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BIRMANIE – CONFLIT : Que penser de la nouvelle envoyée spéciale philippine pour le conflit birman ?

Date de publication : 23/11/2025
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Thereza « Tess » Lazaro

 

Une chronique du conflit birman par François Guilbert.

 

Une présidence philippine à un moment charnière pour l’ASEAN

 

À la clôture du 47ᵉ sommet de l’ASEAN, le Premier ministre malaisien a confié la présidence annuelle de l’organisation régionale au président de la République des Philippines. Pour autant, ce n’est qu’à partir du 1er janvier 2026 que Manille exercera son mandat. En attendant, le président Ferdinand R. Marcos Jr dispose de 65 jours, entre le transfert formel de la charge et la prise en main de la présidence, pour décliner les étapes et les objectifs à venir. Il a nommé envoyée spéciale pour le conflit birman sa ministre des Affaires étrangères, Thereza « Tess » Lazaro.

 

Pour commencer, il a énoncé le slogan mobilisateur de 2026 pour les onze États membres : « Construisons ensemble notre avenir ». Un message volontariste proclamé urbi et orbi, mais qui en dit long sur les divisions existantes entre les nations au cœur de l’Indopacifique.

 

Les Philippines prennent la place de la Birmanie

 

En lieu et place de la Birmanie, qui aurait dû conduire l’année prochaine les destinées de l’ASEAN, les Philippines assumeront leur rôle à un moment charnière pour la région.

 

À l’heure des tensions commerciales avec l’administration Trump et des nouvelles passes d’armes sino-japonaises sur Taïwan, il s’agit de veiller à offrir aux 700 millions d’habitants de l’aire aseanienne la perspective que leur région deviendra bien la 4ᵉ économie mondiale d’ici 2030. Un objectif accessible si les États membres améliorent leur intégration économique, la connectivité de leurs territoires, se montrent soucieux de l’inclusion sociale et promeuvent, tous ensemble, la paix et la stabilité régionales par le dialogue, le respect du droit international et des coopérations renforcées.

 

Le dessein est ambitieux, mais à la hauteur d’une région qui vient tout juste d’accueillir un onzième membre et fêtera en février 2026 le 50ᵉ anniversaire de son texte fondateur, le Traité d’amitié et de coopération (TAC). Un document à vocation irénique auquel se sont joints, depuis 1989, 45 partenaires extrarégionaux, dont les sept membres de l’Union européenne ayant suivi le chemin ouvert par la France en 2007 (2012 : Union européenne ; 2020 : Allemagne ; 2022 : Danemark, Grèce, Pays-Bas ; 2024 : Luxembourg ; 2025 : Finlande).

 

Les priorités géopolitiques de la présidence Marcos

 

Au titre de la construction de la paix et de la sécurité régionales de demain, le président F. Marcos Jr s’est engagé à mettre l’accent sur l’utilisation responsable et éthique de l’intelligence artificielle (IA), les systèmes d’alerte précoce, la connaissance du domaine maritime, l’assistance humanitaire et la réponse aux catastrophes (HADR).

 

Ces priorités trouveront à s’incarner géographiquement au plus près, notamment dans la gestion des préoccupations relatives aux menées chinoises en mer de Chine méridionale (mer des Philippines occidentales selon Manille) et dans la recherche d’une voie permettant de sortir de l’impasse birmane dans laquelle le général Min Aung Hlaing a mené son pays et la région depuis février 2021.

 

Une crise birmane que Manille ne sous-estime pas

 

Les Philippines ont pour première priorité la mise en œuvre des cinq points de consensus adoptés par les leaders de l’ASEAN en avril 2021. Pour ce faire, lors du premier événement consacré au lancement de sa présidence 2026, Ferdinand R. Marcos Jr a annoncé le 14 novembre la nomination de son Envoyée spéciale pour la Birmanie : la ministre des Affaires étrangères, Theresa P. Lazaro, nommée le 1er juillet dernier.

 

Celle-ci a déjà fait savoir, sans davantage de détails, qu’elle entend prolonger les efforts conduits en 2025 par la Malaisie. Sa tâche n’en sera pas moins difficile : établir une relation de confiance à la fois avec la junte de Nay Pyi Taw — qui se croira légitimée par les élections générales de décembre 2025–janvier 2026 — et avec les oppositions démocratiques et ethniques, qui contrôlent plus de la moitié de la superficie du pays et sont capables de coups de force dans la région de la capitale. Une position d’équilibre que la présidence sortante n’a pas vraiment su incarner.

 

Le profil solide de Theresa « Tess » Lazaro

 

La sexagénaire est une diplomate très expérimentée. Elle connaît bien l’Europe, où elle fut deux fois ambassadrice (Berne, 2008–2011 ; Paris, 2014–2020), après avoir été ministre-conseillère à Madrid (1998–1999) et a servi en Australie (consule générale à Sydney, 2005–2008) et aux États-Unis (consule générale adjointe à New York, 1999–2002), deux partenaires clés de Manille.

 

Elle dispose aussi d’une certaine expérience onusienne (ambassadrice auprès de l’UNESCO ; première secrétaire à Genève auprès des Nations unies, 1996–1998). Juriste de formation, elle possède une très longue pratique de l’ASEAN. Elle a commencé sa carrière diplomatique par une première affectation en Thaïlande (deuxième secrétaire, 1988–1993).

 

Mais c’est surtout en administration centrale qu’elle s’est forgé son expertise :
– directrice Asie du Sud-Est (1993–1996) ;
– directrice exécutive Asie–Pacifique (2002–2005) ;
– secrétaire adjointe Asie–Pacifique (2011–2014) ;
– sous-secrétaire d’État aux relations bilatérales et aux affaires de l’ASEAN (2021–2025).

 

Par affectations successives, Tess Lazaro a travaillé seize années à construire la politique aseanienne de son pays. Elle connaît parfaitement les rouages de l’organisation, les interlocuteurs du secrétariat général de Jakarta et les fonctionnaires clés dans les capitales. Crucial pour sa mission : elle est rompue à travailler avec ses homologues birmans, y compris ceux de la junte du général Min Aung Hlaing, puisqu’elle a dirigé la délégation philippine préparant les réunions ministérielles (SOM).

 

Une diplomate chevronnée face à une mission presque impossible

 

Tess Lazaro connaît les militaires-diplomates de Nay Pyi Taw et a interagi avec tous les régimes généraux depuis 1988. Son choix n’est donc pas une surprise pour les observateurs des arcanes diplomatiques de Manille.

 

Pour réussir, il lui faudra beaucoup de doigté, une volonté acharnée et une réelle habileté. Son action sera plus que jamais sous les projecteurs. Elle part toutefois avec un vrai capital d’expertise et une réputation flatteuse de négociatrice, publiquement reconnue même par ses interlocuteurs chinois avec lesquels elle a dû ferrailler ces dernières années — un atout précieux à l’heure où Pékin s’ingère de plus en plus dans les affaires birmanes.

 

Peut-elle devenir une « faiseuse de paix » ?

 

On peut l’espérer. Personne ne doute de ses qualités, mais rares sont ceux qui la croient capable de réussir là où tous ses prédécesseurs masculins ont échoué. En cumulant ses lourdes charges de ministre des Affaires étrangères, de pivot de la présidence tournante de l’ASEAN et d’Envoyée spéciale, Tess Lazaro pourrait manquer de temps pour ses interlocuteurs birmans.

 

Or les négociations sont très chronophages, comme l’a constaté la Malaisie, qui a dû financer toutes les réunions à Kuala Lumpur entre les parties au conflit. Manille est-elle prête à engager des ressources pour une crise n’affectant pas directement son territoire ?

 

Un choix de méthode qui interroge

 

Compte tenu de la complexité du dossier birman, on peut s’interroger sur le choix du président Marcos de confier cette responsabilité à un membre de son gouvernement, plutôt qu’à un expert dédié, comme ce fut le cas sous les présidences 2023 (Indonésie), 2024 (Laos) et 2025 (Malaisie).

 

Le retour à une médiation ministérielle — employée en 2021 (Brunei) et 2022 (Cambodge) — surprend, car ses limites sont connues. Elles semblaient même avoir convaincu les leaders de l’ASEAN de privilégier un Envoyé spécial disposant d’un mandat pluriannuel.

 

Mme Lazaro ayant déjà indiqué que le sujet serait rediscuté lors de la réunion ministérielle de janvier 2026, il reste à savoir si sa nomination est temporaire. En attendant, Manille entend garder tous les leviers en main. À l’inverse, Kuala Lumpur n’a pas réussi à convaincre les autres capitales que son approche et son médiateur (Tan Sri Othman Hashim) méritaient d’être prolongés.

 

Une incertitude persistante

 

L’absence de continuité peut laisser craindre que le président Marcos Jr laisse le dossier birman en suspens quelque temps, notamment pour observer les dynamiques politiques issues des élections militaires de décembre–janvier, sans parler des offensives en cours de la Tatmadaw.

 

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