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BIRMANIE – POLITIQUE : La junte a échoué à mobiliser pour le premier tour de ses élections

Date de publication : 30/12/2025
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Une chronique de la situation en Birmanie par François Guilbert

 

Le 28 décembre, de 6H00 à 16h00, les bureaux de vote implantés pour les élections générales de la junte ont été ouverts aux citoyens. Sur le papier, les électeurs de 30 % des circonscriptions nationales ont été appelés aux urnes ce jour. Mais derrière ce chiffre se cache une absence de lieux de votation dans nombre de villages, de quartiers et de townships.

 

En dernière minute, le 27 décembre, la Commission électorale de l’Union (UEC) a même annoncé 9 nouveaux arrondissements privés de scrutins (État Rakhine : 4, État Chin : 3, Région de Sagaing : 2), soit une augmentation de 16% du nombre des circonscriptions où l’expression électorale s’avère impossible pour des raisons de sécurité. Mais de manière plus générale, si on en croit les chiffres officiels, c’est le nombre de bureaux de vote installés dans le pays, d’une élection à l’autre, qui s’est effondré : -46 % de 2020 à 2026. A cette réalité territoriale s’est ajoutée le Jour J des machines électroniques (MEVM) en panne et ponctuellement des violences ayant poussé les électeurs à rester chez eux.

 

Le premier tour des élections aura été l’occasion de voir s’opposer deux récits politiques

 

Du côté de la junte, il s’est agi d’afficher un vote tenu dans le calme et l’ordre. A ses yeux et à l’échelle des 102 circonscriptions mobilisées, le 28 décembre a été un succès technique, procédural et populaire. Pour reprendre le slogan de l’UEC, on assisterait « D’une élection crédible à un nouvel État démocratique ». A contrario, du côté des oppositions à la junte, on dénonce images à l’appui un simulacre électoral. Aux images de queues devant les bureaux de vote répondent des clichés de bureaux vides, à proximité desquels des déploiements ostentatoires de forces de l’ordre, parfois des routes barrées et des cortèges de manifestants (ex. Etat Môn, région de Sagaing).

 

L’opposition véhicule aussi volontiers des témoignages de votes contraints pour éviter de voir un fils appelé sous les drapeaux, des jeunes interdits de passer des examens, de voyager à l’étranger, de perdre son emploi et les avantages matériels afférents pour les fonctionnaires (huile de cuisson, riz) voire de devoir payer des amendes aux fonctionnaires locaux. Rumeurs et coercitions se sont mêlées allègrement et ont été largement diffusées via les réseaux sociaux.

 

24 heures après la première phase des scrutins, il demeure une grande incertitude sur le nombre réel des votants

 

Selon les autorités, dimanche 28 décembre, 24,26 millions d’électeurs étaient concernés par le vote. Ce chiffre paraît bien élevé au regard des données démographiques connues et d’un corps électoral jusqu’ici évalué dans son ensemble à quelques 37 millions de citoyens. A cette bizarrerie s’en sont ajoutées bien d’autres.

 

Les inscrits sur les rôles électoraux de la province – capitale auraient, par exemple, quasiment doublés en cinq ans (909 832 personnes éligibles). Certes, la déstabilisation du pays a conduit nombre de fonctionnaires à relocaliser leur famille à Nay Pyi Taw pour plus de sécurité mais plusieurs milliers d’entre eux ont également quitté la capitale pour (re)venir à Rangoun après le tremblement de terre du printemps et la réinstallation de plusieurs ministères.

 

Mais au-delà de ces anomalies, il ne fait aucun doute que le taux de participation est très en deçà des expériences électorales passées et, peut-être aussi, des espoirs de la junte. Aucun chiffre n’a été donné. En attendant de connaître sa mesure « officielle », pas sûr que cette désaffection soit liée, comme l’a expliqué devant les caméras le général Min Aung Hlaing, à un défaut de compréhension de la démocratie par les citoyens. Bien au contraire ! Il va donc falloir attendre pour connaître avec plus de précisions l’ « enthousiasme » des électeurs dépeint par les thurifères de junte.

 

A ce stade, les premiers résultats sont annoncés dans les bureaux de vote mais ils ne sont pas publiés de manière agrégée par l’UEC. Un manque qui accentue le flou sur le taux de participation réel. Il pourrait bien s’avérer au minimum de -40 à -50 % par rapport à 2020. Pour autant, ce déficit de votants ne semble pas devoir troubler les quelques observateurs électoraux invités par le régime militaire.

 

La junte n’a pas réussi à mobiliser un grand nombre de scrutateurs étrangers

 

Les États qui se sont prêtés au jeu, sont des soutiens historiques des généraux putschistes ; au premier rang desquels figurent la Russie et la Chine. En effet, les deux pays ont dépêché pour l’occasion des délégation politiques de haut niveau. Du côté moscovite, c’est le vice-président touvain de la Douma, Sholban Kara-Ool, qui a fait le voyage. Pékin a, elle, missionné son Envoyé spécial pour les affaires asiatiques de Pékin, l’ambassadeur Deng Xijun.

 

Parmi les autres témoins, on relèvera des officiels de pays n’ayant même pas de diplomates résidant en Birmanie (ex. Belarus, Kazakhstan, Nicaragua). A ceux-ci, il faut ajouter des diplomates de l’ASEAN en poste à Rangoun, deux délégations venues de pays voisins (Cambodge, Vietnam) et un général indien à la retraite. Autant dire, un très petit nombre d’États ; pas de quoi démontrer un large soutien international à l’évènement du jour.

 

Au demeurant que des hommes chefs de délégation, mais auprès desquels la junte n’a pas manqué de souligner que ses scrutins, grâce à l’introduction de la proportionnelle, ont offert la possibilité à 1 183 femmes de se présenter (24,3% des candidats), soit bien plus qu’en 2020 (+30,2%) et en 2015 (+48%). Pas certain néanmoins que l’argument du genre et le changement des modalités de désignation des élus donnent un plus démocratique à une votation organisée aux sons du canon et à la pointe des fusils.

 

Les observateurs étrangers se sont avérés des marionnettes complaisamment mises en scène. Ils ont rempli leur vocation laudatrice du général Min Aung Hlaing. Les personnalités les plus éminentes ont été jusqu’à accompagner le chef de l’État par intérim dans sa tournée d’inspection des bureaux de vote de la capitale. Devant les journalistes (inter)nationaux, ils ont d’une seule voix souligné le « soutien international aux efforts de la Birmanie visant à tenir des élections démocratiques multipartites, libres, équitables, transparentes et dignes » selon leurs termes grandiloquents.

 

Le « monitoring » étranger de la votation a été très limité, 6 bureaux de vote selon les comptes-rendus officiels, mais surtout extrêmement encadré

 

Tous les bureaux de vote ont été visités en groupes ; ce qui ne s’est pas pratiqué lors des derniers scrutins. Très concrètement, les intéressés ont été répartis dans leur visite de la capitale par ordre de séniorité en deux collèges. Le premier a été accompagné par le président de la Commission électorale de l’Union (UEC), le second plus modestement par le chef du protocole du ministère des Affaires étrangères.

 

Arrivées peu avant la consultation électorale, les délégations n’ont pas eu à connaître les préparatifs électoraux, ont dû se contenter de briefings généraux et de quelques entrevues. Cette fois-ci, aucune observation de longue durée n’a été autorisée. Invités à un dîner d’État en leur honneur le 28 décembre, les témoins étrangers n’ont pas eu non plus le temps d’assister longuement aux procédures de dépouillement. Or dans certains bureaux de vote, celles-ci ont donné lieu à des contestations, notamment des votes par anticipation.

 

Dans plusieurs lieux, le décompte s’est même tenu en l’absence des représentants des partis en lice. Face à de telles carences, reste à savoir combien de recours vont être déposés devant l’UEC dans les jours qui viennent et comment ils seront jugés. Mais de ces défaillances, aucune trace dans les comptes-rendus officiels ou les messages pro-junte sur les réseaux sociaux. Pour mémoire, toute critique des élections peut valoir à son auteur jusqu’à près d’un demi-siècle de condamnation pénale. Le président de la Commission d’État pour la sécurité et la paix (SSPC) a donc pu apparaître en majesté toute la journée de vote.

 

Le 28 décembre a donné l’occasion au général Min Aung Hlaing de parader devant les caméras toute la journée

 

En civil, le numéro 1 de la junte a glissé tôt dans la matinée son bulletin dans l’une des urnes du ward d’Anawwratha (township de Zeyathiri) mais dans l’enceinte hypersécurisée du commandant-en-chef des services de défense de Nay Pyi Taw. Après avoir affiché son index empreint d’encre violette aux photoreporters, le général Min Aung Hlaing s’est mis en scène comme le superviseur en chef des scrutins de la capitale. Une mission d’inspection des bureaux de vote, sans contacts prolongés avec les fonctionnaires mobilisés et les électeurs présents. Il s’agissait de véhiculer l’image d’un serviteur de l’État ne faisant que son travail d’aide à la « transition démocratique ».

 

Se prêtant pour une fois à une interview avec un pool de journalistes, y compris étrangers, il a répondu de bonne grâce à celui qui l’interrogeait sur son avenir. Aux yeux du putschiste, ce sera aux parlementaires élus de choisir le moment venu le nouveau chef de l’État. Le général Min Aung Hlaing ne serait, lui, ni un politicien, ni un chef de parti et donc un homme peu libre de ses propos et de ses actions. Il n’empêche que le généralissime n’est certainement pas mécontent de voir son parti favori (USDP) faire, semble-t-il, un premier grand chelem à Nay Pyi Taw (8 townships) ; même si pour cela il a fallu organiser le transport des fonctionnaires vers leur bureau de vote.

 

Mais au fond qui le saura en Birmanie, si ce n’est quelques électeurs seulement ? Certes, les journalistes étrangers ayant reçu une accréditation exceptionnelle pour le 28 décembre feront état comme dans les colonnes de New York Times ou sur les ondes de la BBC et de RFI, des nombreux biais de la votation mais l’impact de leurs propos seront bien limités sur le sol national et dans les pays tiers.

 

Le général Min Aung Hlaing peut donc clamer le succès de la première phase de ses élections et donner le sentiment qu’il poursuit sa tâche de relèvement économique et social de la nation

 

Il s’y est d’ailleurs employé quelques heures après avoir fait son devoir civique en effectuant une visite d’inspection médiatique à la garde centrale de Nay Pyi Taw pour évoquer les améliorations à venir des transports publics. Mais il n’en compte pas moins sur le soutien de ses observateurs étrangers pour l’adouber urbi et orbi pour son scrutin. A vrai dire, une attente cocasse pour le chef d’un régime militaire proclamant que les votes des 28 décembre, 11 et 25 janvier ne sont pas pour plaire à des pays tiers mais qui se garde bien d’avoir autorisé des observateurs indépendants parmi ses citoyens et ses organisations de la société civile. Pourtant, elles ont démontré depuis plus de dix ans de vrais savoir-faire en la matière.

 

François Guilbert

 

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