Un éditorial de notre ami Richard Werly, conseiller éditorial chez Gavroche, publié sur le site d’actualités suisse Blick.
Les médias grecs qui regardent la France s’enfoncer dans une nouvelle crise politique avec la chute du gouvernement Bayrou ne s’y sont pas trompés. Pour nos collègues helléniques, experts en la matière, c’est une tragédie qui se joue sous nos yeux.
Dont acte. Voici un fils prodigue, Emmanuel Macron, pilonné par une classe politique qu’il s’était juré d’éliminer, ou de marginaliser. Pire : voici un président de la République élu au suffrage universel à deux reprises, désormais arrimé à la Constitution comme à un harnais en période de tempête sur un voilier bousculé par les déferlantes. A-t-il encore les moyens de tenir le gouvernail ? Pas sûr. De toute façon, l’issue de la tempête ne dépend plus de lui…
Vu de Suisse où Emmanuel Macron demeure plutôt populaire, salué pour ses analyses géopolitiques, ses initiatives diplomatiques et son attention portée à l’attractivité économique de la France, cette tragédie semble avant tout reposer sur les Français.
Sacrés Français !
Sacrés Français incapables de comprendre que l’argent public ne tombe pas du ciel, et qu’une dette de 3 350 milliards d’euros n’est pas tenable lorsque l’économie est presque en panne ! Sacrés Français qui se cabrent à l’annonce de la suppression de deux jours fériés, alors que les statistiques des congés maladie explosent ! Sacrés Français qui n’ont toujours pas compris ce que le compromis veut dire et ce qu’une coalition des partis de gouvernement, de droite et de gauche, pourrait apporter à ce pays tellement épris de révolution !
Haro, donc, sur la responsabilité collective ? Non, trois fois non ! A l’heure de faire les comptes à l’issue du vote des députés ce lundi 8 septembre, un homme porte, plus que d’autres, le fardeau de cette crise sur les épaules. Et il s’agit d’Emmanuel Macron.
Orgueil démocratique
D’abord parce que Macron a préféré dissoudre l’Assemblée nationale, le 9 juin 2024, plutôt que de s’abaisser à proposer un véritable contrat de coalition entre partis pour son second mandat. Péché d’orgueil démocratique !
Ensuite parce que ce président «jupitérien» a promis aux Français, dans ses vœux du 31 décembre, des référendums qui, depuis, se sont avérés chimériques. Résultat : rien. Pas un vote proposé. Ressentiment assuré !
Enfin parce que le chef de l’État, protégé par la Constitution de la Ve République taillée pour le Général de Gaulle, n’a tiré aucune conséquence de son rejet majoritaire dans l’opinion. Comme s’il pensait que la France, bon gré mal gré, doit être réformée contre les Français. Indifférence revendiquée !
Les trois erreurs
Ces trois erreurs sont au centre de la crise politique actuelle. Refus du parlementarisme qui s’impose. Refus de référendums par peur qu’ils se transforment en vote pour ou contre le locataire de l’Elysée, Refus de considérer que la légitimité présidentielle du Macron 2025 n’a plus rien à voir avec celle de 2017, lorsque l’élan politique était en sa faveur.
A partir de là, tout ne pouvait que dérailler, surtout dans un pays où l’élection présidentielle de 2027 est dans toutes les têtes.
Emmanuel Macron, fort de sa jeunesse et de son dynamisme, aurait pu (et dû) être un président réparateur au service de sa vision proeuropéenne, et probusiness, d’une France remise sur les rails. Il a choisi, au contraire, de demeurer un président disrupteur, provocateur et fier de l’être. Le pays n’a pas suivi. On connaît le résultat. La France est KO ? C’est la faute à Macron.
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Que les Français soient débiles, surtout vus de Suisse ; notre éditorialiste a l’art de la répétition et de l’incantation. Il appuie, il insiste… La restitution convulsive d’un « topos » helvétique ? Des Français tellement débiles qu’il faudrait, comme Mélenchon, les remplacer, mais par des Grecs. Une obsession helvétique ? Le FMI, ce sera au prochain numéro ! Le scénario grec, c’est celui de Mélenchon et de tous ceux qui espèrent la « fin » de l’Europe… enfin débarrassée de cette incongruité institutionnelle et « contre nature ».
Ces « sacrés » Français, si épris de révolution et incapables de se parler, sauf pour se triper, la dilection pour l’alcool aidant (encore un « topos » ?), seraient irresponsables, et à la lecture, on ne sait pas très bien si Macron ne serait pas la victime d’un peuple [aussi] stupide, incapable de comprendre quoique ce soit et inaccessible à la raison. Ces « sacrés » Français, incarnés en cop gaulois, les deux pieds dans ses déjections. On croit réentendre tous les éléments de langage semés par les partisans du traité constitutionnel en 2005.
Macron, après Bayrou, adulé lors des précédents éditos, semble devoir porter le poids des « événements catastrophiques », victime expiatoire d’une France infantile, l’augmentation du déficit budgétaire pendant 8 ans ayant été mise sous le boisseau. Des Français frappés d’idiotie n’ayant pas suivi un président aussi inspiré, quoiqu’assez peu épargné.
Les Français n’ignorent rien de la situation que notre éditorialiste décrit avec une certaine gourmandise ; ce qu’ils refusent, c’est d’avoir à supporter les conséquences de politiques se caractérisant par une insécurité économique, sociale et culturelle à laquelle ils n’ont pas été associés et pour lesquelles la charge fiscale supportée, son poids et son injuste répartition, est vue comme une rupture du contrat démocratique.