CAMBODGE – LIVRE : Jeanne Truong, le roman d’une enfant face à l’horreur Khmère Rouge

Notre ami et collaborateur Marc Mangin a lu pour nous le dernier livre de Jeanne Truong : « Ceux qui sont restés là bas » (Gallimard). Portrait d’une tragédie revisitée

Une chronique de Marc Mangin

Reste-t-il encore quelque chose à dire de l’horreur des années Pol Pot ? Ou à écrire sur la folie sanguinaire des khmers rouges ? La preuve, le terrible texte de Jeanne Truong : Ceux qui sont restés là-bas. Pour revenir sur les années soixante-dix, Truong a choisi un enfant de 7 ans, aphone devant l’horreur ou qui n’a, tout simplement, pas de mots pour la dire. L’errance de ce gosse, Narang, et de sa mère renvoie immanquablement aux deux chefs-d’œuvre que sont Les Saisons de Maurice Pons et La Route de Cormac McCarthy – interminables fuites devant l’indescriptible, l’indicible.

Noircir les pages

Pas facile de tirer une fiction d’une réalité qui la dépasse ! Il faut moins noircir les pages que les blanchir pour parvenir à trouver de l’air, à respirer, à sortir de cet enfer, coûte que coûte.

Le naufrage ne s’arrête pas, sinon, ce ne serait pas un naufrage. C’est lorsque l’on croit en sortir, au contraire, qu’une nouvelle vague s’abat, par derrière de préférence. Ici, ce sont les soldats thaïs qui attendent au tournant les réfugiés khmers pour mieux les dépouiller et les exterminer. Truong a beau finir par trouver de la bienveillance chez les paysans qui les recueilleront, Narang et sa mère ne peuvent oublier les charniers vers lesquels les soldats de Rama IX, roi de Thaïlande, poussaient leurs compagnons d’infortune en riant.

Ceux qui sont restés là-bas n’est pas un texte à thèse. Il ne cherche pas à revisiter l’histoire, mais reste suspendu dans une sorte d’interrogation. Il ne défend rien d’autre que la mémoire, parce que le présent n’a jamais réussi à effacer le passé et qu’il est justement impossible d’oublier ceux qui sont restés là-bas.

Marc MANGIN

Jeanne Truong : Ceux qui sont restés là-bas (Gallimard, 2021 : 20 €)