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BIRMANIE – CONFLIT : Tout savoir et comprendre sur les élections générales s’ouvrent ce dimanche 28 décembre

Date de publication : 27/12/2025
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USDP campagne

 

Une chronique birmane de François Guilbert

 

Alors que la junte cherche à faire croire que le pays retrouve une vie normale, va se doter d’une nouvelle gouvernance par voie électorale et s’apprête à transférer début 2026 les responsabilités exécutives au vainqueur des scrutins, la réalité de terrain est toute autre. L’armée va conserver les postes clé du gouvernement. Son chef incite d’ailleurs publiquement les électeurs à porter leurs suffrages sur des « candidates capables de coopérer avec l’armée ».

 

Quant aux élus, ils émaneront d’un processus politique biaisé, non réellement concurrentiel et sans vaste assise populaire. A l’issue des élections de décembre – janvier, un nouveau régime militaire est appelé à s’installer aux commandes. Aux vues du déroulement des événements, le général Min Aung Hlaing donne le sentiment de vouloir se succéder à lui-même. Il emplit tout l’espace médiatique national et laisse dire qu’il est disposé depuis 2014 à assumer les fonctions suprêmes si on lui demande.

 

La première phase de la campagne électorale close le 26 décembre a mis en lumière un public qui n’a manifestement pas envie de voter

 

L’appétence électorale n’a pas évolué d’un iota depuis l’annonce de la première échéance de votation le 18 août. Pas d’atmosphère politique vibrante ! Les citoyens ne se sont pas appropriés le processus imposé. Dans tout le pays, on constate un même manque d’entrain et de soutiens actifs du public. Le scrutin se déroulant en trois phases temporelles, il sera intéressant de mesurer si le taux participation enregistré le 28 décembre sera le même les 11 et 25 janvier. Selon toute vraisemblance, il fléchira dans la dernière ligne droite. Les électeurs appelés aux urnes en dernier ressort ont en effet appris très tardivement (25 décembre) la date à laquelle ils sont convoqués aux urnes.

 

Mais afin d’éviter un décrochage trop visible du seuil de participation lors des deuxième et troisième votations, le régime militaire a fait en sorte de consulter en dernier près de 40 % des circonscriptions de la province de Rangoun, soit plus du quart de toutes les subdivisions restantes. Il n’en demeure pas moins une inégalité de traitement flagrante entre les candidats et entre les territoires puisque la Commission électorale de l’Union (UEC) a fait connaître les 102 circonscriptions du premier tour 129 jours avant les scrutins, la centaine suivante 74 jours auparavant et les 63 dernières seulement 31 jours avant le dépôt des bulletins de votes par voie électronique. Un manquement démocratique parmi bien d’autres !

 

La campagne est aussi tronquée par l’absence de grands meetings nationaux. Les réunions se déroulent le plus souvent à l’échelle des quartiers ; sans ostentation. Les personnes sont invitées à se rendre aux rassemblements en toute discrétion, sans banderole, ni signe distinctif de parti. Une manière d’opérer qui nourrit coercition et corruption.

 

Les incitations à se rendre aux urnes relèvent plus de l’intimidation que de l’enthousiasme partisan

 

De nombreux électeurs se sentent obligés de voter mais ils ne savent pas pour qui, si ce n’est incidemment pour le parti de l’armée du fait de votes qui seront enregistrés par une machine électronique dans laquelle ils n’ont aucune confiance. Pour mémoire, cet outil ne permet pas de vote blanc. Dans un tel contexte, aller à l’urne ne veut pas dire que l’on s’intéresse au résultat du scrutin. Même les candidats ne sont pas libres de leurs choix et de leurs propos.

 

2 % d’entre eux ont d’ailleurs vu leur autorisation à concourir retirée depuis le 26 octobre, début de la campagne électorale. Sur le plan matériel, le pays s’est peu couvert d’affiches. Les cortèges de rues se sont fait rares, tout comme les distributions de tracts dans les rues et les porte-à-porte des candidats et de leurs soutiens. On n’a pas non plus constaté un regain d’expressions militantes dans les dernières heures de campagne. Le régime s’en inquiète car il sait que le taux de participation à l’urne constituera une jauge pour nombre d’observateurs (inter)nationaux. C’est pourquoi, en autre novation, on a vu apparaître sur les devantures des magasins, des restaurants et les lampadaires des invites à voter. Du jamais vu jusqu’ici ! Par le passé, les électeurs se sont en effet massivement rendus d’eux-mêmes aux urnes ; en particulier en 1990, 2015 et 2020.

 

Au fond, la guerre civile a anesthésié les énergies, bien plus que la rémanence du COVID-19 lors des dernières élections générales en novembre 2020. Les rivalités partisanes se sont jouées à leur minimum. Les formations les plus « distantes » de l’armée se sont faites extrêmement prudentes dans leurs expressions, de peur de voir leurs candidats poursuivis et dénoncés par des informateurs à la solde de la junte. Contrairement aux deux éditions électorales antérieures, aucune grandiloquence dans les propositions. La présence massive de forces de sécurité armées lors des rassemblements, même de tailles modestes, a également découragé la participation du public. Dès lors, rien de festifs non plus.

 

Le militantisme partisan s’est éteint. On assiste à une campagne morne, sans relief et sans débats contradictoires. Elle est figée comme les panneaux des candidats dans l’espace public. Pour tout dire, les électeurs font comme si la campagne n’existait pas. Dans bien des cas, les citoyens ne connaissent ni les candidats en lice, ni leurs programmes, ni la date de leur consultation. Aucun projet collectif de société ne peut sortir d’un tel processus politique. Il est bien loin le temps où les citoyens affichaient fièrement leur préférence partisane et se mettaient en scène comme électeur responsable, en particulier en ayant vérifié attentivement leur inscription et celle des leurs sur les listes électorales. Aujourd’hui, pas d’électeurs fiers d’afficher leur doigt encré après avoir accompli leur devoir civique.

 

Les candidats du Parti de la solidarité et du développement de l’Union (USDP) font campagne sous haute sécurité

 

Leurs messages ne portent pas dans l’opinion. Il en est de même pour ceux véhiculés par le général Min Aung Hlaing. Ces derniers temps, le chef de l’État par intérim s’est employé en vain à dire que refuser de voter, c’est s’en prendre à la démocratie. De tels propos n’ont aucun effet de mobilisation. Les électeurs potentiels voient dans les élections générales une manœuvre visant à permettre à l’encadrement supérieur de l’armée de s’enkyster durablement au pouvoir et d’en tirer pour leurs familles de confortables subsides.

 

A défaut d’avoir eu une campagne pro-active dans l’espace public, c’est dans l’aire numérique que les candidats tentent de se faire entendre, y compris via Facebook pourtant vilipendé par le régime militaire. Elle se mène également à coups de donations. Pour venir aux manifestations partisanes, les administrateurs locaux financièrement intéressés distribuent des goodies arborant logos et slogans partisans mais surtout ils se font les relais de l’obtention d’indemnités journalières de mobilisation, de colis, de nourritures, de carburants pour les motos, de vêtements voire de rétributions d’une valeur de quelques milliers de kyats.

 

Les relais de l’armée peuvent aller plus loin encore en promettant aux plus jeunes des électeurs sursis ou exemptions au service militaire s’ils viennent aux rencontres publiques. Les autorités le nient mais les témoignages sont là pour en attester.

 

Pour couvrir les événements publics de la campagne, les « journalistes » locaux sont même rétribués plus ou moins grassement. Le recours à ces subterfuges pour mettre en scène une mobilisation fictive dénote aussi des partis politiques en manque de militants. Les encartés affichés auprès de l’UEC pour l’enregistrement légal des formations politiques (depuis août 2025, au minimum 50000 partisans pour les partis nationaux et 1000 pour les partis provinciaux) n’existent à vrai dire que sur le papier. Quant à ceux qui existent réellement, ils n’en sont pas moins rétifs à s’afficher publiquement. Il en va, il est vrai, de leur sécurité et de celle de leurs proches.

 

Ces élections seront chaotiques

 

La junte militaire manie le bâton électoral. Lors des votes par anticipation des étudiants et des travailleurs migrants elles se sont pourtant manifestées sans détour. Dans nombre des 50 ambassades et missions diplomatiques où se sont déjà déroulés les votes, des menaces sur les non-renouvellement des passeports ont été proférées si les citoyens se refusaient à voter, sans la moindre réaction des pays hôtes. On ne s’émeut pas plus de ne pas savoir aujourd’hui les dates du dépouillement et de la publication des résultats.

 

On ne sait pas plus quand le parlement se réunira pour élire son président, prémices aux choix d’un nouveau triumvirat à la présidence de la République et d’un nouveau gouvernement. On sait seulement que cela doit intervenir constitutionnellement dans les 90 jours suivant le début des élections, soit au plus tard le 28 mars voire le 25 avril. Enfin, on relève à peine que seuls 30 % des circonscriptions auront des bureaux de vote dans tous leurs townships.

 

Mais la dérive la plus dommageable du processus électoral aura été de voir l’appareil d’État mobilisé à des fins partisanes. Faute de militants, les administrateurs locaux font pression sur les résidents pour se rendre aux réunions de l’USDP, y compris quand celles-ci se tiennent dans des monastères alors même que les moines n’ont pas constitutionnellement de droit de vote. De même, c’est l’appareil d’État qui a lancé une campagne agressive pour inciter les électeurs à voter, imposant affichettes aux commerçants et en mobilisant souvent contre leur gré stars de cinéma, musiciens et artistes. La junte craint un échec électoral et dépense sans compter.

 

Le régime militaire a également la main lourde judiciairement. Si l’opposition parvient ici ou là à placarder des affiches anti-électorales, et à distribuer des tracts hostiles aux consultations de la junte et aux candidats accusés d’être des terroristes et des traitres, les autorités répondent, tout au moins en milieux urbains, en diffusant des avertissements rappelant les lourdes sanctions susceptibles de frapper les contrevenants à la bonne tenue des scrutins et en arrêtant ceux-ci.

 

Près de 400 au cours des cinq mois qui ont suivi l’entrée en vigueur de la loi sur la protection des élections. Mais au final, cette procédure électorale d’un multipartisme de façade ne vaut pas légitimité. Le régime militaire par la voix du général Zaw Min Tun aura beau dire que ces élections sont faites pour les Birmans et non pour les étrangers, elles ne bénéficient ni d’un soutien populaire dimensionnant, ni de celui d’une bonne partie de la communauté internationale.

 

François Guilbert

 

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