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THAÏLANDE – TOURISME : Lek, l’ange-gardien des éléphants

Journaliste : Juliette Tissot
La source : Gavroche
Date de publication : 03/05/2020
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Extrait de nos archives, découvrez à nouveau ce reportage sur Elephant Nature Park, un projet de conservation des éléphants de Thaïlande. Le parc organise les conditions pour permettre aux éléphants et autres animaux qui ont été victimes d’abus et d’exploitation à découvrir une existence naturelle. Lek Chailert, une thaïlandaise de 53 ans, consacre sa vie à la cause de ces éléphants maltraités. Au Elephant Nature Park, le camp qu’elle a créé en 1996, elle propose aux touristes une belle rencontre avec ses protégés, mais sans promenade sur leur dos.

 

C’est une vallée entourée de montagnes et de forêts où coule une rivière. Un paysage tropical somptueux. Bienvenue au Elephant Nature Park, petit Shangri-la pour éléphants, à 60 kilomètres au nord de Chiang Mai. Une trentaine de pachydermes évoluent dans cet espace préservé. Lek Chailert, sa fondatrice, est un petit bout de femme qui a dû être éléphante dans une autre vie…

 

Elle semble si petite à côté de ses énormes protégés, et pourtant elle se faufile sous leurs énormes corps, les caresse, les câline avec un naturel déconcertant. « J’aime les éléphants depuis toujours, j’en ai toujours vu autour de moi quand j’étais petite fille, explique Lek. A l’âge de 16 ans, quand j’ai réalisé combien ils étaient maltraités, forcés à travailler dans les forêts, je suis littéralement tombée amoureuse de ces animaux ! J’ai commencé à les aimer énormément, à me sentir mal pour eux et à avoir envie de les aider. »

 

En 1992, elle vient au secours de son premier éléphant. « C’était Mae Perm, elle vit toujours avec nous. Elle avait longtemps travaillé dans la forêt, mais elle est tombée malade. Son propriétaire l’avait alors attachée dans son jardin pour amuser la compagnie. Il n’en voulait plus et a accepté de me la donner. Aujourd’hui, elle va très bien ! »

 

Créé en 1996 sur un petit terrain, l’Elephant Nature Park a déménagé en 2003 dans un espace beaucoup plus grand. Aujourd’hui, 36 pachydermes sauvés des cirques, du travail forcé et des mauvais traitements y vivent paisiblement. Au Elephant Nature Park, les éléphants ne dansent pas sur gangnam style, ne jouent ni au foot ni aux quilles contrairement à ce que l’on peut voir dans de nombreux camps d’éléphants et sites touristiques de Thaïlande.

 

Certes, ils doivent accepter la présence de plusieurs dizaines de visiteurs chaque jour sur leur territoire, mais hormis leur cornac, personne ne monte sur leur dos. « Ici, explique Lek, on vient au secours des éléphants maltraités, exploités. On récupère des éléphants qui ont promené des gens sur leur dos pendant 50 ans ; certains ont servi de taxi jusqu’à l’âge de 60 ans. Alors, une fois qu’ils arrivent ici, c’est la retraite ! Ils ne font que manger, dormir, se baigner et jouer ». Lek Chailert et son équipe essaient de faire abolir une ancienne pratique des cornacs qui consiste à enfermer et maltraiter pendant plusieurs jours les éléphanteaux afin de mieux pouvoir les dresser. Lors de leur visite au parc, les touristes regardent d’ailleurs un film où l’on voit ce cruel système de dressage.

 

Pendant longtemps, les éléphants domestiqués ont travaillé dans les forêts. Ils aidaient les hommes à abattre les arbres et à tirer les troncs. En 1989, quand le gouvernement a interdit l’exploitation forestière, ces éléphants bûcherons se sont retrouvés au chômage. Or cela coûte cher de s’occuper et de nourrir un éléphant. Pour gagner de l’argent, on a alors reconverti massivement les éléphants dans le tourisme, d’où les fameuses promenades à dos d’éléphant et les spectacles. L’éléphant est devenu emblème touristique du pays et un gagne-pain pour des cornacs parfois peu scrupuleux. On estime qu’il reste aujourd’hui entre 3000 et 4000 éléphants domestiqués en Thaïlande et environ 2000 à l’état sauvage dans les parcs nationaux.

 

Lek tente de donner à ses éléphants domestiqués une vie la plus proche possible de ce qu’elle serait à l’état naturel. Pour faire vivre son parc, elle a choisi d’attirer des visiteurs qui veulent faire l’expérience d’un tourisme plus responsable, plus respectueux des animaux. « Nous avons choisi ce parc parce que nous avions vu Lek à la télévision, nous savions ce qu’elle faisait ici, que c’était un programme de conservation. Elle vient au secours des éléphants », explique Becky venue du Pays de Galles avec son mari et ses deux filles de 11 et 9 ans. « Des éléphants en train de peindre, de jouer au football, je ne voulais surtout pas voir cela. Je voulais que mes filles comprennent que ce n’est pas un comportement naturel pour un éléphant. Ici, il n’y a rien de tout cela, on les regarde, on les lave, c’est merveilleux. C’est un endroit qui donne vraiment beaucoup d’espoir pour l’avenir des éléphants d’Asie. »

 

Lek, l’ange-gardien des éléphants, est désormais une véritable chef d’entreprise. Pas moins de 350 personnes de Chiang Mai et des campagnes voisines travaillent tous les jours au Elephant Nature Park. « Aujourd’hui, les jeunes ne partent pas tous de la campagne pour chercher du travail en ville, ils viennent travailler avec nous », explique fièrement la directrice du parc, qui joue aussi un rôle dans la protection de l’environnement. En effet, malgré les interdictions, les villageois continuent d’abattre des arbres. Alors Lek, aidée par des moines bouddhistes, a lancé il y a plus de vingt ans un programme original qui a permis d’en sauver des milliers. « En Thaïlande, beaucoup de gens sont bouddhistes et croient au karma. Dans la religion bouddhiste, on ne doit pas toucher les moines, car c’est signe de mauvais karma. Comme je voyais tant de gens couper les arbres, j’ai eu l’idée de les bénir, de faire porter aux arbres des habits de moines pour les protéger. Quand je transforme un arbre en moine, il ne peut plus être coupé car si quelqu’un le coupe c’est comme s’il faisait mal à un moine. Aujourd’hui personne n’ose toucher aux arbres qui portent une écharpe de moine autour du tronc », raconte-t-elle avec malice.

 

Le soleil descend doucement dans la vallée, il fait un peu moins chaud. Un soigneur vient demander à Lek de l’aider à donner un médicament à un éléphant malade. Lek dissimule le comprimé dans une banane et tend le fruit avec douceur à l’animal qui accepte de manger le fruit. Vient ensuite l’heure des câlins et des chansons avec un petit groupe d’éléphants dont un éléphanteau né dans le parc. Lek plaque même la trompe de l’un d’eux sur son visage pour l’embrasser ! « D’habitude, je leur chante des chansons quand ils sont dans l’abri et ils s’endorment tout de suite ! D’une certaine façon, je suis un peu dingue, dingue des animaux ! J’aime les protéger, parce que peu de gens le font. Je pense que je suis née pour parler à leur place, alors je le fais, je parle pour eux. » On comprend mieux pourquoi on dit d’elle qu’elle chuchote à l’oreille des éléphants.

 

Juliette Tissot

 

 

 

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