L’Asie et ses charmes sont souvent le remède aux pires expériences. Même un agent secret peut succomber. Même l’impératrice rouge peut s’abandonner…Un bain mousseux. Un massage…Non, nous ne raconterons pas le reste ici. Lisez « L’Impératrice Rouge », notre roman inédit signé Patrice Montagu-Williams.
Un roman de Patrice Montagu Williams
L’intrigue
Les saisies de drogue atteignent un niveau record dans le 13ème arrondissement de Paris. Cette drogue proviendrait du fameux Triangle d’or, cette zone frontalière située entre la Thaïlande, la Birmanie et le Laos.
Quel est le rôle exact de la Chine et de ses services secrets dans cette affaire ? Et qui est exactement cette Impératrice Rouge, somptueuse et tragique femme vampire, qui serait le chef d’orchestre occulte de ce trafic ?
L’agent très spécial Ly, de la DGSE, est envoyé en Thaïlande pour régler le problème, par tous les moyens. Persuadé, comme le dit Sartre, qu’on ne peut vaincre le mal que par un autre mal, il vivra une histoire de passion, de folie et de trahison.
Rappel de l’épisode précédent :Tout juste débarqué à Bangkok, Ly rencontre son contact à la police thaïlandaise, le colonel Wichak. Ce dernier lui fait une description très noire de la ville. La seule piste dont il dispose pour aider Ly dans sa mission est un nom : l’Impératrice Rouge. Si elle existe, c’est à Bangkok qu’elle se cache, lui affirme le colonel.
Épisode 10 : La cérémonie du bain
Elle se laisse glisser lentement dans l’eau mousseuse et parfumée à la fleur de lotus, avant de fermer les yeux. Ses jambes tuméfiées la font souffrir alors, plonger dans le bain, c’est oublier la douleur, c’est se retrouver dans le placenta maternel, comme si elle n’était plus la Camarade Wu, l’agent du Guoanbu, celle dont on a fait une légende pour brouiller les pistes, mais ce bébé auquel sa maman avait donné le prénom de Mei, qui veut dire beauté.
La drépanocytose, également appelée « anémie à hématies falciformes », est une maladie génétique héréditaire caractérisée par une anomalie de l’hémoglobine, composant essentiel des globules rouges, qui sont déformés et prennent une forme de faucille. Ils ont alors des difficultés à circuler, ce qui peut occasionner l’apparition de caillots dans les vaisseaux sanguins et être à l’origine de nombreuses complications.
Elle n’avait rien dit quand le médecin du Guoanbu lui avait appris la nouvelle, peu après qu’elle ait passé la visite médicale, obligatoire avant toute mission. Depuis, elle ne voulait plus y penser. Bien sûr, il y avait ces transfusions qu’il lui fallait faire tous les mois, mais elle avait décidé que c’était pour retrouver sa jeunesse. Pas pour se soigner.
Le Mongol
Elle sort du bain et, après s’être séchée, passe sur sa peau une crème à base de centella, une plante qui est recommandée contre le stress et la fatigue et qu’améliore la microcirculation sanguine. Elle s’arrête un instant devant la glace où se reflète son corps nu. Elle se trouve encore très belle. D’ailleurs, c’est ce que lui dit Le Mongol, une espèce de géant prénommé Batbayr originaire de Baotou, la plus grande ville de la région autonome de Mongolie-Intérieure, qui est son garde du corps et, occasionnellement, son amant, quand elle a besoin de se sentir une femme que l’on désire. Il est toujours là, en service commandé, et son sexe, imposant et dur comme le mont Fanjing, le pic sacré du Guizhou qui comporte deux temples bouddhistes à son sommet, répond à chaque fois présent, quand elle veut faire l’amour.
Heureusement, elle sait qu’il n’y a rien d’autre qu’un simple désir physique entre Le Mongol et elle. Et cela la rassure : les sentiments n’ont pas de place, quand on a une opération à mener. De toute façon, leur secret est bien gardé, comme ce qu’elle lui demande de faire, tous les mois, pour qu’elle continue à rester jeune et à aller au bout de la mission que lui a confié le Parti.
Victimes de la Révolution
Il y a des jours où elle se sent devenir folle et se met à croire qu’elle s’est réincarnée dans son avatar, cette Impératrice Rouge inventée par ceux qui l’ont envoyé en Thaïlande. Alors, pour redescendre sur terre, elle se met à penser à ses parents, tous deux victimes de « La Grande Révolution Culturelle Prolétarienne ». Leur maison de Guiyang fut vandalisée par les Gardes Rouges qui remettaient en cause toute hiérarchie, et, notamment, celle du Parti communiste. Il s’agissait de combattre les « Quatre Vieilleries » : vieilles idées, vieilles coutumes, vieilles habitudes, vieille culture. Son père, un intellectuel, dut faire publiquement son auto-critique et fut sauvé, par un voisin, au moment où il allait être exécuté d’une balle dans la tête par un jeune crétin hystérique. Sa mère dut subir la coupe « Yin Yang » : on lui arracha la moitié de la chevelure par touffe avant de jeter de la saumure sur les cicatrices sanguinolentes.
Elle vit longtemps ces cauchemars flotter dans les yeux de ses parents, quand elle était encore une enfant et qu’ils l’emmenaient se promener dans la région et voir les chutes Huangguoshu, la grotte du Palais du Dragon ou la forteresse de Qingyan, qui datait du XIVe siècle.
Cannibalisme
Le Parti s’est souvent trompé, pense-t-elle en s’habillant. Trop souvent. Et il l’a rarement reconnu. Mais comment avouer qu’il est directement responsable de plus de cinquante millions de morts ?
Même si elle pense que Mao s’était transformé, à la fin de son règne, en un dictateur paranoïaque et mégalomane, elle a décidé de rester fidèle au régime. Ce dernier lui fait confiance et fermera les yeux s’il apprend, un jour, les crimes qu’elle a commis. Il faut dire qu’il en a vu d’autres, et de bien pires, comme ce qui c’était passé dans le Guangxi, au temps de la Révolution Culturelle justement, et que lui avait raconté son père : au moins dix mille personnes avaient été tuées et mangée sans qu’il y ait la moindre menace de famine. Il s’agissait d’un cannibalisme rituel. Une milicienne avait même avoué avoir dévoré six foies humains et coupé les organes génitaux de cinq hommes avant de les tremper dans de l’alcool qu’elle boirait plus tard, affirmant que ces organes étaient bénéfiques pour sa santé !
Depuis toute petite, elle a appris à haïr les hommes. C’est peut-être pour ça qu’elle est devenue aussi cruelle qu’eux…
A suivre…
