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ASIE – FRANCE : Décryptage de la tournée asiatique d’Emmanuel Macron

Date de publication : 04/06/2025
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Macron en Indonésie

 

Gavroche est un média d’actualité, mais nous avons aussi le recul indispensable pour juger de la portée des événements. Alors, quel bilan tirer de la visite d’Emmanuel Macron en Asie ? Notre collaborateur François Guilbert répond…

 

À lire absolument !

 

Gavroche : Quelle importance faut-il accorder au voyage du président Emmanuel Macron en Asie du Sud-Est du 26 au 30 mai ?

 

François Guilbert : Sur le plan protocolaire, il s’est agi de trois visites d’État successives. Tout d’abord avec la République socialiste du Vietnam les 26 et 27 mai, puis la République d’Indonésie les 28 et 29 et enfin la République de Singapour les 29 et 30 mai. Une première dans l’histoire des déplacements présidentiels dans la région. Cette marque d’honneur et d’apparat est en partie liée à l’histoire et aux engagements de la France en Asie du Sud-Est. Sur le plan mémoriel, l’année 2025 est, ne l’oublions pas, celle du cinquantième anniversaire des relations avec un Vietnam réunifié, du 60ᵉ anniversaire des relations diplomatiques avec Singapour et du 75ᵉ des relations diplomatiques avec l’Indonésie.

 

Vis-à-vis du chef de l’État Emmanuel Macron, elle constitue également un geste de considération à sa personne. Depuis 2018, le président de la République s’est fait l’avocat d’une redéfinition de la politique française voire européenne dans la région. Promoteur du concept indo-pacifique, il a accordé une place de choix, une certaine « centralité » à l’ASEAN, dans la mise en place des stratégies qui en découlent. Son approche novatrice lui a valu d’être invité à prendre la parole à Bangkok devant les chefs d’État et de gouvernement du Forum de coopération économique Asie-Pacifique (APEC) en novembre 2022 puis, il y a quelques jours, à Singapour en ouverture du 22ᵉ Dialogue du Shangri-La, la conférence annuelle rassemblant les acteurs majeurs de la sécurité régionale (ministres de la Défense, chefs d’état-major, patrons de services de renseignements, analystes de think tanks). Dans ces deux enceintes, aucun autre dirigeant européen n’avait participé jusqu’ici.

 

Gavroche : Au-delà des relations bilatérales avec le Vietnam, l’Indonésie et Singapour, le déplacement d’Emmanuel Macron est-il une marque d’intérêt accru de la France pour l’ASEAN ?

 

FG : L’attention croissante portée à l’ASEAN tient, en premier lieu, au développement des relations bilatérales avec ses États membres. Le communiqué conjoint avec le Vietnam, la déclaration « Horizon 2050 » adoptée avec l’Indonésie ou encore les propos tenus lors de la conférence de presse avec le Premier ministre singapourien Lawrence Wong en ont témoigné. Ce séjour sud-est asiatique est également l’occasion de marquer une attention à l’ASEAN dans son ensemble, non seulement par le nombre des étapes (3) et par une tournée qui, pour la première fois, pour un dirigeant français, prend en compte l’Asie du Sud-Est continentale, « indochinoise », et l’Asie du Sud-Est maritime, archipélagique.

 

L’attachement de la France à l’ASEAN tient également à son soutien résolu au multilatéralisme ; un ordonnancement du monde par la coopération, des règles, le droit, une approche indispensable à l’heure où des puissances imposent leurs rapports de force, la coercition voire le recours aux armes. C’est pourquoi le président de la République a rencontré en marge de son déplacement à Jakarta le Secrétaire général de l’ASEAN, le Dr Kao Kim Hourn.

 

Je note que des relations particulièrement étroites se nouent avec lui. C’est une première avec l’ASEAN et c’est particulièrement marqué en cette année 2025. Fin mars, au siège de l’organisation régionale, le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot a discuté avec l’intéressé du Partenariat de développement France-ASEAN, de projets de coopération dans des domaines comme l’action humanitaire, la connectivité énergétique, les industries culturelles et créatives, la résilience des ports et des chaînes d’approvisionnement entre l’Asie et l’Europe. Ces échanges se sont poursuivis encore le 6 juin à Paris avec le ministre délégué chargé de la Francophonie et des Partenariats internationaux, M. Thani Mohamed-Soilihi.

 

L’ASEAN en tant qu’institution devient un partenaire à part entière de la France. C’est une dynamique politique et coopérative qui s’est enclenchée avec l’accession française au Traité d’amitié et de coopération de l’ASEAN en 2007. Là aussi, la France a fait preuve d’initiative et d’entraînement puisque Paris a été la première capitale européenne à adhérer à ce traité fondateur de l’Association des nations d’Asie du Sud-Est. Dans quelques années, en densifiant de manière volontariste et avec méthode ses relations de coopération et en nourrissant son dialogue politique avec les dix États membres de l’ASEAN, bientôt onze avec l’adhésion toute prochaine de la République démocratique du Timor-Oriental, la France peut espérer se voir reconnaître le statut de « partenaire de dialogue » de l’association régionale, à l’instar de l’Union européenne et de dix autres nations (ex. Australie, Chine, États-Unis, Inde, Japon, Russie). Ce statut lui permettrait de se faire mieux entendre en Asie du Sud-Est et plus largement en Asie.

 

Gavroche : À chacune des étapes de son voyage sud-est asiatique, Emmanuel Macron a appelé l’Asie à faire le choix d’une « troisième voie » entre les États-Unis et la Chine. Les dirigeants de la région ne semblent pas reprendre à leur compte ce lexique politique, est-ce à dire qu’il n’est pas entendu ?

 

FG : La France se veut actrice dans l’Indo-Pacifique. Le président E. Macron a d’ailleurs rappelé dans son discours d’ouverture au 22ᵉ Shangri-La Dialogue de Singapour que la France est un pays de la région, y est confronté aux mêmes défis que ses voisins et entend y agir en transparence et fiabilité pour la paix et l’équilibre. Il a également souligné avec force combien les défis rencontrés en Asie et en Europe sont connectés, non seulement en termes de sécurité mais également de croissance économique et de protection des biens publics mondiaux.

 

Face à l’érosion des alliances de long terme et aux menaces que font peser des puissances révisionnistes qui veulent (re)bâtir des sphères d’influence et de coercition, E. Macron a appelé à suivre des lignes d’autonomie stratégique et de construction de nouvelles alliances. Ce sont des efforts de longue haleine voire coûteux. Chacun les dit avec ses mots, son rythme, sa culture politique et stratégique.

 

Une chose est sûre : les compétitions de leadership produisent des tensions. Dès lors, l’autonomie stratégique, la défense des libertés d’appréciation et de décision, le souci des souverainetés sont des valeurs communes à protéger et à promouvoir pour un monde coopératif. Dans ce nouvel ordre à bâtir, chacun en Asie du Sud-Est a le désir de trouver sa propre voie. C’est ce qui est essentiel, notamment pour construire des alliances « positives » pour la stabilité régionale, des échanges économiques libres et ouverts.

 

Gavroche : Quelles suites peuvent être données au déplacement du président Emmanuel Macron ?

 

FG : Les voyages présidentiels, longs et lointains, sont rares. Ils se sont toutefois multipliés en Asie du Sud-Est depuis la présidence de Jacques Chirac (1995 – 2007). Au Vietnam, François Mitterrand est venu en 1993, Jacques Chirac en 1997 et 2004, François Hollande en 2016. En Indonésie, les visites ont été peu fréquentes bien que le rythme s’accélère ces dernières années : F. Mitterrand en 1986, F. Hollande en 2017 et E. Macron en 2022 pour le sommet du G20. À Singapour, Chirac s’y rend à trois reprises (1996, 2004, 2005) et F. Hollande une fois (2017).

 

En 2026, le président E. Macron est appelé à revenir dans la région. À son agenda figure d’ores et déjà le XXᵉ sommet de la Francophonie. Il est appelé à se tenir au Cambodge. L’année prochaine sera également l’occasion de commémorer le 60ᵉ anniversaire de l’emblématique discours du général de Gaulle au stade olympique de Phnom Penh, en pleine guerre américaine au Vietnam. Je ne doute pas qu’à cette occasion on évoque, à nouveau et parfois avec malice, la troisième voie proposée par le président français.

 

Par ailleurs, en 2026, la France présidera le G7. Il est devenu de tradition d’y associer à un segment du sommet des chefs d’État et de gouvernement de l’ASEAN, en la personne de sa présidence tournante. L’année prochaine, l’Association des nations d’Asie du Sud-Est sera conduite par les Philippines. Voilà une nouvelle opportunité de denses échanges franco-aséaniens qui se profilent. Mais d’ici là, d’autres échéances sud-est asiatiques s’annoncent. Le président de la République indonésienne, Prabowo Subianto, a été invité par son homologue français à assister à ses côtés au défilé du 14 juillet 2025. De plus, en 2025, la France et la Thaïlande célèbrent le 340ᵉ anniversaire de leur premier contact historique avec la mission diplomatique française menée en 1685 par le chevalier de Chaumont, envoyé par le roi Louis XIV au Royaume de Siam, alors dirigé par le roi Narai. Ce moment, tout comme celui du 170ᵉ anniversaire des relations diplomatiques entre la Thaïlande et la France en 2026, sont des occasions de visites croisées du plus haut niveau. À ces séjours s’ajoutent, bien qu’on y prête trop peu attention, une diplomatie téléphonique active. Avant qu’il ne soit l’hôte de Paris, Dato Seri Anwar Ibrahim, le Premier ministre malaisien, s’est entretenu le 21 février 2025 avec E. Macron, faisant suite à leur tête-à-tête au sommet du G20 de Rio de Janeiro en novembre 2024.

 

Toutes ces relations interpersonnelles régulières, quelle qu’en soit la forme physique, sont de la plus haute importance. A fortiori quand il s’agit de donner suite à des engagements politiques, à des manœuvres diplomatiques dans la gestion de crises (cf. Birmanie, Gaza, Ukraine) et de s’assurer du bon ordre des relations commerciales. Pour mémoire, la récente tournée en Asie du Sud-Est d’E. Macron s’est traduite par 26 milliards d’euros de contrats ou de projets. Cette manne mérite, pour le moins, d’être suivie dans sa mise en œuvre effective.

 

À ce titre, la qualité des échanges entretenus d’homme à homme avec les dirigeants d’Hanoï, de Jakarta et de Singapour et la confiance interétatique qu’ils peuvent générer revêtent d’autant plus d’importance qu’ils ont été conduits avec des personnalités qui viennent tout juste de prendre leur fonction. De surcroît, ils peuvent être appelés à demeurer quelques années au pouvoir : To Lam est le Secrétaire général du Parti communiste vietnamien depuis le 3 août 2024 ; le président indonésien Prabowo Subianto est en fonction depuis le 20 octobre 2024 ; quant à Lawrence Wong, il est le Premier ministre de la Cité-État, sorti victorieux de ses premières élections législatives (3 mai 2025).

 

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