Le « bubble tea », un phénomène très asiatique, une chronique culinaire et sociétale de François Guilbert.
D’origine chinoise pour l’une, philippine pour l’autre, les deux autrices se sont lancées en 2015 dans la vente de bubble tea. Faisant d’abord la promotion de leurs boissons aux billes de tapioca gélifiées avec un camion itinérant, elles ont peu après décidé de les faire connaître via des établissements franchisés. La société Milk+T est ainsi née et s’est développée sur la côte ouest des États-Unis. Fort de leur succès rapide outre-Atlantique, elles ont été invitées à partager l’histoire de leur entreprise par la maison d’édition Quarto Group. Sur le ton de confidences délivrées à leurs lecteurs, elles racontent dans ce premier livre conjoint leur aventure entrepreneuriale mais également celui d’un produit né à Taïwan dans les années 80 et au succès mondial aujourd’hui avéré.
Depuis le début de la décennie, la France n’échappe pas à la mode du bubble tea, ce qui explique la traduction de cet ouvrage.
A Paris, il y avait cinq boutiques référencées avant la pandémie de COVID-19, elles seraient près d’une centaine aujourd’hui. C’est dire leur réussite ! Une attractivité fulgurante née d’un rafraîchissement aux combinaisons infinies, aux couleurs souvent chatoyantes et pour tout dire « instagramables ». Si les consommateurs adolescents en ont été les premiers ambassadeurs, le public amateur ne cesse de s’élargir et de se diversifier. Il est donc logique de voir se multiplier, depuis deux trois années, les ouvrages francophones consacrés à un liquide désaltérant qui pourrait bien peser dans l’économie mondiale plus de 4 milliards d’euros d’ici 2027.
Illustré par une esthétique de la culture kawaii, le manuscrit de Stancey et Beyah détaille avant tout une trentaine de recettes. Tour à tour, les jeunes femmes invitent à réaliser ses propres bobas (perles de tapioca), des thés fruités (ex. thé vert ananas – fraises blanches), des thés au lait (ex. thé thaï (cha-yen)) ou encore quelques breuvages signatures des échoppes Milk-T (cf. le thé et lait d’amende à l’ube (igname violette des Philippines)). Les formules servies ayant fait l’objet de multiples tâtonnements, les rédactrices partagent leurs savoir-faire des ingrédients de base (confitures, sirops (ex. maïs, mangue Kent, pomelo, sucres)), leurs choix de garnitures (ex. graines de chia, tofu annin) ainsi que leurs préférences lactées.
Enthousiastes dans leurs démarches, les promotrices ont affublé leurs réalisations et innovations de douces dénominations.
C’est ainsi que leur thé vert au lait s’intitule L’ami fidèle. Leur thé noir pastèque-fraise s’appelle, lui, La coccinelle et leur thé au lait et au beurre d’amande L’humain avant tout. Des titres parfois surprenants tels Zone 51 pou le thé vert concombre – kiwi ou encore le Panda rose pour un verre à la saveur fraise mais, dans tous les cas de figure, une rapide explication du choix inscrit à la carte est donnée.
Le souci du détail des créatrices a été poussé jusqu’à débattre du meilleur choix des glaçons à employer, leur taille et leur forme les mieux adaptées à un granité, à un gobelet de thé ou de café glacé. Manque toutefois à l’appel une remarque sur l’accessoire indispensable à la dégustation : la paille XXL. De même, une mise en garde sur le caractère souvent trop sucré des verres achetés auprès des chaines commerciales de la grande distribution, au-delà même des ratios que l’on trouve dans les sodas les plus connus, aurait mérité d’être soulignée.
Stacey Kwong – Beyah del Mundo : Kawaii, café, bubble thé, Synchronique Éditions, Paris, 2024, 128 p, 14,90 €
François Guilbert
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