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Au bonheur, recettes d’une enfance au Cambodge

Date de publication : 06/01/2024
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Au bonheur - recettes d’une enfance au Cambodge

 

Des recettes qui racontent un royaume.

 

Une chronique culinaire de François Guilbert

 

Pendant des décennies, il eût paru presque incongru d’associer les termes « Cambodge » et « Bonheur », bien que le royaume soit souvent dénommé le pays du sourire. C’est pourtant « Au Bonheur » qu’a été dénommé, en 1995, le restaurant parisien de Liliane Téa et son époux. Réfugiée en France depuis son adolescence vingt ans plus tôt, la jeune femme issue d’une famille du sud de la Chine venue s’installer au Royaume cambodgien dans les années 30, repend alors le restaurant familial du XVème arrondissement. Elle en fait un établissement couru à deux pas de l’UNESCO.

 

Sa cuisine mêle les saveurs du Guangdong et celles de l’Asie du Sud-Est.

 

Ce sont les goûts et les couleurs qui ont bercés l’enfance et l’adolescence de sa fille, Christelle Téa née en 1988. Ceux-ci imprègnent en profondeur les sens de la descendante mais pas au point de l’inciter à poursuivre la lignée des maîtres-queux de la famille. Contrairement à sa mère et à sa grand-mère, la trentenaire diplômée des Beaux-Arts a, elle, fait le choix d’un tout autre univers professionnel. Ce livre de recettes est toutefois l’occasion de faire coïncider son monde artistique avec celui de ses aînées. A l’origine du manuscrit, Christelle Téa s’est proposée d’illustrer les recettes qui ont enchantées sa jeunesse. Un travail tout en délicatesse, en précision du trait et en simplicité. Des qualités qui ont déjà enchantées les visiteurs de ses premières expositions picturales et les lecteurs de ses publications (cf. https://christelletea.com/ ). L’illustratrice Christelle, diplômée de l’école des Beaux-Arts de Paris, a su prendre sur le vif le rendu de la cuisine de Liliane.

 

Sur chacune des pages de droite, le plat proposé à la réalisation. Rien que lui. Un instantané, sans fioriture.

 

Une assiette en majesté posée sur un fond blanc. Pas de doute, vous savez ce que vous mangerez. Les couleurs douces rendent instantanément suaves les 70 confections répertoriées. L’index par produit à la fin du volume rend on ne peut plus pratique le manuscrit pour ceux-ci qui décident de passer aux fourneaux en se demandant ce qu’ils vont bien pouvoir faire avec : leurs anchois, des morceaux de poulet, les perles de coco, le tamarin ou des vermicelles de soja, etc.

 

Sur toutes les pages de gauche, sur un fond pastel rassurant, le cuisinier du dimanche a tout ce qui lui faut pour passer à l’action. Rien de très original bien sûr mais toutes les informations pratiques sont là (temps de préparation et de cuisson, ingrédients pour 2 à 6 convives). Comme dans toute édition un tant soit peu personnalisée figure également en tête de chaque recette quelques appréciations sur le rapport familial au plat ou ses origines géographiques. Rien de très long : trois, quatre lignes, juste ce qu’il faut pour vous donner un sentiment d’« intimité » et de connivence avec l’auteure. Ces très petits récits n’en disent pas moins long, à la fois sur le Cambodge, carrefour de bien des cultures culinaires d’Asie, et sur les parcours de vie des familles de réfugiés ayant dû fuir aux quatre coins de l’Asie la guerre américaine, les horreurs khmères rouges ou les expressions politiques et sociales autoritaires de la République populaire du Kampuchéa.

 

Dans ces souvenirs d’une enfance cambodgienne, on est ainsi invité à (re)découvrir des brochettes au saté « indonésien », un phô « nord-vietnamien », un potage « pékinois » et un pad « thaï ».

 

Cette mixité culinaire au travers des parcours de trois générations de la famille Téa devrait nous interpeller sur ce que l’on appelle souvent un peu vite une cuisine « nationale » et nous inciter à ne pas oublier, voire même à valoriser la transhumance des plats et leurs réinterprétations au fil de leurs étapes géographiques. C’est aussi cela les petits bonheurs que nous offrent aujourd’hui la cuisine « cambodgienne ».

 

François Guilbert

 

Liliane & Christelle Tea : Au bonheur, recettes d’une enfance au Cambodge, Premier Parallèle, 2023, 192 p, 32 €

 

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