Une chronique de Patrick Chesneau
À Bangkok, le gouvernement a donné tout pouvoir aux forces armées pour décider de la stratégie militaire à adopter, tout en indiquant sa volonté de parvenir à un règlement pacifique du différend frontalier par les voies du dialogue et de la négociation.
Malgré cette incitation clairement exprimée à la désescalade, tous les postes-frontières sont passés sous contrôle de l’armée. Plusieurs points de passage ont été fermés, alors que les ressortissants cambodgiens installés en Thaïlande tentent de rentrer au pays par milliers.
En particulier, deux checkpoints sont désormais inaccessibles aux touristes étrangers pour une raison très précise : l’entrée en vigueur de la loi martiale dans la province de Chanthaburi.
Il s’agit de Baan Laem Pong, dans le district de Nam Ron, et de Baan Pad Kad, dans le district de Klong Yai. À ces postes-frontières s’ajoute celui de Baan Klong Luek, dans la province de Sa Kaeo, district d’Aranyaprathet, utilisé par de nombreux étrangers pour leur « visa run » et autre « border bounce », désormais fermé.
Simultanément, l’état-major thaïlandais renforce sa propagande en direction des citoyens thaïlandais, distribuant des milliers de photos illustrant le renforcement de ses troupes lourdement équipées dans les zones névralgiques. Les plus hauts gradés ne cessent de marteler leur indéfectible détermination à garantir, au millimètre près, l’intégrité du territoire national et à défendre, coûte que coûte, la monarchie.
D’ores et déjà, sept provinces sont en état d’alerte, principalement de Sa Kaeo à Ubon Ratchathani.
Parmi les directives en cours d’application :
– création d’unités de défense territoriale impliquant les villageois eux-mêmes ;
– la Première ministre peaufine personnellement les plans de déplacement des populations limitrophes de la frontière ;
– dans toutes les écoles sous l’égide de la police – les Border Patrol Police Schools – de la province de Surin, les élèves multiplient les exercices d’évacuation grandeur nature ;
– autres consignes officielles :
• construction d’abris et de logements de secours ;
• mise en place d’hôpitaux de campagne (dans un élan patriotique remarqué, l’Union des infirmières de Thaïlande déclare se placer au service des unités de combat) ;
• constitution de réserves de nourriture.
Dans le même temps, des centaines de manifestants de la mouvance patriotique se sont rassemblés en multipliant les harangues enflammées devant l’ambassade du Cambodge à Bangkok, entraînant l’intervention de la police pour protéger l’enceinte diplomatique.
On notera enfin que les réseaux dits sociaux sont submergés par les messages d’internautes thaïlandais ultra-nationalistes, tous appelant à en découdre avec les Khmers.
Patrick Chesneau
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