Une chronique siamoise et gastronomique
Il est des plats qui racontent un pays mieux qu’un long discours. Le khao hor bai bua (ข้าวห่อใบบัว), littéralement « riz enveloppé de feuille de lotus », appartient à cette catégorie discrète mais éloquente de la cuisine thaïlandaise ancienne. Un mets rare aujourd’hui, presque effacé des cartes de restaurants, mais qui porte encore en lui la mémoire des chemins, des voyages et d’un art de vivre profondément lié à la nature.
Autrefois, lorsque l’on parcourait le royaume à pied, en barque ou à dos d’éléphant, il fallait emporter de quoi se nourrir simplement. La feuille de lotus s’imposait alors comme une évidence : solide, parfumée, naturellement protectrice. Elle conservait le riz, l’imprégnait d’un arôme délicat et transformait un repas nomade en moment de réconfort.
Le khao hor bai bua est un plat modeste en apparence, mais riche dans sa composition
Le riz y est mêlé à du porc, de la saucisse chinoise, des champignons, des crevettes séchées, du jaune d’œuf salé et des graines de lotus, le tout relevé d’épices traditionnelles. Enveloppé dans la feuille, il est d’abord cuit à la vapeur, puis légèrement sauté. À l’ouverture, les parfums se libèrent, profonds, presque boisés, rappelant que la cuisine thaïlandaise sait être subtile sans jamais être ostentatoire.
Aujourd’hui, le khao hor bai bua se fait rare. On le retrouve parfois dans quelques tables attachées aux recettes d’antan ou lors de fêtes culturelles, comme un clin d’œil au passé. Sa disparition progressive dit aussi quelque chose de l’évolution des modes de vie et de la standardisation des goûts.
Mais tant qu’il existera des cuisiniers pour le préparer et des convives pour le reconnaître, ce riz enveloppé de feuille de lotus continuera de témoigner d’une Thaïlande plus lente, plus artisanale, où la cuisine était autant un savoir-faire qu’un lien intime entre l’homme et son environnement.
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