
La Birmanie est appelée aux urnes dimanche 28 décembre pour des élections législatives organisées par la junte, dans un contexte de guerre civile persistante. Déjà l’un des pays les plus pauvres d’Asie du Sud-Est, le pays est profondément fragilisé par un conflit déclenché par le coup d’État de février 2021, lorsque l’armée a renversé le gouvernement civil élu d’Aung San Suu Kyi.
Quelle est la situation humanitaire ?
La crise humanitaire en Birmanie est aggravée à la fois par la guerre civile et par une succession de catastrophes naturelles, dont un puissant séisme survenu en mars 2025. Selon l’agence Reuters, la junte chercherait à minimiser l’ampleur de la crise alimentaire qui frappe le pays, en exerçant des pressions sur les chercheurs afin d’empêcher la collecte de données sur la faim, ainsi que sur les acteurs humanitaires pour en limiter la publication.
La Birmanie figure parmi les opérations humanitaires les plus sous-financées au monde : seuls 12 % des financements requis ont été mobilisés, selon les Nations unies. Les réductions de l’aide humanitaire américaine ont, par ailleurs, un impact « dévastateur » sur la population, a alerté le rapporteur spécial de l’ONU sur la situation des droits de l’homme en Birmanie.
Selon les Nations unies, près de 20 millions des 51 millions d’habitants de la Birmanie ont aujourd’hui besoin d’une aide humanitaire. Plus de 3,6 millions de personnes ont été déplacées à l’intérieur du pays, tandis que le conflit déclenché par le coup d’État a fait au moins 6 800 victimes civiles, d’après les estimations de l’ONU.
Plus de 12 millions de personnes en Birmanie devraient être confrontées à une faim aiguë l’an prochain, dont près d’un million nécessiteront une aide humanitaire d’urgence, selon le Programme alimentaire mondial (PAM). Au total, plus de 16 millions d’habitants du pays souffrent d’insécurité alimentaire, une situation dans laquelle le manque de nourriture met directement en péril leurs moyens de subsistance et parfois leur survie. Ce chiffre place la Birmanie au cinquième rang mondial des pays comptant le plus grand nombre de personnes ayant besoin d’assistance, faisant du pays l’un des « points chauds de la faim les plus préoccupants au monde », souligne l’agence onusienne.
Plus de 540 000 enfants à travers le pays devraient souffrir cette année de malnutrition — une émaciation potentiellement mortelle pouvant avoir des effets graves et durables — soit une augmentation de 26 % par rapport à l’an dernier, selon le PAM. Un enfant sur trois de moins de cinq ans souffre déjà d’un retard de croissance, d’après le PAM.
Comment se porte l’économie ?
L’économie birmane traverse de profondes difficultés depuis plusieurs années, fragilisée à la fois par la guerre civile et par une succession de catastrophes naturelles. Malgré ce contexte très dégradé, certains indicateurs laissent entrevoir un léger redressement : la croissance du produit intérieur brut devrait atteindre 3 % au cours du prochain exercice budgétaire, selon les prévisions publiées ce mois-ci par la Banque mondiale.
La reprise attendue repose principalement sur les efforts de reconstruction engagés après le séisme et sur la poursuite d’une aide ciblée aux régions les plus durement touchées, même si l’inflation devrait se maintenir à un niveau élevé, au-delà de 20 %. Dans un contexte de dégradation continue de l’approvisionnement en électricité, qui expose des millions d’habitants à des coupures chroniques, ménages et entreprises se tournent de plus en plus vers l’énergie solaire afin de sécuriser une source d’électricité plus fiable.
Parallèlement, la Russie, qui a renforcé ses liens avec le régime birman, a signé en juin un accord d’investissement avec la Birmanie, affirmant qu’il pourrait ouvrir de nouvelles opportunités pour les entreprises énergétiques russes dans le pays.
Comment se déroulera le scrutin et quel soutien international reçoit-il ?
Les élections générales en Birmanie sont organisées en trois phases successives. La première a débuté le 28 décembre 2025, la deuxième est prévue le 11 janvier 2026, et la troisième le 25 janvier 2026, afin de tenir compte des contraintes sécuritaires et logistiques dans un pays toujours en conflit.
Les autorités birmanes mettent en avant un processus qu’elles présentent comme « libre, équitable et transparent », en soulignant la présence d’observateurs internationaux venus notamment de Russie, de Chine, du Bélarus, du Kazakhstan, du Cambodge, du Vietnam, de l’Inde et du Nicaragua. Lors d’un briefing à Nay Pyi Taw, la Commission électorale a insisté sur le soutien politique exprimé par plusieurs pays alliés du régime et sur les réformes techniques du scrutin : adoption d’un système électoral mixte, recours à des machines de vote électronique développées localement, organisation des élections en trois phases pour des raisons de sécurité, et dispositifs spécifiques pour les personnes handicapées ou déplacées. Selon la junte, ces mesures visent à garantir la crédibilité du vote et à permettre aux électeurs de « déterminer l’avenir du pays ».
Cette lecture est toutefois fermement rejetée par les pays occidentaux. Le 9 décembre 2025, l’Union européenne a estimé que les élections annoncées par la junte ne peuvent être ni libres, ni équitables, ni inclusives, y voyant une tentative de légitimation du pouvoir militaire dans un contexte de répression généralisée. Le 27 novembre, le Parlement européen a qualifié le scrutin d’illégitime, dénonçant un processus marqué par la violence, les déplacements forcés et l’emprisonnement massif d’opposants, tout en réaffirmant son soutien au Gouvernement d’unité nationale (NUG). La France, le Royaume-Uni, les États-Unis, le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la Suisse, la Corée du Sud et la Norvège ont également appelé à rejeter toute tentative de validation du régime par les urnes.
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