La fermeture de plusieurs points de passage frontaliers entre la Thaïlande et le Cambodge a coupé, net, une partie des flux commerciaux bilatéraux. Les chaînes d’approvisionnement locales — en particulier dans l’agriculture et l’industrie manufacturière — ressentent déjà les premières perturbations. Mais, à l’échelle macroéconomique, les économistes jugent le choc limité : les exportations vers le Cambodge ne pèsent qu’environ 3 % des ventes totales thaïlandaises, tandis que les importations cambodgiennes ne représentent qu’environ 0,01 % des achats du royaume.
Les secteurs et entreprises les plus exposés
Les produits les plus vulnérables restent ceux dont la part à destination du Cambodge est élevée : pétrole raffiné, boissons, sucre et engrais. Les analystes estiment toutefois que les acteurs pourront détourner les flux via d’autres canaux logistiques. Aujourd’hui, le commerce frontalier représente environ 70 % des exportations thaïlandaises vers le Cambodge, selon le Département du commerce extérieur (ministère du Commerce).
Carabao Group encaisse le risque le plus visible côté consommation : l’entreprise tire environ 15 % de son chiffre d’affaires du marché cambodgien avec ses boissons énergétiques (l’impact sur le résultat net atteint environ 20 %). Après la fermeture des principaux postes-frontières, le groupe a déjà basculé vers le transport maritime. Son distributeur assume les coûts de fret supplémentaires, mais Carabao Group pourrait en absorber une partie si cette solution se prolonge. Le groupe a repoussé au troisième trimestre certaines expéditions prévues au deuxième trimestre, preuve que l’incertitude continue de peser sur les exportations thaïlandaises.
PTT Oil and Retail Business (PTT Oil and Retail) détient, côté énergie, la plus forte exposition au Cambodge : l’entreprise génère 1,2 milliard de bahts d’EBITDA dans le pays, soit 7 % d’un EBITDA total de 17,7 milliards de bahts pour sa branche internationale (1,7 milliard de bahts). Elle vend ses produits raffinés via le réseau de stations-service PTT et le segment commercial — un business qu’il reste difficile de réorienter rapidement vers d’autres marchés.
Thai Oil Public Company Limited vend 11 % de sa production vers les pays Cambodge, Laos, Birmanie, Vietnam, dont 80 % au Cambodge, principalement par camions. Rediriger ces volumes vers Singapour rognerait légèrement la marge de raffinage réalisée (environ 0,1 dollar par baril, les ventes à Singapour offrant 1 à 2 dollars par baril de moins). Star Petroleum Refining Company n’a, elle, aucune exposition au Cambodge. Globalement, la Thaïlande exporte 9 % de ses produits raffinés vers les marchés Cambodge, Laos, Birmanie, Vietnam.
Distribution, télécoms : impact mesuré
Les analystes estiment que 1 à 4 % des ventes au détail pourraient être affectées par les fermetures et les perturbations transfrontalières. Les opérateurs télécoms, eux, ne devraient subir qu’un impact limité sur leurs revenus.
Verdict macro : vigilance, mais pas d’onde de choc systémique
Avec un poids modeste du Cambodge dans les échanges thaïlandais, l’économie du royaume devrait absorber le choc sans dérive macro majeure. Le risque reste toutefois micro-sectoriel : certaines entreprises très exposées, comme Carabao Group ou PTT Oil and Retail Business, doivent composer avec des coûts logistiques plus élevés, des retards de livraison et une moindre flexibilité commerciale tant que les points de passage restent fermés.
À court terme, la clé sera la durée des fermetures et la capacité des entreprises à reconfigurer leurs routes d’exportation. À moyen terme, toute escalade militaire ou diplomatique pourrait raviver une prime de risque géopolitique sur les valeurs les plus dépendantes du marché cambodgien.
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