London Escorts sunderland escorts

Taste Tibet, Family recipes from the Himalayas

Date de publication : 02/06/2025
0

 

L’Himalaya, un massif culinaire, une chronique gastronomique et littéraire de François Guibert.

 

Plus qu’un ouvrage vantant la gastronomie himalayenne de leur restaurant d’Oxford à la dénomination éponyme, le récit de la lexicographe britannique et de son époux tibétain s’ouvre sur une vingtaine de pages de réflexion sur la cuisine du toit du monde et de ses migrants. Avant de se plonger dans les quatre-vingts recettes répertoriées, la courte analyse gastro-culturelle de la narratrice mérite l’attention des lecteurs. Elle donne quelques éclairages à la démarche de son établissement au Royaume-Uni ou encore à l’environnement des nomades tibétains qui a baigné le parcours et l’éducation gustative de son conjoint mais elle va plus loin encore. L’ouvrage se veut, avant tout, une médiation interculturelle et une aide à la compréhension des cuisines himalayennes pratiquées en Occident.

 

L’émigration redéfinit en profondeur les patrimoines gastronomiques et leurs présentations
Le contournement des produits devenus introuvables dans le pays tiers, le recours à des modes de chauffe bien différents, la quasi impossibilité de manger à la main ou être déchaussé à même le sol, les adaptations aux attentes des consommateurs sont autant de contraintes qui imposent de sortir de la « tradition ». Ils font émerger des pratiques et des associations si novatrices que l’on peut parler de « nouveaux » plats voire de « nouvelles » cuisines.

 

Par effet miroir, celles-ci influencent, peu à peu, les pratiques des terroirs d’origine. Cette dynamique circulaire est cocasse à bien des égards. Elle a notamment pour conséquence d’offrir dans les restaurants occidentaux une cuisine « familiale » dont l’objet même est pourtant d’être élaborée au pays à des fins strictement privées. On ne va généralement pas à l’extérieur de son domicile pour consommer ce que l’on y trouve d’ordinaire avec satisfaction.

 

Les savoir-faire himalayens se transmettent non plus seulement par les sphères familiales mais aussi par des voies numériques (ex. blogs, réseaux sociaux, vidéos en ligne)

 

Les nouveaux modes de communication concourent à l’éducation d’émigrés sans connaissance des praxis de leur pays d’origine mais ils ravissent également des ex-touristes en quête de revivre et/ou de partager leurs expériences exotiques plus ou moins récentes. Cette effervescence a pour corollaire la mise sur pied de véritables forums de discussion sur les réseaux sociaux, mais quelles identités culinaires véhiculent-ils ?

 

La question fait d’autant plus sens que dans l’aire himalayenne il n’existe guère de conservatoires gastronomiques nationaux. Il est vrai que cela nécessiterait des efforts conséquents. Les diversités communautaires sont telles qu’il est bien difficile d’avoir une vision d’ensemble de ce qu’est une culture culinaire de toute une nation. Le monde de l’édition n’apporte pas plus une réponse satisfaisante. Il accueille des récits de chefs plus ou moins renommés ou des parcours familiaux singuliers mais aucun de ceux-ci ne pousse à l’élaboration de véritables encyclopédies culinaires. Ce sont des expressions réductrices des pratiques, donnant souvent une place dominante aux développements récents dans les capitales.

 

Attention : les cuisines « nationales » des capitales himalayennes se distancient de plus en plus des pratiques rurales

 

Ne l’oublions pas : les évolutions culinaires ne sont pas homogènes territorialement. Dans les centres urbains, les cuisines sont plus « riches ». Elles incorporent plus de viandes, des produits plus rares et plus coûteux ; sans parler des influences « étrangères ». Dès lors, Julie Kleeman et Yeshi Jampa ont cherché un axiome unificateur pour présenter leur panorama de recettes. Ils l’ont trouvé autour des lentilles, du riz et des légumes (Daal – Bhaat – Tarkaari).

 

Puisqu’un ouvrage imprimé est une sorte d’objet missionnaire, visant à faire connaître la culture d’un espace déterminé, les auteurs se sont intéressés aux modes de productions agricoles tibétains, à l’influence du bouddhisme sur l’alimentation, au rôle des festivals saisonniers, à la promotion des régimes végétariens par les moines, à l’ordonnancement des repas ou encore aux ustensiles de table. Ce parcours éclectique est une bonne entrée en matière pour se délecter pleinement de plats à la farine d’orge (tsampa), de nouilles glacées à la gelée jaune, de riz du Nouvel An (dresil), du tofu au bok choi, des pâtes frites (thenthuk), du bœuf bouilli (sha tsoma) et, bien évidemment, des momos (vapeurs) sous une dizaine de formes différentes.

 

Julie Kleeman & Yeshi Jampa : Taste Tibet, Family recipes from the Himalayas, Interlinks Books, Northampton (Massachusetts), 2022, 255 p, 28,23 €

 

François Guilbert

 

Chaque semaine, recevez Gavroche Hebdo. Inscrivez vous en cliquant ici.

Les plus lus