Le 22 août 2023 a marqué un tournant historique pour le Cambodge avec la prise de fonction de Hun Manet au poste de Premier ministre. À 46 ans, il succède à son père, Hun Sen, qui a régné sans partage sur le pays pendant près de quatre décennies. Cette passation de pouvoir, méticuleusement orchestrée, consacre une dynastie politique, plaçant Hun Manet au cœur des enjeux nationaux et régionaux, à l’instar du conflit frontalier actuel avec la Thaïlande.
Ce qui distingue d’abord Hun Manet de ses prédécesseurs et de la vieille garde du Parti du Peuple Cambodgien (PPC), c’est son parcours académique et militaire atypique. Son père était un combattant, d’abord au sein des guérilleros khmers rouges puis parmi les supplétifs cambodgiens de l’armée vietnamienne. Hun Manet, lui, est le premier Cambodgien diplômé de l’illustre Académie militaire de West Point aux États-Unis. Il a aussi une maîtrise en économie de l’Université de New York en 2002, puis un doctorat, toujours en économie, de l’Université de Bristol au Royaume-Uni.
De retour au pays, il gravit rapidement les échelons des Forces armées royales khmères, appuyé par son clan familial. Nommé général quatre étoiles en 2023, il occupe des postes stratégiques, devenant chef des opérations anti-terroristes et chef d’état-major adjoint. Son expérience militaire ne se limite pas aux bureaux : il a joué un rôle actif et remarqué dans les négociations et la gestion des tensions lors de la confrontation cambodgienne-thaïlandaise de 2008-2011, ce qui lui donne une connaissance directe et concrète des défis frontaliers actuels.
Une ascension politique préparée
Hun Sen n’a pas laissé le hasard décider de l’ascension de Hun Manet, mais a soigneusement orchestré une stratégie de succession. Pendant des années, il a clairement affiché son intention de faire de son fils son héritier politique. Hun Manet s’est ainsi progressivement intégré aux rouages du PPC, le parti du peuple cambodgien au pouvoir, en prenant notamment la tête de la puissante aile jeunesse du parti, un vivier de futurs cadres et un outil de mobilisation électorale.
Lors des élections législatives de juillet 2023, le PPC a remporté une victoire écrasante, profitant de l’absence de réelle opposition puisque le principal parti d’opposition avait été dissous. Ce scrutin a servi de rampe de lancement finale pour Hun Manet. Quelques semaines plus tard, Hun Sen a annoncé sa démission, ouvrant officiellement la voie à son fils. Ce transfert de pouvoir, mené sans heurts apparents, a présenté un rajeunissement de la direction du pays, même si Hun Sen conserve une forte influence en tant que président du Conseil privé suprême du Roi.
Entre modernité et continuité : Les défis d’un jeune Premier ministre
Hun Manet est souvent dépeint comme un dirigeant plus “moderne” et potentiellement plus ouvert aux réformes, notamment économiques, que son père. Il maîtrise l’anglais et comprend bien les mécanismes de l’économie mondiale, ce qui constitue des atouts indéniables pour un Cambodge qui cherche à attirer les investissements étrangers et à diversifier son économie. Cependant, il hérite d’un système politique dont les libertés fondamentales et l’État de droit subissent régulièrement les critiques des organisations internationales et des défenseurs des droits humains.
Le mariage de Hun Manet avec Pich Chanmony, elle-même fille d’un ancien secrétaire d’État, renforce son ancrage au sein des élites cambodgiennes et des réseaux d’influence qui façonnent la vie politique du royaume.
La crise thaïlandaise : Le premier grand test
Le conflit frontalier avec la Thaïlande, qui a éclaté le 24 juillet 2025, représente sans doute le premier grand test majeur de la gouvernance de Hun Manet. Il doit non seulement gérer une crise diplomatique et militaire complexe, mais aussi affirmer son leadership sur la scène internationale. Ses appels récents à l’intervention de l’ONU et son insistance sur la nécessité d’une solution pacifique, mais ferme, signalent une stratégie visant à internationaliser le conflit.
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