Une chronique géopolitique d’Ioan Voicu, ancien ambassadeur de Roumanie en Thaïlande
La place de la Cour pénale internationale dans le système de justice universelle de 2025
Écrire sur la Cour pénale internationale en 2025, d’un point de vue juridique, diplomatique ou journalistique, n’est pas chose aisée, compte tenu des caractéristiques uniques de l’acte constitutif de cette institution. Ce texte aurait dû rendre justice au processus de codification du droit international, notamment au vu des efforts déployés pour universaliser ce droit, dans une période comme celle que nous traversons actuellement, marquée par des vulnérabilités, des perplexités et des discontinuités mondiales.
Pour mémoire, la CPI a engagé des poursuites en mars 2023 contre Vladimir Poutine pour crimes contre l’humanité. Elle a aussi ouvert une enquête sur le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, son ancien ministre Benny Ganz et deux leaders du Hamas (tués depuis à Gaza).
Le Statut de Rome est le traité fondateur qui a établi la Cour pénale internationale (CPI), basée à La Haye, en tant qu’institution permanente chargée de poursuivre les individus pour les crimes les plus graves de portée internationale : génocide, crimes de guerre, crimes contre l’humanité et crime d’agression. Adopté le 17 juillet 1998 et entré en vigueur le 1er juillet 2002, le Statut définit la compétence, le cadre et les procédures de la CPI, et accorde aux victimes des droits sans précédent de participer aux procédures.
En 2025, 125 pays sont parties au Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Parmi eux, 33 sont des États africains, 19 des États d’Asie-Pacifique (la Thaïlande n’en fait pas partie, tout comme l’Indonésie), 20 d’Europe de l’Est, 28 d’Amérique latine et des Caraïbes, et 25 d’Europe occidentale et autres États.
Les États-Unis ont signé le Statut de la CPI, puis l’ont retiré et ne sont donc pas parties. La Chine ne l’a jamais signé et n’est donc pas partie. La Russie a signé, puis a retiré sa signature et n’est donc pas partie.
L’application des mandats de la CPI reste fortement dépendante de la coopération des États, ce qui constitue une faiblesse fondamentale du Statut de Rome. La Cour ne dispose pas de son propre mécanisme d’application et doit s’appuyer sur les autorités nationales pour arrêter et transférer les suspects, exécuter les ordonnances de recouvrement d’avoirs ou partager les preuves – des tâches souvent entravées par la résistance politique, l’inefficacité ou le refus catégorique. D’autres complications apparaissent en raison de la non-ratification du Statut de Rome par de grandes puissances comme les États-Unis, la Russie et la Chine, ce qui limite considérablement la compétence et encourage le non-respect, tandis que les mécanismes de saisine du Conseil de sécurité de l’ONU restent soumis au veto politique. De nombreux États africains manquent de capacités institutionnelles, d’infrastructures juridiques ou de volonté politique pour appliquer efficacement la CPI.
Au-delà de l’application, la CPI est confrontée à des défis en matière de légitimité, d’impartialité, d’efficacité et de ressources. La Cour est fréquemment accusée de justice sélective, se concentrant de manière disproportionnée sur les accusés africains, ce qui a nourri des perceptions de partialité néocoloniale et a miné sa crédibilité internationale. De plus, les affaires ont tendance à traîner en longueur – certaines prenant plusieurs années –, ce qui sape la confiance des victimes et l’efficacité des procureurs. L’ingérence politique aggrave ces problèmes. En interne, la CPI est confrontée à des ressources financières limitées, à des priorités floues et à des problèmes de culture d’entreprise, autant de facteurs qui compromettent sa capacité à rendre une justice rapide et efficace, notamment pour les victimes dont la participation reste limitée et insuffisamment soutenue.
Les principales difficultés d’ordre juridique, politique et pratique sont liées à la mise en œuvre de l’article 27 du Statut de Rome, qui dispose : « Non-pertinence de la qualité officielle. 1. Le présent Statut s’applique de manière égale à tous, sans distinction fondée sur la qualité officielle. En particulier, la qualité officielle de chef d’État ou de gouvernement, de membre d’un gouvernement ou d’un parlement, de représentant élu ou de fonctionnaire d’un gouvernement n’exonère en aucun cas une personne de sa responsabilité pénale au titre du présent Statut, ni ne constitue en soi un motif de réduction de peine. »
La réussite de la Cour pénale internationale réside dans la création du premier tribunal international permanent chargé de traduire en justice les personnes accusées de génocide, de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre et d’agression, renforçant ainsi la lutte contre l’impunité et promouvant la justice à l’échelle mondiale.
Un exemple cité par la presse indique qu’en 2012, la CPI a prononcé sa première condamnation, en infligeant à Thomas Lubanga Dyilo (chef de milice congolais) 14 ans de prison pour crime de guerre de conscription et d’utilisation d’enfants soldats en République démocratique du Congo, marquant ainsi une étape historique pour la justice internationale.
Conclusion
En résumé, si le Statut de Rome demeure une étape importante pour la justice internationale, sa mise en œuvre concrète en 2025 est confrontée à des limitations persistantes de son application, à des résistances politiques, à des inefficacités institutionnelles et à des problèmes de légitimité, autant de facteurs qui reflètent la tension persistante entre idéaux juridiques et réalités géopolitiques.
On ne saurait espérer une future universalisation authentique de cette institution juridique internationale.
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