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BIRMANIE – CONFLIT : Comment la junte survit sur le plan militaire

Date de publication : 14/09/2025
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avions Birmanie

 

Une chronique du conflit Birman par François Guilbert

 

L’armée de l’air et la marine, essentielles à la survie de la junte, mais pas au cœur du pouvoir

 

Depuis sa création, l’armée s’est appuyée sur son infanterie. Ses chefs ont à ce titre monopolisé les fonctions de commandements et les responsabilités politiques les plus éminentes des régimes militaires successifs. Si dans les cercles de décision de la gouvernance rien n’a changé, sur les terrains d’opérations il n’en est plus de même depuis la guerre civile née du putsch du 1er février 2021. Mais marins et aviateurs sont devenus essentiels à la survie de la Commission de la sécurité et de la paix de l’État (SSPC).

 

Les frappes aériennes constituent une caractéristique structurante du paysage guerrier

 

Elles sont même un symbole des opérations aveugles conduites par la junte. De 2021 à 2024, elles ont été multipliées par 24. D’année en année, elles ont connu une augmentation considérable : +306,5 % en 2022, +156,7 % en 2023 et +121,9 % en 2024. 2025 pourrait même constituer un nouveau record.

 

Sur la base des observations réalisées au cours du premier semestre, les bombardements aériens (avions d’attaques air-sol, drones, hélicoptères, paramoteurs) et leurs lots de victimes civiles poursuivent leur rythme haussier. De janvier à avril 2025, ils ont cru chaque mois un peu plus (+ 61 %) Rien que pour les trois premiers mois leur nombre était déjà 8 fois supérieur à celui de 2021 Ces derniers temps ce sont d’abord l’État Shan, les régions de Mandalay et de Sagaing qui en payent le prix le plus lourd.

 

De janvier à juillet, quotidiennement 18 opérations d’assaut aérien ont été conduites en moyenne

 

Le pilonnage par les airs s’opère en toute saison, même s’il est généralement plus intense en période de saison sèche que lors de la mousson. Il s’en prend aux bastions de la résistance et, en premier lieu, aux Forces de défense du peuple (PDF). Si la topographie moins accidentée de leurs territoires peut constituer un facteur de ciblage, la Tatmadaw emploie d’abord l’arme aérienne pour démontrer aux populations environnantes qu’il est très dangereux d’apporter son concours aux insurgés.

 

Les soldats du général Min Aung Hlaing n’hésitent pas à s’attaquer aux camps de déplacés, aux écoles, aux édifices religieux, aux hôpitaux et aux marchés. Tactiquement par des punitions collectives, la puissance de feu mobilisée et les soutiens étrangers ostentatoires (Chine, Russie), il s’agit de convaincre les ennemis que la Révolution est une voie sans issue. Il serait donc bon pour les rebelles et la Nation que les combattants cessent les affrontements armés et se joignent au processus électoral énoncé pour la fin 2025. Un leitmotiv que la propagande de la SSPC martèle sans fin à coups de SMS et de messages sur les réseaux sociaux. Ils ne peuvent toutefois faire oublier que les bombardements aériens ont tué en moyenne jusqu’ici 1 PDF pour 10 civils.

 

Sur le plan militaire, la voie des airs est faite pour terroriser et contenir les velléités offensives des oppositions armées avant les élections

 

Il s’agit de fixer les PDF là où ils sont. C’est d’autant plus urgent pour Nay Pyi Taw qu’ils conduisent plus de la moitié des affrontement armés « non-étatiques ». Pour la Tatmadaw, il faut stopper cela au plus vite. Plus encore, il faut démontrer que le pouvoir « central » est désormais à même de récupérer toute ou partie des territoires perdus depuis la fin 2023. Ne l’oublions pas, il y a quelques mois encore les experts s’interrogeaient sur un possible effondrement de l’armée aux ordres des généraux putschistes.

 

Les canonnades s’en prennent donc à des zones peuplées, entraînant ipso facto un grand nombre de victimes et d’importants mouvements de population, ce qui constituent un des desseins non-dits. Ceux-ci nourrissent émois et condamnations (inter)nationales. De la part des oppositions démocratiques et ethniques, ils suscitent des appels à la mise sur pied de zones de non survol, à la fourniture de matériels de défense anti-aérienne ou encore à des sanctions contre les fournisseurs des plateformes, de leurs pièces détachées ou du kérozène.

 

Le succès des campagnes de dénonciation des attaques aériennes est limité

 

Bien que de multiples condamnations aient été exprimées devant le Conseil de sécurité des Nations unies et des mesures coercitives aient été prises (cf. Australie, Canada, États-Unis, Royaume Uni, Union européenne) leurs résultats n’ont pas changé la conduite opérationnelle. Ils ont même « offert » du temps aux généraux pour apprendre à mieux maîtriser l’emploi des armes aériennes et les opérations interarmées, probablement avec l’aide de conseillers étrangers.

 

Au cours des deux dernières années, les unités de l’armée de l’air et les forces aux sols ont appris à mieux combiner. C’est devenu un enjeu critique pour que le pays bamar ne s’effondre pas alors que les attaques des unités d’opposition se multiplient. Gardons en tête qu’au premier trimestre 2025, ces assauts ont augmenté substantiellement dans les provinces : Ayeyarwady +1650%, Bago +59%, Magway +29%, Sagaing +28% et Taninthary +69%. Ce vif tempo explique en partie pourquoi le général Min Aung Hlaing n’a pas suspendu les attaques venues du ciel après le tremblement de terre de Mandalay, y compris là où les dommages matériels et humains étaient élevés. Mais l’armée de l’air n’est pas la seule à aider les opérations d’une infanterie boostée par la conscription.

 

La marine vient de plus en plus en appui des opérations aéro-terrestres

 

Les déploiements navals atteignent leur plus haut niveau depuis 2021. Actuellement, ils se concentrent sur les fronts « ethniques », Kachin et Rakhine. Fréquemment accompagnés de bombardements d’artillerie vers les rives, ils complètent les opérations aériennes et au sol. Plus nouveau, la marine mène des actions conjointes avec l’armée de l’air afin de prévenir les embuscades et sécuriser ses positions stratégiques. Le 11 août dernier, des avions ont bombardé des villages du canton de Shwegu dans l’État Kachin, alors qu’une flottille de près de 20 navires remontait le fleuve Ayeyarwady. Une opération aéronavale en profondeur probablement sans précédent.

 

La marine est mobilisée comme jamais. Dans l’État Rakhine, elle est à la tête des principaux coups de main. Le 5 août, ses navires ont mené depuis Rangoun 300 soldats à Sittwe. Le 17 août, 10 bâtiments de guerre ont jeté l’ancre au large de la capitale rakhine, en prévision d’une contre-offensive pour desserrer l’étau établi par l’Armée de l’Arakan (AA). Le 20 août, sur l’île de Ramree des affrontements meurtriers ont éclaté, à proximité d’une zone stratégique abritant la base navale de Dhanyawaddy et le port en eau profonde de Kyaukpyu. Lors de ces combats, le commandement de la Tatmadaw a combiné l’emploi des frappes aériennes, de ses paramoteurs et de l’artillerie navale.

 

L’utilisation par l’armée des voies navigables des fleuves Chindwin et Ayeyarwady et sa mobilité dans la baie du Bengale et la mer d’Andaman sont devenues indispensables

 

La marine sous protection aérienne offre la possibilité de contourner les couloirs terrestres tenus par la résistance. Par ce mode d’action, elle réduit aussi les recettes fiscales de l’opposition et sécurise sa propre logistique. Alors que la junte cherche à renforcer son contrôle sur les voies navigables, les opérations navales – désormais de plus en plus coordonnées avec les frappes aériennes – devraient s’intensifier dans les mois à venir. Reste à savoir si les chefs de la marine et de l’armée vont tirer des avantages politiques et personnels de leurs engagements opérationnels voire de leurs succès.

 

La marine et l’armée de l’air ne sont pas dans le premier des cercles du pouvoir

 

Au regard des derniers ajustements, ils le sont même de moins en moins. 0 sur 10 au SSPC, 0 sur 11 au Conseil national de défense et de sécurité (NDSC) et 1 officier général (marine) sur les 5 généraux du pays. Plus conséquent pour l’avenir, l’officier le mieux placé pour succéder au commandant-en-chef actuel, le chef d’état-major général Kyaw Swar Lin, n’appartient pas à l’une des deux armes.

 

Âgé de 54 ans, ce « terrien », par ailleurs membre de la SSPC, pourrait bien se voir confier la tête de la Tatmadaw pendant des décennies comme ses devanciers les généraux Ne Win (1962 – 1988), Than Shwe (1992 – 2011) et Min Aung Hlaing (2011 – 2026 ?). A la vérité, les biffins dominent sans partage la hiérarchie de l’armée et de l’État. Au gouvernement, seul un ex-chef d’état-major de la marine a surnagé. Mais le ministre de l’Union, Mya Tun Oo, est à la retraite depuis quelques années déjà.

 

Dans ce contexte institutionnel singulier, aviateurs et marins se devront attendre 2026 pour voir si des places se libèrent. Plusieurs généraux ayant dépassé les 60 ans (âge usuel de la retraite pour ce grade) des espoirs sont permis. C’est notamment le cas des généraux Maung Maung Aye (ministre de la défense) et Ye Win Oo (chef de la sécurité militaire), sans même parler du senior général Soe Win (65 ans), numéro 2 de l’armée. Au jeu des chaises musicales la marine est peut-être la mieux placée car deux de ses anciens peuvent être appelés à bouger : le chef d’état-major possiblement touché par la limite d’âge (Htein Win) et un des 4 ministres de l’Union, ex-chef d’état-major de la marine et déjà parmi la réserve, Mya Tun Oo (64 ans).

 

Le général Min Aung Hlaing se montrant peu enclin à promouvoir aux plus hautes fonctions de l’Etat et de la Tatmadaw des cadres susceptibles de lui faire de l’ombre et ayant brillé sur les théâtres d’opération, pas sûr que marins et aviateurs parviennent aux fonctions éminentes que devraient leur valoir leurs appuis aux succès de l’infanterie. A défaut, il leur restera à espérer trouver des points de chute rémunérateurs au parlement ou dans des entreprises liées à l’armée. Mais cela suffira-t-il à taire toutes les ambitions et à satisfaire les plus concernés de la marine et de l’armée de l’air ?

 

L’enjeu est de taille car certains d’entre eux pourraient intéresser la justice internationale. S’ils en doutaient l’ONG Fortify Rights vient de produire le 4 septembre un rapport de 86 pages mettant en cause pour crimes de guerre 22 officiels de la junte dont le patron de l’armée de l’air (général Htun Aung) et son chef d’état-major (général Zaw Win Myint) pour des bombardements aériens indiscriminés sur les États Kachin et Kayah en 2023 – 2024.

 

François Guilbert

 

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