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Nous les Thaïs, vous les Farangs : entre indifférence et empathie

Journaliste : Redaction
La source : Gavroche
Date de publication : 28/12/2017
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C’est une sensation particulière d’être étranger dans un pays et de ne pas le ressentir au travers des regards des autres. La Thaïlande nous accorde ce confort particulier. La discrétion est parfois si pesante qu’elle ressemble à de l’indifférence. Les voyageurs auront bien vite compris qu’en Asie, rien n’est comparable avec l’Afrique ou l’Amérique du Sud. Ici, il est difficile et compliqué d’établir une communication amicale, conviviale, échappant aux strictes règles de bienséance locales.

 

Que pourrions-nous dire de la propension à l’empathie des Thaïlandais ? Qu’en est-il de la reconnaissance de nos sentiments et de nos émotions à nous autres étrangers ? Echapperait-elle à cette si structurante empathie occidentale ? Ici, les réactions ne semblent s’exprimer que lorsqu’elles outrepassent certaines mesures. Comme la colère ou la jalousie que font rapidement basculer dans la violence. Mais l’amour, la sympathie, l’amitié sont passés sous secret tant bien qu’à la fin, on se demande même si ces sentiments existent.

 

Cette forteresse de silence nous déroute et nous afflige. Cette distance, cette frilosité, ce manque de partage ne font pas partie du débat que l’on peut avoir avec les Thaïlandais. Il est rapidement clôturé par un « nous les Thaïs sommes différents de vous, les farangs ».

 

Justement, on aimerait comprendre. Il est bien aisé de tout ramener à soi. Une simple observation permet de se rentre compte qu’entre eux aussi ce manque d’empathie est un mode de fonctionnement. Alors, est-ce seulement l’expression des émotions envers les autres qui n’existe tout simplement pas ou bien les sentiments tout court ?

 

N’oublions pas que ce peuple est issu de l’une des plus vieilles civilisations au monde, et que les philosophies orientales ont toujours prôné le contrôle de soi, le silence, la méditation. La sagesse asiatique permettrait une vie plus harmonieuse. Se protéger de l’amour, c’est aussi se protéger de la douleur de la perte de l’amour. Alors on laisse la porte entrouverte pour laisser filer la douceur du temps présent. On est toujours dans le « ici et maintenant », dans l’incertitude du lendemain. A quoi servirait d’exprimer ses futures faiblesses ? Car exprimer l’amour n’est-ce pas donner à l’autre la conscience d’une supériorité particulière, celle de pouvoir vous enlever ce qui s’est construit par le cœur et pas par l’esprit ?

 

L’Asie est un monde ethnocentré qui se suffit à lui-même dans le commun des esprits

 

Ici, les causes de malheur ou d’inconfort sont en nous et non à l’extérieur. Alors on se protège avec cette carapace d’indifférence. On regarde en soi plus qu’autour de soi. Ainsi, l’autre prend une valeur différente, celle qu’on lui attribue, pas celle qu’il s’approprie. Chaque âme, chaque homme a sa place. Le bouddhisme a inscrit le bonheur comme but de l’existence. Et la zen-attitude gagne du terrain même en Occident. Les Asiatiques évitent généralement le croisement du regard, comme dans nos bonnes familles on apprenait aux jeunes filles à baisser les yeux. L’échange du regard créerait un lien « entre nous » qui nous détacherait du monde global pour créer un univers restreint à deux personnes.

 

Alors prenons notre mal en patience pour laisser le temps au temps et pour que les relations d’amitié, d’amour se construisent différemment. Même la passion peut dévorer les cœurs asiatiques, mais on ne vous le fera pas savoir. Ici, on ne se touche pas, on ne se regarde pas si facilement que cela, on attend d’être sur ou d’y trouver un intérêt particulier. C’est un peu comme dans la chanson de Jacques Brel « chez ces gens là monsieur, on ne pense pas, Monsieur, on prie, chez ces gens là on ne vit pas, Monsieur, on triche ».

 

Il faut alors réfléchir une nouvelle fois à l’envers. Plutôt que de penser à tout ce qui nous manque par la non-expression des sentiments, penser à tout ce à quoi on échappe. Il est confortable de ne pas sentir dans le regard des autres que l’on dérange, que l’on gêne.

 

L’Asie est un monde ethnocentré qui se suffit à lui-même dans le commun des esprits. Ces non-regards nous rendent transparents. Il est certain que nos égos ne sont plus flattés, mais finalement, quel en est le réel intérêt ? Apprenons à exister différemment. Calmons ces attentes inutiles, car les justifications des sentiments seront actées et non dites. N’oublions pas non plus que par manque d’habitude, l’expression que l’on pourrait sou-mettre aux autres de nos propres émotions ou sentiments pourrait être totalement sidérante et non comprise. Ici, l’empathie est silencieuse. Le sage chinois T’ien Yi-Heng disait : « je bois du thé pour oublier le bruit du monde ».

 

Oriane Bosson

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