Retour de notre conversation passionnante avec Jean-François Pairon, ancien pilote d’Air France, sur ses souvenirs passés et présents en Thaïlande, dont la première venue date de 1966.
(1er épisode ici)
G. : Vous parlez et lisez le siamois. Quand et où avez-vous appris cette langue ?
Tout d’abord, je dois vous dire qu’à chaque fois que je restais quelques jours à Bangkok entre deux vols, j’ai toujours été intrigué par la beauté de ses caractères « vermicelle », que l’on voyait sur les enseignes, les journaux, les menus etc…J’ai donc décidé à la retraite, avec mon temps libre, d’apprendre cette langue. Quoi de mieux puisque résidant près de Paris que de s’inscrire au cours de siamois à Langues O comme on disait à l’époque (nom officiel : INALCO – Institut national des langues et civilisations orientales). J’ai eu l’immense chance de devenir, à partir de 1995, un élève de Gilles Delouche, le grand spécialiste de la langue siamoise, dont la méthode fait toujours autorité aujourd’hui.
Mon apprentissage a duré trois années, de manière soutenue et assidue. Je vais vous raconter une anecdote : le public d’adultes à ses cours était très masculin, devinez pourquoi. Certains arrivaient dès le premier cours avec une lettre à lui faire traduire où il était question d’un buffle de rizière mort ou d’une grand-mère malade. Ce qui provoquait l’hilarité générale. Le professeur Delouche était très joueur avec nous. « Vous voyez ce billet de 500 bahts (qu’il sortait de sa poche), nous disait-il. Ne payez pas davantage, sinon vous vous faites avoir ». Trêve de plaisanterie, le professeur Delouche était vraiment un pédagogue hors pair pour nous faire progresser.
G. : Depuis votre retraite de pilote, vous continuez toujours de venir en Thaïlande alors ?
Bien sûr, c’est quasiment mon deuxième pays ! J’y venais avec mon épouse, qui aimait beaucoup la culture thaïlandaise et la richesse du patrimoine. Malheureusement, ma femme est décédée d’un cancer en 2011. J’ai poursuivi mes voyages car on s’était fait beaucoup d’amis là-bas, comme un certain Michel Hermann, votre collègue poète de Sukhothaï à Gavroche. C’est un très bon copain, je l’ai connu car sa femme thaïlandaise était agente pour Air France à l’aéroport de Don Mueang. Puis en 2015, j’ai rencontré Patty, de dix ans ma cadette, qui travaillait dans l’immobilier à Bangkok. Nous sommes devenus amis, elle est aussi venue en France chez moi lors de congés. Hélas, elle est aussi partie du cancer en 2023. Je vois toujours depuis notre cercle d’amis communs à Bangkok, j’y suis très attaché.
G. : Une autre de vos passions, la cuisine. Vous connaissez du beau monde dans la capitale siamoise, racontez-nous !
En effet, l’un de mes meilleurs potes est le chef Hervé Frérard, que l’on ne présente plus. Il a cuisiné pour Mitterrand et Elisabeth II, et la reine Sirikit de Thaïlande l’a désigné consultant pour la Royal Project Foundation, en raison de sa valorisation extraordinaire des produits locaux thaïlandais, provenant de fermes d’exception. Hervé, c’est vraiment un très grand, il m’a donné le virus de la cuisine, d’ailleurs, quand je réalise mes plats, il m’arrive de le contacter par WhatsApp malgré le décalage horaire, pour avoir ses conseils précis et précieux. Je vous invite à aller à la Brasserie 9, où il officie désormais, dans le quartier de Sathorn.
Et voici mes adresses de cœur pour la cuisine à Bangkok : pour la cuisine thaïe, incontestablement, le PLU Restaurant, des saveurs incroyables. Pour la cuisine chinoise, le Laoteng Arnoma Grand à Chitlom, pour moi, ils font le meilleur canard laqué de la ville. Et pour la française, hormis Hervé Frérard, j’aime beaucoup le Bouchon. Il a une atmosphère incroyable et malgré son départ de Patpong, il a su conserver son identité culinaire. Serge Martiniani (le fondateur du Bouchon historique) a trouvé un partenaire brillant en la personne de Benjamin Pincemaille, un jeune que je connais très bien depuis qu’il tenait un bar à vin sur Sukhumvit 22. L’avenir du Bouchon est assuré.
G. Quels sont vos quartiers de prédilection à Bangkok ?
J’aime beaucoup me balader dans la ville. Marcher et marcher encore. Prendre le BTS. Observer cette vie quotidienne à Bangkok. Depuis 20 ans, je fais beaucoup de photographies de rue. Dans le quartier chinois, Yaowarat, c’est un de mes quartiers préférés, la cuisine de rue est très photogénique. Les klongs aussi avec ces scènes d’un Bangkok immuable. Pratunam et ses marchés de tissus et textiles en tout genre. Je l’ai photographié à maintes reprises avec sa déambulation de fringues, je suis content d’avoir ces archives. Car aujourd’hui, il est en partie démoli, mais j’ai toujours cette trace de Pratunam. D’ailleurs, j’attends avec impatience mon prochain séjour. Cela devrait être en octobre.
Un grand remerciement à Jean-François, pour cet échange plein d’humanité.
Propos recueillis par Philippe Bergues
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