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Le cœur d’un oignon

Date de publication : 16/06/2025
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Livre The Core of an Onion

 

L’oignon, cœur du monde, une chronique culinaire et sociétale de François Guilbert

 

Mark Kurlansky est journaliste depuis le milieu des années 70. Mais depuis une trentaine d’années, il est également devenu un essayiste prolifique et à succès. A côté de quelques traductions (ex. E. Zola), de ses romans et livres pour enfants, le septuagénaire américain fait figurer, de temps à autres, des manuscrits à caractère culinaire.

 

La singularité de l’auteur : s’intéresser avec une plume alerte à un produit

 

Tour à tour, ce fut la morue en 1997, le sel en 2002, les huîtres new-yorkaises en 2006, le lait en 2018, le saumon en 2020 et pour ce qui est son dernier livre en date, l’oignon. Seuls deux de ses titres ont été traduits en français : sa fabuleuse histoire de la morue (J-C Lattès, 1999) et sa volumineuse épopée sur le sel (Hozhoni Éditions, 2019). Les autres manuscrits ont pourtant eux aussi trouvé leur public. Ils ont pu même être honorés de prix prestigieux.

 

« Le cœur d’un oignon » est l’occasion de se familiariser avec un bulbe employé en cuisine aux quatre coins du monde

 

Voici un aliment familier qui a su voyager et imager le langage courant, notamment des francophones (Ce n’est pas mes oignons !) et des anglophones (Know your onions pour souligner un savoir-faire commercial). Le légume et condiment venu d’Asie centrale notamment de la région montagneuse des Kopet-Dagh à la frontière irano-turkmène, s’est répandu tous azimuts, vers Babylone (cf. le code d’Hammurabi à voir au musée du Louvre) l’Égypte, l’Inde et la Chine. On le cultive jusque sur l’île Maui (Hawaï) où c’est aujourd’hui l’oignon le plus coûteux du monde.

 

Un produit qui nourrit les fantasmes et les corps

 

Employé lors de rituels pharaoniques, vanté dans les textes médicaux du sous-continent indien ou interdit pour son odeur voire ses supposées vertus aphrodisiaques chez les jaïns ou brahmanes, à vrai dire, les alliums ne cessent de faire parler d’eux. Et cela depuis plus de trois mille ans !

 

C’est cette histoire qui est brossée plaisamment à coups d’anecdotes savantes et savoureuses (cf. l’oignon comme remède efficace pour la chute des cheveux dans l’Europe médiévale ; l’interdiction administrative de venir au cinéma dans le Tennessee si on a mangé de l’oignon moins de 4h avant la projection d’un film ; l’interdit au Texas pour les jeunes femmes de mettre de l’oignon sur leur burger avant 18h00 ; le refus de mélanger de l’oignon à du ghee en Inde pour lutter contre l’acné).

 

Le récit historique de Mark Kurlansky est celui d’un véritable « cépaphile », un amoureux de l’oignon

 

Il raconte l’« oignisation » dans toutes ses dimensions, celles des cuisines du monde (cf. la ciboule en Chine, la gastronomie magyar au tournant du XVème siècle, les fameuses soupes françaises à l’oignon gratinée d’Auguste Escoffier, à la Stanislas ou du Mesnagier de Paris de 1393), de la toponymie (cf. Chicago : lieu à oignon dans la langue vernaculaire du lac Michigan), de la production agricole (2e légume le plus produit au monde après la tomate ; 1er producteur mondial, la Chine, l’Inde dont plus d’un tiers dans l’État du Maharashtra).

 

L’enquêteur minutieux s’est également intéressé à l’impact du produit sur les politiques nationales (cf. la perte des élections du parti de N. Modi lors des élections de New Delhi en 1998 du fait de la hausse des prix ; un objet de tensions indo-bangladaises récurrentes) ou encore aux réseaux commerciaux transnationaux (cf. les exportations de l’oignon rose de Roscoff en Grande Bretagne depuis le XIVe siècle et leur distribution par les « Johnnies » à bicyclettes, tradition perdue aujourd’hui).

 

Pour saisir l’ampleur de l’oignisation des assiettes, Mark Kurlansky l’a exploré plat à plat (soupes ; sauces ; bouilli, braisé, rôti, farci ; en crèmes ; frit ; avec des œufs ; en tartes ; en pickles ; en sandwiches)

 

Pas de recette en appoint des démonstrations mais un texte goûteux, jouissif et remarquablement documenté. Vraiment, aucune raison de verser une larme pour cet oignon-là ! Au fait, comme le rappel en début d’ouvrage le narrateur : si vous ne voulez pas pleurer en épluchant vos oignons, commencez par employer un couteau sans dents, parfaitement aiguisé et évitez les couteaux à bout rond ou les couteaux à viande.

 

Mark Kurlansky : The Core of an Onion, Bloosbury, New York, 2023, 227 p, 17,60 €

 

François Guilbert

 

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