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THAÏLANDE – ANALYSE : dans le brouillard politique thaïlandais, quelques pistes de réflexion

Journaliste : Rédaction Date de publication : 28/07/2022
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Parlement de Thaïlande

 

Maintenant que Prayut et dix de ses ministres ont survécu au vote de censure en fin de semaine dernière malgré un sondage qui montrait que le peuple thaï souhaitait majoritairement un changement d’équipe gouvernementale, examinons les différents scénarios que pourrait nous offrir la politique thaïlandaise dans les mois à venir.

 

Une analyse de Philippe Bergues

 

Il apparaît maintenant assez clair que le gouvernement actuel finira son mandat en mars 2023. Prayut lui-même avait, avant cette défiance parlementaire, assuré que son équipe mènerait les affaires du pays au moins jusqu’à fin novembre 2022 car la Thaïlande accueillera le prestigieux sommet de l’APEC (Coopération économique pour l’Asie-Pacifique) à Bangkok du 14 au 19 novembre. Où de grandes puissances comme les Etats-Unis et la Chine seront présentes -et pourquoi pas leurs leaders Jo Biden et Xi Jinping-, ce qui n’est pas confirmé à cette heure. Il semblait alors impensable à Prayut de ne pas être l’hôte recevant en qualité de Premier ministre, avec toutes les images de ce sommet qui feront le tour du monde et ses retombées médiatiques nationales (qui seront, de bonne guerre, instrumentalisées par le pouvoir en place).

 

Que peuvent alors attendre les Thaïlandais du débat politique pré-électoral qui s’annonce ?

 

La polarisation en deux camps, conservateurs militaro-royalistes soutenus par l’establishment et partis anti-gouvernementaux actuels dominés par le Pheu Thai et le Move Forward devrait perdurer quoique cette lecture puisse apparaître un peu simpliste. Le Pheu Thai emmené par la fille de Thaksin, Paetongtarn, rêve du grand chelem de Yingluck en 2011. Très optimiste, Thaksin a affirmé de Dubaï samedi à 300 partisans du Front uni pour la démocratie contre la dictature, lors de sa fête d’anniversaire à distance pour ses 73 ans, « qu’il se verraient tous en Thaïlande l’an prochain ».

 

Dans cette période pré-électorale qui s’annonce, les Thaïlandais sont en droit d’attendre des réponses claires à leurs questions et à leurs attentes de la part des partis. Quelles solutions économiques pour faire face à l’inflation galopante ? Quelles issues pour les lois sociétales sur le mariage pour tous et l’égalité des genres ? Quelles évolutions sur la réforme de la monarchie et sur l’utilisation de l’article 112 du crime de lèse-majesté ? Quelle décentralisation possible de l’élection démocratique des gouverneurs en province comme à Bangkok ? Quelles transitions écologiques face à la montée des eaux et des inondations dans le bassin de la Chao Praya ?

 

Les électeurs de la capitale ont récemment montré leur appétence à la chose politique lorsqu’un débat clair et posé leur est proposé comme ce fut le cas pour l’élection du Gouverneur de Bangkok. Il est vrai que son large vainqueur, Chadchart Sittipunt, s’était distancié de la toxicité politique traditionnelle pour emporter les suffrages.

 

Quelles règles électorales pour le prochain scrutin législatif ?

 

On se souvient tous de la formule aléatoire qui avait permis au Palang Pracharat de grandir son nombre de députés en mars 2019 et de gagner facilement une majorité avec les 250 sénateurs cooptés pour nommer le Premier ministre. Il semblait que le Palang Pracharat et le Pheu Thai s’étaient mis d’accord en novembre 2021 pour ramener un système à deux tours (qui avantagerait les « grandes » formations). Mais face à la possibilité d’une victoire écrasante du parti thaksinien liée à l’impopularité croissante de Prayut, le PPRP souhaiterait maintenant revenir au système de 2019. Ce qui, mécaniquement, ferait baisser le nombre de députés du Pheu Thai et obligerait à des combinaisons coalisées entre partis comme aujourd’hui. D’ailleurs, l’habile chef du PPRP et vice-Premier ministre, Prawit Wongsuwan, a accusé la semaine dernière le seul Prayut du coup d’État de 2014 mais cette désolidarisation tardive (à laquelle personne ne croit) a fait les « choux gras » de la presse thaïlandaise. Habitué des combinaisons politiques flirtant avec la corruption, Prawit sait qu’en cas de victoire du camp conservateur, il pourrait accéder à la fonction suprême aidé par le non moins influent Thammanat Prompao, totalement hostile à Prayut depuis son éviction illico-presto du gouvernement.

 

La règle électorale est donc incertaine à cette heure : soit 400 députés de circonscription et 100 députés de liste tel que modifié en 2021, soit les anciennes règles de l’élection de 2019, 350 députés de circonscription et 150 députés de liste. Resterait à voir le chiffre de division retenu pour le scrutin de liste. L’opposition, Pheu Thai et Move Forward, crie déjà au tripatouillage. Il est indéniable que le camp conservateur militaro-royaliste soutenu par l’establishment va tout faire pour conserver le pouvoir lors des prochaines échéances électorales, au mépris des aspirations plus démocratiques de la jeunesse et d’une grande partie de la classe moyenne. La qualité et la variété des thèmes abordés lors du débat montreront la capacité de la Thaïlande à respecter sa population pour les choix de réformes à opérer.

 

Philippe Bergues

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