouie dans les soubresauts de l’histoire khmère depuis deux siècles, est ressortie ravivée pour longtemps et qu’une nouvelle jeunesse, rassemblée autour de ses leaders militaires, sait désormais dans quel sens… se passe l’invasion militaire.
À charge en ce moment des tentatives diplomatiques pour la Thaïlande et ses dirigeants politiques de retrouver les élans disparus de fraternité, ceux observés après les Accords de Paris d’octobre 1991 et qui conduisaient si bien au passage des touristes d’un pays à l’autre et à la croissance économique de voisins aux intérêts communs.
Heureusement, les parties se parlent. Et Donald se pointe. Au risque de futures désillusions de paix durable.
Yann Morels
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