Une chronique siamoise et sociétale de Patrick Chesneau
Cette déconvenue vous arrivera souvent au pays du sourire parfois crispé si vous visitez des temples bouddhistes, des bâtiments publics, des sites culturels et même certains commerces.
À l’origine de ce qui peut s’avérer être une mésaventure plutôt cocasse, une règle immuable dans la plupart des pays d’Orient : Il est impératif de se déchausser avant d’entrer dans un édifice. Peu importe sa dimension et quelle que soit la typologie de cette pièce non subalterne de votre habillement.
Ôter ses souliers, se délester de ses chaussures, fût-ce des claquettes caoutchoutées, des tongs en plastique, des flip-flops. Et toute la gamme des sandales et escarpins. Il va sans dire que les pataugas, bottes et talons aiguilles sont proscrits d’office.
En l’occurrence, la tradition se mêle d’une histoire de semelles.
Les motifs d’une telle obligation sont multiples : manifestation de respect dans les lieux de culte, concomitamment avec un indéfectible souci de propreté. Règle d’or : On n’amène pas avec soi les miasmes du dehors et les impuretés de l’extérieur. Coutume et hygiène vont de pair, c’est le cas de le dire. De même que bienséance et savoir-vivre. Sinon, vous risquez la mise à pied pour manquement grave à la culture vernaculaire.
Un tel geste est observé en public, au surplus de ce qu’il convient de faire dans les lieux privés comme les domiciles, maisons, appartements, condos, simples chambres de location, logements, logis. En fait, toute la déclinaison de l’habitat intérieur siamois.
Au Royaume de Siam, on se rappelle que toute personne, thaïe comme étrangère, est née plantigrade
Dans ce contexte hautement culturel, il est recommandé au visiteur d’apprendre quelques mots essentiels en thaï : « embarras du choix », « perplexité », « dubitatif », « hésiter », « se tâter », « se perdre en conjectures »… Ce serait presque un glossaire pour manuel de survie.
La seule parade connue à ce jour, c’est d’arborer des chaussures très originales, sinon uniques, probablement fabriquées en série limitée. Elles doivent être distinctes et immédiatement identifiables. Éviter un ton chromatique trop commun. En clair, de couleur autre que le bleu. En somme, elles doivent sauter aux yeux. Jusqu’à pouvoir vous prévaloir d’un choix basé sur la rareté dans la partie basse de votre mise. Ne jamais être hors sol s’apparente ici à une ligne de conduite scrupuleuse.
Sinon, prévoyez de perdre une bonne demi-journée à retrouver ce qui vous appartient. Envisager un scénario empreint d’une certaine malhonnêteté par défaut : jeter votre dévolu sur une paire qui n’a jamais eu l’honneur de connaître votre voûte plantaire.
En cas d’embrouillamini, l’issue ultime sera de repartir pieds nus.
Patrick Chesneau
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