Terres de Tofu

Date de publication : 06/06/2021
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BIRMANIE – LIVRE : Le Tofu, cet ingrédient incontournable de la cuisine asiatique

 

Au cours des deux dernières décennies, dans un grand nombre de pays occidentaux le tofu est devenu un produit de grande consommation, pour ne pas dire un article à la mode, notamment chez les adeptes du végétarisme et du véganisme alors même qu’il s’absorbe communément lors de repas asiatiques avec de la viande voire du poisson. Sans conteste, il a conquis de nouveaux publics et acquis un rôle alimentaire nécessitant d’avoir sa place dans les rayons de nos magasins voire sur les clayettes de nos frigidaires et dans nos assiettes. Un livre vient de lui être consacré.

 

Une lecture de François Guilbert

 

Les hypermarchés ainsi que les points de vente bio plus confidentiels proposent le Tofu au plus grand nombre mais sans que l’on sache le plus souvent de quoi il est fait.

 

Le mystère est d’autant plus grand qu’il n’est guère au menu des restaurateurs, y compris sur les cartes des chefs asiatiques, étoilés ou non. Comme toute denrée de bouche, le tofu a ses adeptes, ses promoteurs tonitruants et bien évidemment ses détracteurs ( 1 ). Toutefois, tout le monde est bien d’accord pour admettre qu’un bon tofu se trouve(ra) au rayon frais de ses vendeurs et non dans un emballage sous vide. Au-delà de cette première évidence, une autre chose est sûre ;: son engouement intrigue, suscite des débats passionnés et une abondante littérature journalistique ou pseudo-médicale. Pour autant, bon nombre de commentateurs voire de consommateurs n’en connaissent ni les origines, ni la grande diversité gustative, ni les multiples usages culinaires qu’il est possible d’en faire. Dans ce contexte, l’ouvrage de Camille Oger est une mine d’informations, une référence alléchante à feuilleter et incitative à se mettre aux fourneaux.

 

Terra incognita

 

Il nous faut bien admettre que le tofu est une terra incognita pour nombre d’entre nous. L’animatrice du blog Le Manger a donc eu bien raison de commencer son manuscrit et notre éducation en répondant à la question : « Le tofu, c’est quoi ? » La journaliste indépendante, ex-collaboratrice du quotidien Les Échos, autrice à ce jour de 7 ouvrages s’est attachée à répondre avec talent et pédagogie à cette question, pourtant toute simple.

 

Globetrotteuse, ses recherches l’ont conduit à tester et explorer minutieusement aux quatre coins de l’Asie du Sud-Est et de l’Extrême-Orient les mondes asiatiques du tofu. Sa formation d’anthropologue et ses multiples reportages de terrain l’ont convaincu de découper son ouvrage en cinq entités géographiques soulignant l’ampleur territoriales des espaces de production et de consommation, les spécificités de chaque terroir et au fond ce qu’il faut bien appeler la marche du tofu à partir de la Chine (possiblement à partir du IXème siècle vers le sud (Vietnam) et l’est, la péninsule coréenne puis le Japon.

 

Approche encyclopédique

 

Contrairement aux nombreux articles sur le tofu que l’on peut lire dans les magazines féminins ou de santé, ici c’est à une approche encyclopédique du sujet que l’on peut s’adonner. On découvre les modes de fabrication, leurs terroirs ou encore les propriétés chimiques et organiques du soja. On perçoit que les fermetés ou textures différentes trouvent leurs origines dans les teneurs en eau et génèrent des porosités variables. On prend conscience qu’en fonction des agents coagulants, le tofu est plus amer du fait du chlorure de magnésium utilisé en France et au Japon, qu’il s’avère plus dense, plus souple, plus blanc et plus doux avec le sulfate de calcium que l’on emploie aux États-Unis et en Chine, voire proche de la gelée et une texture cassante avec le glucono-delta-lactone que l’on utilise au Japon, en Chine et en Asie du Sud-Est. Si certains reprochent au tofu son manque de goût et sa fadeur surtout chez les plus rétifs des Occidentaux, en réalité, tout comme la pomme de terre ou le riz, il peut être cuisiné et accommodé de mille façons. Sa neutralité rend cet aliment particulièrement intéressant car il peut accompagner tous les légumes et tous les fruits.

 

Origine chinoise

 

On avance que son origine est chinoise et daterait autour de 950 après J.C., sans preuve historique certaine. Son invention serait due à un accident ou serait l’invention des peuples maîtrisant la coagulation du lait comme les nomades mongols ou indiens.

 

Source inépuisable d’inventivité culinaire et c’est ce dont l’auteure veut nous convaincre. Chaque pays possède ses nuances de texture et de fermeté, pour ne pas dire de saveurs. Ainsi, les Japonais ont inventé le tofu séché à froid. Les Coréens le font, eux, parfois en utilisant de l’eau de mer. Quant aux Birmans, leur « véritable » tofu (tohpu), il est à base de pois d’Angole dans l’État Shan et à partir de pois chiche dits indiens (pois jaune vif) dans le reste du pays, les deux pouvant être par ailleurs mélangés. Si dans l’État Shan, il existe également un tofu blanc à base de riz, dans la Thaïlande voisine on se délecte(ra) de tofu aux œufs. Quel éclectisme !

 

Invitation à voyager

 

Le tofu est une invitation à voyager car il n’est pas une bonne place en France ou ailleurs où toutes ces spécialités sauraient être servies. En attendant de s’attabler devant de telles assiettes, on s’en remettra aux recettes du livre de Camille Oger (Chine – Taïwan (31) ; Japon (28) ; Corée (18) ; Birmanie (9) ; Asie du Sud-Est (26)). On le fera avec d’autant plus d’entrain qu’elles sont accompagnées d’une introduction qui pose le contexte du plat, son utilisation dans le pays d’origine, les ingrédients qui l’accompagne, les variantes possibles et d’une riche documentation photographique. Les recettes présentées ont été établies pour 4 personnes, l’occasion de les partager en famille avec un couple d’amis ! Les illustrations vous ouvriront l’appétit et vous convaincront certainement d’essayer la « voie du tofu ».

 

A lire: Camille Oger : Terres de Tofu, La Page, 260 p

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