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THAÏLANDE – CHRONIQUE : Possible de penser à autre chose qu’à la guerre ?

Date de publication : 14/12/2025
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Une chronique siamoise et sociétale de Patrick Chesneau.

 

La préoccupation est a priori légitime. Elle s’est métamorphosée en question obsessionnelle. Il a suffi que la guerre entre les frères devenus ennemis retrouve la une des journaux pour qu’une panique générale s’empare de la planète tourisme.

 

« J’arrive dans trois jours en Thaïlande. Est-ce que ça craint ? Quel niveau de sécurité ?
Je peux venir sans problème ou il vaut mieux que j’annule ? Pas question que les obus explosent mes rêves de vacances au pays du sourire. Je prépare ça depuis des mois. Je veux mes selfies. »

 

Tout ça pour aboutir à une supplique : « Dites-moi ce qu’il en est pour de vrai. »

 

Réponse immédiate sur les forums de discussion, là où les spécialistes en peau de grenouille des rizières jouent au guide de terrain. « La guerre ? Où ça ? Laquelle ? À Bangkok, Chiang Mai, Pattaya, Koh Chang, Hua Hin, Koh Samui, Phuket, on ne la voit pas. On ne l’entend pas. On ne sent rien. Même à Khorat, Khon Kaen ou Udon Thani, tout est normal. Des rives du Mékong à la mer d’Andaman, c’est toujours Amazing Thailand.
Cool Raoul, venez en toute confiance. »

 

En l’occurrence, il s’agit d’avis émanant de touristes ou d’amateurs de villégiature en T-shirt Chang, pantalons flottants à motifs éléphants et tongs vissées aux doigts de pieds. Particularité : ils se prennent pour des experts envoyés par la Providence.

 

Oui, en apparence, tout peut sembler calme. De fait, les grandes villes et les zones à vocation touristique sont préservées. Indemnes du pugilat entre les deux royaumes. Autrement dit, 90 % du territoire siamois est à l’écart, géographiquement parlant, des bombardements, pilonnages et déflagrations.

 

Dans le concret, la guerre affecte directement sept provinces frontalières : dans le sud de l’Isaan, Buri Ram, Surin, Si Sa Ket, Ubon Ratchathani, et sur la façade est, en descendant vers le golfe du Siam, Sa Kaeo, Chanthaburi, Trat. Seulement sept sur les 77 jangwat (provinces en thaï) que compte le Royaume de Siam.

 

Toutefois, les conséquences sont considérables : Zone interdite aux civils, et a fortiori aux visiteurs internationaux, tout le long des 800 km de la ligne de démarcation entre les deux pays. Couvre-feu et loi martiale dans une majorité de secteurs. Pratiquement 500 000 villageois évacués vers des dizaines de centres d’accueil et de refuges improvisés. En rase campagne, des abris, des bunkers et des tunnels aménagés dans l’urgence. Près de 1 200 écoles fermées. Les examens scolaires annulés et repoussés de plusieurs mois par les autorités académiques. Une décision inévitable qui pénalise néanmoins 30 000 élèves.
De nombreux hôpitaux ont dû à la hâte déménager leurs patients.

 

L’exode, par dizaines de milliers, des travailleurs cambodgiens vers leur pays se poursuit. Ambiance capharnaüm au point de contrôle frontalier de Khlong Luek, à Aranyaprathet.
En sens inverse, on attend avec anxiété le retour de milliers de Thaïlandais encore retenus au Cambodge par les autorités locales. Les familles craignent qu’ils ne deviennent des otages entre les mains des Cambodgiens. En particulier dans la ville de Poipet.

 

Au plan politique, le Parlement ayant été dissous jeudi 11 décembre par décision de l’actuel Premier ministre Anutin, le risque d’instabilité institutionnelle ne peut être totalement exclu. Entre autres facteurs d’incertitude, on ne sait pas si les électeurs des sept provinces limitrophes, soit plusieurs millions de personnes, pourront voter aux élections générales prévues dans un délai compris entre 45 et 60 jours.

 

Dans cette équation à multiples inconnues, l’armée va inévitablement renforcer son pouvoir sur la conduite des opérations militaires. D’ailleurs, un vent de nationalisme exacerbé souffle sur le pays de part en part. Dans la prolifération des réseaux sociaux, on glorifie les soldats, invariablement présentés comme des héros invincibles. La sauvegarde du sol natal et la défense de la souveraineté sont naturellement érigées en cause nationale. Primordiale.

 

Ce patriotisme amplifié, on le ressent fortement dans toutes les conversations avec les Thaïlandais. Dans l’armature culturelle et identitaire de la thainess, c’est une couche supplémentaire de ciment — ou plutôt de béton armé, eu égard aux circonstances — qui vient solidifier l’édifice social. Les 70 millions de sujets du Roi s’en trouvent galvanisés.

 

Les étrangers doivent impérativement éviter toute expression, même très mesurée, d’un sentiment de compassion à l’égard du Royaume khmer. L’effet produit ne serait pas sabaï du tout.

 

En somme, bien qu’elle ait déjà occasionné côté thaïlandais la mort de neuf soldats, trois civils et 120 blessés, la guerre physique reste délimitée dans l’espace. Encore circonscrite. Pourtant, elle impacte tous les Thaïs, affectant graduellement de plus en plus de secteurs de l’économie. Tôt ou tard, le tourisme subira un retour de manivelle dans les statistiques de fréquentation. Les responsables de cette activité de première importance tirent déjà la sonnette d’alarme.

 

À part les visiteurs volontairement insouciants, totalement déconnectés des réalités siamoises et fortement occupés à zoner dans les enclaves dédiées au farniente, difficile de ne pas être touché, à un titre ou à un autre, par cet antagonisme fratricide. Scénario redouté : si les hostilités s’installent dans la durée, les Thaïlandais ainsi que les expatriés, les retraités et les touristes subiront forcément les répercussions du marasme persistant.

 

Patrick Chesneau

 

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