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ASIE – DIPLOMATIE : Le désarmement est-il encore une option dans un monde en guerre ?

Journaliste : Dr Ioan Voicu Date de publication : 05/11/2022
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Notre ami Ioan Voicu, ancien Ambassadeur de Roumanie en Thaïlande, aime la diplomatie et les paradoxes. La preuve ? Il croit encore possible le désarmement, comme le prouve selon lui un récent document de l’ONU cosigné par la Thaïlande, le Vietnam et l’Indonésie.

 

Par Ioan Voicu

 

Remarques introductives

 

La présente session de l’Assemblée générale des Nations Unies (AGNU) traite cette année d’un large éventail de questions relevant du domaine du désarmement.

 

Sous le titre officiel : “Désarmement général et complet”, le sous-titre le plus important est intitulé “Impératifs éthiques pour un monde exempt d’armes nucléaires”.

 

La liste des coauteurs du projet de résolution sur ce sujet est nombreuse, comprenant des pays de tous les continents : Afrique du Sud, Algérie, Autriche, Brésil, Chili, Colombie, Costa Rica, Égypte, Équateur, Guatemala, Guinée équatoriale, Indonésie, Irlande, Lesotho, Mexique, Nicaragua, Nigeria, Nouvelle-Zélande, Philippines, République dominicaine, Thaïlande, Vietnam et Zimbabwe

 

A noter la présence de quatre membres de l’ASEAN parmi la liste des co-sponsors : Indonésie, Philippines, Thaïlande et Vietnam.

 

Ce coparrainage est également conforme au Traité sur la zone exempte d’armes nucléaires de l’Asie du Sud-Est, connu sous le nom de Traité SEANWFZ ou Traité de Bangkok, signé le 15 décembre 1995 par tous les États de l’ASEAN et entré en vigueur le 27 mars 1997.

 

Le Traité est un instrument juridique régional clé pour soutenir les objectifs de l’ASEAN, qui, tels qu’énoncés dans la Charte de l’ASEAN, incluent la préservation de l’Asie du Sud-Est en tant que zone exempte d’armes nucléaires et exempte de toutes les autres armes de destruction massive. Il réaffirme également l’importance du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires pour prévenir la prolifération des armes nucléaires et contribuer à la paix et à la sécurité internationales.

 

Concepts fondamentaux

 

Nous analyserons ce document diplomatique  Impératifs éthiques pour un monde exempt d’armes nucléaires, en utilisant la version française officielle du projet de résolution diffusé par les sponsors énumérés ci-dessus.

 

La première section du préambule du projet commence par rappeler le fait bien connu que la communauté internationale est tenue, individuellement et collectivement, de ne ménager aucun effort pour promouvoir l’impératif éthique d’une « liberté plus grande », de sorte que tous les peuples autorisés à vivre à l’abri du besoin, à l’abri de la peur et dans la dignité.

 

Le préambule réaffirme que l’UNGA est convaincue que, compte tenu des conséquences humanitaires catastrophiques qu’aurait l’explosion d’une arme nucléaire et des risques qui y sont associés, les États Membres considèrent  depuis longtemps le désarmement et la non-prolifération nucléaires comme des impératifs éthiques pressants et interdépendants nécessaires à la réalisation des objectifs de la Charte des Nations Unies.

 

Un élément historique intéressant est évoqué dans ce contexte. En effet, la toute première résolution de l’UNGA, adoptée le 24 janvier 1946, était censée aider à supprimer des armements nationaux les armes atomiques et toutes autres armes lourdes permettant des destructions massives.

 

Une référence appropriée est faite dans ce contexte aux conséquences humanitaires catastrophiques qu’aurait une explosion nucléaire et les risques qui y sont associés ; l’emploi d’armes nucléaires causerait à l’humanité des souffrances sans discrimination et constitue, en tant que tel, une violation de la Charte, des lois de l’humanité et du droit international1 , la condamnation de la guerre nucléaire comme contraire à la conscience humaine et comme une atteinte au droit fondamental à la vie.

 

En outre, une mention spécifique est faite de la menace que l’existence d’armes nucléaires représente pour la survie même de l’humanité, les effets dangereux pour l’environnement de l’emploi des armes nucléaires, et les préoccupations exprimées quant au fait que l’on continue de financer la mise au point d’armes nucléaires et l’entretien des arsenaux existants.

 

La composante juridique et diplomatique du sujet traité dans le projet n’est pas ignorée mais fortement soulignée.

 

L’AGNU prend acte du préambule et de l’article VI du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires et de l’avis consultatif de la Cour internationale de Justice sur la licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires , dans lequel la Cour a conclu à l’unanimité qu’il existe une obligation de poursuivre de bonne foi et de mener à terme des négociations conduisant au désarmement nucléaire sous tous ses aspects, sous un contrôle international strict et efficace.

 

Mention particulière est également faite de la Déclaration du Millénaire (8 Septembre 2000), dans laquelle les chefs d’État et de gouvernement ont décidé de travailler à l’élimination des armes de destruction massive, notamment les armes nucléaires, et de n’écarter aucune solution possible pour parvenir à cet objectif, notamment la convocation d’une conférence internationale visant à définir les moyens d’éliminer les dangers nucléaires.

 

L’AGNU s’inquiète pour des raisons valables qu’en dépit de la considération qu’elle accorde depuis longtemps à ces impératifs éthiques et des nombreux efforts consacrés à la non-prolifération nucléaire, peu de progrès ont été faits dans le respect des obligations en matière de désarmement nucléaire, indispensable à l’instauration d’un monde exempté à jamais d’armes nucléaires, qu’exige la communauté internationale.

 

Le ton du document à l’examen devient encore plus critique en rappelant expressis verbis que l’UNGA déplore l’absence de progrès en ce qui concerne la tenue de négociations multilatérales sur le désarmement nucléaire à la Conférence du désarmement, malgré les efforts incessants des États Membres à cette fin.

 

Sur une note positive, l’UNGA constate avec satisfaction que, depuis 2010, les conséquences humanitaires catastrophiques que pourraient entraîner les armes nucléaires et les risques qui y sont associés suscitant de la part des États Membres et de la communauté internationale une meilleure prise de conscience , un regain d’attention et une dynamique croissante, qui deviennent les impératifs éthiques pour le désarmement nucléaire et soulignent la nécessité urgente d’instaurer un monde exempt à jamais d’armes nucléaires et de mettre en œuvre toutes les autres initiatives internationales connexes.

 

De plus, un autre développement juridique important est cité : l’adoption, le 7 juillet 2017, du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires , dans lequel les impératifs éthiques pour le désarmement nucléaire sont reconnus. Il est également fait mention de l’ entrée en vigueur du Traité le 22 janvier 2021, et de la tenue, du 21 au 23 juin 2022 à Vienne, de la première Réunion des États Parties au Traité sur l’interdiction des armes nucléaires.

 

Enfin, l’UNGA se déclare « Consciente de la validité absolue de la diplomatie multilatérale dans le domaine du désarmement nucléaire et peut promouvoir le multilatéralisme indispensable aux négociations sur le désarmement”.

 

Un vibrant appel à l’action

 

Après ce long préambule, le projet de résolution se poursuit par 6 paragraphes opératoires par lesquels l’AGNU s’engage tout d’abord à tous les États à reconnaître les conséquences humanitaires catastrophiques qu’aurait une explosion nucléaire et les risques qui y sont associés, que l’explosion résulte d’ un accident, d’une erreur d’appréciation ou d’un acte intentionnel.

 

Après ce ferme appel adressé à tous les pays, l’UNGA « Prend note des impératifs éthiques pour le désarmement nucléaire et de la nécessité pressante d’instaurer un monde exempt à jamais d’armes nucléaires, qui serait un bien public des plus précieux, serviteur des intérêts de la sécurité nationale et collective » .

 

Vient ensuite une déclaration composite reproduite ci-dessous in extenso disant :

 

« a) La menace mondiale que constituant les armes nucléaires doit être éliminée de toute urgence ;
b) Les débats, décisions et mesures concernant les armes nucléaires doivent porter avant tout sur les effets que ces armes peuvent avoir sur les êtres humains et sur l’environnement et tenir compte des souffrances indicibles et intolérables qu’elles peuvent causer ;
c) Une attention accrue doit être portée aux effets qu’une explosion nucléaire pourrait avoir sur les femmes et à l’importance de leur participation aux débats, décisions et mesures concernant les armes nucléaires ;
d) Les armes nucléaires compromettent la sécurité collective, augmentent le risque d’une catastrophe nucléaire, exacerbent les tensions internationales et produisent tout conflit plus dangereux ;
e) Tous les arguments en faveur du maintien des armes nucléaires nuisent à la création du désarmement nucléaire et du régime de non-prolifération ;
f) Les plans à long terme de modernisation d’arsenaux d’armes nucléaires vont à l’encontre des engagements et obligations de procéder au désarmement nucléaire et font penser que certains États en possèdent indéfiniment ;
g) Dans un monde où les besoins essentiels de l’être humain n’ont pas encore été satisfaits, les ressources considérables consacrées à la modernisation des arsenaux d’armes nucléaires pourraient être réaffectées à la réalisation des objectifs de développement durable1 ;
h) Étant donné les incidences humanitaires que pourraient avoir les armes nucléaires, il est inconcevable que tout emploi de celles-ci, quelle qu’en soit la cause, puisse être compatible avec les règles du droit international humanitaire et du droit international, les lois morales ou les exigences de la conscience publique ;
i) Étant donné qu’elles frapperaient sans discrimination et pourraient anéantir l’humanité, les armes nucléaires sont intrinsèquement immorales.»

 

Dans la dernière partie du dispositif du document, l’UNGA note que « tous les États responsables ont le devoir solennel de prendre des décisions visant à protéger leur population et les autres États des ravages d’une explosion nucléaire et que le seul moyen de le faire est d’éliminer totalement les armes nucléaires ».

 

Conclusion

 

Dans le même contexte, l’AGNU souligne que tous les États ont une responsabilité morale partagée de prendre résolution et de toute urgence, avec l’appui de toutes les parties concernées, les mesures concrètes nécessaires à l’élimination et à l’interdiction de toutes les armes nucléaires, y compris des mesures juridiques contraignantes, compte tenu des conséquences humanitaires catastrophiques que pourraient entraîner ces armes et des risques qui y sont associés.

 

Le dernier paragraphe du dispositif est de nature procédurale. Elle annonce la décision de l’UNGA d’inscrire à l’ordre du jour provisoire de 2023 la question intitulée « Impératifs éthiques pour un monde exempt d’armes nucléaires ».

 

Une résolution similaire sur le même sujet a été adoptée le 6 décembre 2021, mais elle n’a pas pu être approuvée par consensus. Elle a recueilli 135 voix pour, 37 contre et 14 abstentions.

 

Dans une évaluation réaliste de l’atmosphère politique à l’AGNU en 2022, aucun consensus ne peut être anticipé lors de sa session actuelle pour l’adoption du projet de résolution présenté dans ces pages. Ce serait une preuve supplémentaire convaincante du fait que  des efforts diplomatiques et politiques sont nécessaires pour concrétiser le noble rêve d’un monde exempt d’armes nucléaires.

 

Dans cette perspective responsable, il convient de reconnaître dûment la valeur de l’aspiration des pays de l’ASEAN parties au Traité de Bangkok de 1995 cité ci-dessus qui se sont déclarés déterminés à prendre des mesures concrètes qui contribueront au progrès vers le désarmement général et complet des armes nucléaires, et à la promotion de la paix et de la sécurité internationales.

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