
La revue Asie 21 (sur abonnement) vient de publier une longue analyse de la chercheuse Sophie Boisseau du Rocher sur la situation en Birmanie à la veille du scrutin qui commencera le 28 décembre. Nous en publions des extraits et vous recommandons la lecture d’Asie 21.
Le 31 juillet 2025, la junte birmane, au pouvoir depuis le coup d’État de février 2021, a adopté des mesures permettant la tenue d’élections annoncées pour la fin de l’année. Le premier tour doit se tenir le 28 décembre 2025 et le second le 11 janvier 2026.
Les conditions dans lesquelles ce scrutin est organisé ne respectent pas les règles élémentaires d’un régime démocratique. Les oppositions crédibles, déjà affaiblies par la désorganisation de leurs réseaux à la suite du tremblement de terre de mars 2025, sont muselées et ne pourront pas participer au vote.
Au final, il s’agit d’un exercice d’auto-légitimation de la junte. La question cruciale sera de mesurer le taux de participation à cette comédie électorale.
RAPPEL
25 juin 2025
Le chef de la junte, Min Aung Hlaing*, annonce son intention d’organiser des élections nationales d’ici la fin de l’année.
29 juillet 2025
La junte promulgue la loi sur la Prévention de l’obstruction, de la perturbation et du sabotage des élections générales démocratiques multipartites. Cette loi criminalise toute critique du processus électoral et interdit tout discours, organisation ou manifestation susceptible de le perturber. Les contrevenants encourent jusqu’à 20 ans de prison, voire la peine de mort.
31 juillet 2025
La fin de l’état d’urgence est décrétée. Le Conseil d’administration de l’État (SAC) est dissous et remplacé par la Commission de la sécurité et de la paix de l’État (SSPC), organe consultatif central qui gouverne le pays.
18 octobre 2025
La Commission électorale birmane édicte les règles de la campagne électorale.
26 octobre 2025
L’ASEAN* annonce qu’elle n’enverra pas d’observateurs pour les élections.
28 octobre 2025
Ouverture officielle de la campagne électorale.
29 octobre 2025
Les autorités annoncent que la presse internationale pourra couvrir les élections, sous réserve de l’approbation du ministère de l’Information.
26 novembre 2025
Le ministre thaïlandais des Affaires étrangères, Sihasak Phuangketkeow, estime que « les élections en Birmanie ne seront ni libres ni crédibles » et appelle à la libération d’Aung San Suu Kyi*.
La junte annonce la libération de plus de 3 000 prisonniers politiques et l’abandon des poursuites contre plus de 5 500 autres.
Août – décembre 2025
Une centaine de personnes sont arrêtées pour des actes qualifiés « d’ingérence » ou de « perturbation » du processus électoral.
1er décembre 2025
Un sondage indépendant révèle un rejet massif de ces élections par la population.
Enjeux
La légitimation intérieure et internationale d’un régime militaire actant un retour en arrière politique après la transition démocratique.
La poursuite d’une guerre civile ayant déjà fait plus de 8 000 morts.
La pérennisation de circuits économiques prédateurs contrôlés par l’armée.
La marginalisation durable de la Birmanie dans les réseaux régionaux, notamment au sein de l’ASEAN*.
Le rapprochement avec la Chine, favorable à ce scrutin pour « stabiliser » le pays, et l’éloignement des pays occidentaux qui dénoncent une « mascarade ».
Commentaires prospectifs
Depuis l’été 2025, le régime militaire se présente comme une « Commission nationale pour la sécurité et la paix » afin de légitimer et pérenniser son pouvoir. Il affirme vouloir organiser des élections « libres, équitables et transparentes », selon les termes de Min Aung Hlaing*.
Le dernier scrutin, organisé le 8 novembre 2020, avait porté au pouvoir la Ligue nationale pour la démocratie d’Aung San Suu Kyi*. Contestant les résultats, les militaires avaient alors dénoncé des fraudes et pris le pouvoir par la force.
Face à cette parodie électorale, la population birmane – 54 millions d’habitants – reste largement indifférente. Près de 30 % de la population souffre encore de la faim, l’inflation est élevée, l’économie est à l’arrêt et le système éducatif fonctionne au ralenti.
Ces élections acteront un retour en arrière politique durable pour la Birmanie.
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